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En entreprise ou en politique, les Français attendent de nouvelles pratiques du pouvoir, par Pascal Demurger


L’été 2024 aura, finalement, été celui d’un grand soulagement. Suscité par l’inattendu résultat d’un front républicain que l’on croyait mourant, il aura été amplifié par le succès éclatant de Jeux olympiques rassembleurs et rayonnants. Ainsi, nous serions encore capables de nous mobiliser, de nous faire confiance, de réussir collectivement. Pourquoi alors une inquiétude persiste-t-elle ? Peut-être parce que la vie politique nationale ne reflète pas ce moment. Parce qu’à ce stade la défiance et la culture du conflit restent de mise et aggravent l’hiatus entre la conduite des dirigeants et les aspirations des Français. Ayons conscience de cette dissonance, dénonçons-la, pour mieux la faire taire. Sans prétendre que le gouvernement de la nation puisse s’assimiler à la direction d’une entreprise, je peux, néanmoins, témoigner de l’inanité de pratiques du pouvoir d’un autre temps, et affirmer qu’il existe d’autres voies, éprouvées et approuvées.

L’étude des lois élémentaires du management, lequel n’est rien d’autre que la direction de collectifs autour d’un projet commun, confirme l’inefficacité de pratiques centralisées, descendantes voire conflictuelles du pouvoir, encore trop régulièrement retenues en politique. Souvent justifiés par la recherche de performances court-termistes, ces styles de management génèrent chez les salariés un mal-être contre-productif, entraînant jusqu’à 20 % de perte de productivité du fait d’une démotivation, d’un absentéisme et d’un turn-over chroniques (enquête de 2022 de la Harvard Business School conduite auprès de 35 000 entreprises dans 35 pays dont la France). Ils nient également la complexité du monde, qui impose de rassembler une diversité de points de vue et de compétences pour réussir durablement.

A l’inverse, de nombreuses entreprises ont fait le choix de diriger autrement. Comment ? En misant sur la capacité de chacun, dès lors qu’il est considéré et respecté, à prendre des décisions autonomes pertinentes et conformes à l’intérêt commun, y compris en acceptant un droit à l’erreur. En offrant aussi un environnement de travail qui permette à chaque collaborateur de se réaliser dans son métier et de contribuer plus efficacement, par envie et motivation plus que par contrainte. Ces entreprises-là sont plus résilientes, plus apaisées, et, in fine, plus performantes.

Réussir cette même bascule en politique ne dépend pas essentiellement de nouvelles lois. Cela repose avant tout sur un changement culturel. L’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale constitue, de ce point de vue, une réelle opportunité.

De la même manière qu’un dirigeant d’entreprise moderne ne peut considérer ses salariés comme de simples unités de production interchangeables, la première condition, en politique, est de se libérer de mythes tenaces. Celui d’un peuple français par essence passionnel, indomptable, contestataire et destiné à être soumis à un pouvoir vertical. Sans nier tout ce que la société comprend de conflictuel et sans remettre en cause la nécessité d’une forme d’autorité, gardons à l’esprit que la majorité du pays est bien plus mature, plus tranquille, plus responsable que cela. La réalité de nos vies, des pauses-café aux repas de famille, est bien plus souvent faite de dialogue et d’empathie que de la guérilla permanente qui défile sur nos écrans.

Diriger autrement, une obligation pour pouvoir diriger tout court

La seconde condition est de diriger par la confiance. L’absence de culture du compromis rend le pays de facto ingouvernable, alors même qu’elle est perçue positivement par 8 Français sur 10, et que seuls 19 % l’associent à un “renoncement” (Les Français et l’engagement, enquête BVA – Fondation Jean-Jaurès, juillet 2021). Nulle question ici de basculer vers une pure horizontalité inopérante. Simplement, à la verticalité de la vision adjoignons la considération due à tout un chacun. Affirmons qu’il est possible de dialoguer avec des contradicteurs. Qu’il est parfois souhaitable d’accepter des pertes à court terme pour obtenir de plus grands gains à long terme.

Engager ces changements culturels est non seulement accessible, mais indispensable. Diriger autrement non seulement est la condition de la réussite, mais devient même désormais une obligation pour pouvoir diriger tout court.

* Pascal Demurger est directeur général du groupe Maif et coprésident du Mouvement Impact France.




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