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Pour réduire les émissions de CO2, vaut-il mieux agiter la carotte ou le bâton ?


Crise des gilets jaunes, colère des agriculteurs… En France, les réglementations environnementales peuvent vite dégénérer en mouvements sociaux. Certains blâmeront l’incohérence des mesures à appliquer. D’autres l’incapacité de notre pays à se réformer autrement que dans la douleur. La France n’est pourtant pas la seule à chercher la bonne formule sur le plan environnemental. En fait, les bonnes politiques vertes – celles qui permettent de réduire nos émissions de C02 – tout en étant acceptées par la population sont extrêmement rares, si l’on en croit une étude menée par des chercheurs allemands.

Ces derniers se sont penchés, à l’aide de l’intelligence artificielle, sur 1 500 politiques de décarbonation mises en œuvre entre 1998 et 2022. Taxes, subventions, normes dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’industrie et des bâtiments… Tous les leviers utilisés par les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont été passés au crible. Résultat : sur la totalité des cas analysés, “seulement 63 politiques publiques s’avèrent performantes, chacune obtenant en moyenne 19 % de baisse des émissions”, souligne l’étude.

Si la majorité des mesures mises en place échouent à infléchir la courbe des émissions de CO2, c’est qu’une bonne partie d’entre elles est pensée de façon isolée, comme l’interdiction des centrales à charbon, la subvention aux énergies renouvelables ou la mise en place d’un prix du carbone. Selon les auteurs de l’étude, le secret des politiques qui fonctionnent repose sur un savant mélange de stratégie réglementaire et de mesures incitatives. “Les cas performants n’apparaissent qu’avec un tandem de taxes et d’incitations tarifaires, combiné à un paquet de politiques bien conçues”, expliquent les chercheurs.

A ce titre, l’Europe s’en sort bien. Une bonne partie des 63 politiques jugées efficaces ont lieu dans des pays de l’Union européenne, validant ainsi la stratégie de taxation du CO2 mise en place depuis une vingtaine d’années, et les politiques de subventions connexes. “Il y a beaucoup de cas de réussite en Europe, comme on pouvait s’y attendre, car l’UE et les pays de l’Union individuellement sont à l’avant-garde des questions environnementales”, souligne Nicolas Koch, l’auteur principal de cette étude. Les baisses d’émissions encourageantes, que les chercheurs comptabilisent entre 5 % et 10 %, sont observées dans le domaine des transports en France, en Irlande, en Allemagne, ou encore en Roumanie. Le Portugal, la République tchèque ou la Grèce obtiennent de bons résultats dans les secteurs de la production d’électricité et de l’industrie.

Pas de baguette magique

Mais la palme du meilleur élève revient à la Suède. “Les résultats de nos travaux montrent que ce pays est parvenu à réduire fortement les émissions dans le bâtiment. Un secteur dans lequel de nombreux autres pays éprouvent des difficultés. Comment ont-ils fait ? Ils ont dépensé de l’argent pour aider les propriétaires à rénover leurs maisons et à changer leurs systèmes de chauffage. Parallèlement, ils ont mis en place un prix du carbone sur le fioul et le gaz domestique, qui est passé de 40 euros à plus de 100 euros au fil du temps. C’est donc cette combinaison de mesures qui a permis de réduire efficacement les émissions du secteur”, ajoute Nicolas Koch.

Au total, les 63 politiques fructueuses représentent “des réductions d’émissions comprises entre 0,6 et 1,8 milliard de tonnes d’équivalent CO2”, estime l’étude. Un chiffre modeste au regard des efforts qu’il reste à faire – 23 milliards de tonnes d’ici à 2030 – pour se maintenir sur la trajectoire fixée par l’Accord de Paris.

“Cette analyse est utile car elle donne des axes de réflexion pour certains pays dans lesquels le débat politique reste cloisonné”, souligne Andreas Rüdinger, chercheur en politique énergétique à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). Mais ces résultats, qui n’étonneront pas les économistes du climat, montrent également qu’il n’existe pas de baguette magique pour engendrer une baisse franche des émissions de CO2. “Nos conclusions démontrent également que la multiplication des politiques n’est pas nécessairement synonyme de meilleurs résultats. Au contraire, c’est la bonne combinaison de mesures qui est cruciale”, indique Nicolas Koch. Enfin, les décisions prises dans certains pays ne sont pas forcément réplicables dans d’autres.

Regarder l’ensemble des effets

“Dans les économies en transition, comme l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, ou la Colombie, il existe une tarification du carbone dans le secteur de l’électricité, mais elle n’est pas efficace. Tout simplement parce que le prix de la tonne de CO2 n’y est pas suffisamment élevé”, souligne Nicolas Koch. Les politiques d’incitation à la sobriété observées ces dernières années donnent également des résultats variables. “C’est une pièce essentielle du puzzle pour la décarbonation. Or, leur rapidité de mise en œuvre, comme la capacité d’adoption de ces mesures par la population, peut être très différente en fonction de la culture politique de tel ou tel pays”, note Andreas Rüdinger.




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