La Suisse est ce pays étonnant qui, sur un territoire étroit, dispose de quatre langues nationales : l’allemand, l’italien, le français et le romanche. La Suisse est aussi l’un des pays les plus riches du monde et cette coïncidence n’en est peut-être pas forcément une. “Notre multilinguisme nous oblige en permanence à prendre en compte les points de vue des autres. Cela retarde un peu les décisions, mais, in fine, c’est ce qui nous permet de trouver collectivement de meilleures solutions”, explique Grégoire Furrer.
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Grégoire Furrer ? Ce nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, ce Suisse pur souche est à l’origine du festival Montreux Comedy, un événement qui rassemble des humoristes francophones de la planète entière et dont la 35e édition aura lieu du 13 au 23 novembre. A la clé : des salles pleines, de multiples diffusions à la télévision et plus de deux millions d’abonnés sur YouTube ! Et pourtant…
“Quand je me suis lancé, on me disait : ‘Les Suisses ne comprendront pas l’humour des Québécois ni celui des Français.’ J’ai toujours pensé l’inverse. Pour moi, il n’existe pas un humour suisse, un humour québécois et un humour français. Il existe des artistes talentueux et d’autres qui le sont moins. Si vous êtes drôle, vous faites rire tout le monde.” La suite a prouvé qu’il avait raison, grâce en particulier à Internet. A Paris, à Bamako, à Montréal, à Genève, à Tournai et ailleurs, les internautes plébiscitent les vidéos des artistes qu’il met en avant, sans jamais se soucier de leur nationalité.
L’homme, de surcroît, a la francophonie joyeuse et ouverte. “Je suis fier de mon identité, mais je déteste le repli sur soi, explique-t-il. A mes yeux, la francophonie est avant tout un moyen exceptionnel de rencontrer d’autres visions du monde. Quand un Africain parle de migrations, je vous assure que cela contribue à changer nos représentations d’Occidentaux. “
Alors, désormais, Grégoire Furrer nourrit un rêve plus extraordinaire encore : exporter l’humour francophone dans des pays… où l’on ne parle pas français. Et, dans l’autre sens, faire apprécier en France ou au Québec des artistes s’exprimant en espagnol, en anglais ou en allemand ! “La dernière barrière, c’est la langue, dit-il, mais l’intelligence artificielle et ses capacités de traduction devraient nous aider à la franchir.”
En vérité, il est déjà passé de la théorie à la pratique en faisant monter sur scène, à Montréal, des artistes brésilien, arabe et anglais. “Nous avons distribué des casques et fait traduire en simultané les textes par des humoristes francophones avec lesquels ils s’étaient entraînés au préalable. Et cela a très bien marché.” (voir la rubrique “A regarder”).
Encouragé par ce premier succès, le créateur du festival Montreux Comedy (1) a réalisé un nouveau test en octobre à la Gaîté Lyrique, à Paris. Mieux : en 2025, c’est un artiste coréen qui se produira à Lille tandis que l’expérience inverse aura lieu à Busan. “Si nous arrivons à montrer que l’humour asiatique est compris en Europe, ce sera la preuve absolue que le rire est international”, assure-t-il.
La dernière étape consistera à présenter non pas des intermèdes, mais des spectacles entièrement en français dans des pays non-francophones, et réciproquement. Le nom de ce projet ambitieux est d’ailleurs déjà trouvé : Babel, bien sûr !
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(1) Quand on demande à Grégoire Furrer pourquoi il a recouru à un terme anglais, comedy, pour défendre la francophonie, voici ce qu’il commence par répondre : “Ce mot désigne une autre réalité que la comédie qui, chez nous, évoque une pièce de théâtre.” Avant de reconnaître avec honnêteté : “Si c’était à refaire, je choisirais un autre nom.” Faute avouée…
A LIRE AILLEURS
Déclarations d’humour
“Mesdames, un conseil : si vous cherchez un homme beau, riche et intelligent, prenez-en trois” (Coluche). “Le sport ? Je suis croyante, mais pas pratiquante” (Anne Roumanoff). “J’adore décevoir les gens. C’est mon côté socialiste” (Pierre-Emmanuel Barré). Julien Barret a rassemblé dans cet ouvrage plusieurs centaines de citations d’humoristes francophones, en l’assortissant d’une introduction intelligente.
Déclarations d’humour, par Julien Barret. Editions Le Robert.
L’étonnante étymologie de l’eau
Passionnant article de Pierre Avenas consacré à l’étymologie du mot « eau ». Où l’on apprend notamment les liens entre cet élément et des termes comme « abondance » (« riche en eau »), « redondant » (« déborder d’eau »), mais aussi avec des noms de villes comme Aigues-Mortes ou Aix-en-Provence.
Nouveau format pour le Dictionnaire historique de la langue française
L’avant-dernière version du Dictionnaire historique de la langue française, enrichie par Alain Rey à la fin de sa vie, avait été proposée en grande dimension en 2022. Cet ouvrage de référence reparaît aujourd’hui en format compact avec un choix de trois couleurs : bleu, blanc et rouge, bien sûr !
Dictionnaire historique de la langue française, ultime édition. Editions Le Robert.
Contribuez à sauver les langues de Bourgogne
La maison du patrimoine oral de Bourgogne recherche des personnes pour constituer un groupe de travail et créer des outils pédagogiques afin de transmettre le bourguignon-morvandiau, une langue d’oïl aujourd’hui en grand danger. Contact : 03 85 82 77 00 ou [email protected]
Parler français dans le jeu vidéo, c’est possible
Dites “hyperjoueur” et “hyperjoueuse” au lieu de hardcore gamer ; “animateur graphique” au lieu de motion designer ou “jeu grand public” au lieu de casual game. Telles sont quelques-unes des recommandations de la commission de terminologie de la langue française, qui vient de publier ses conseils pour le monde du jeu vidéo.
Les mots s’amusent
“Brouiller les cartes”, “être plié de rire”, “se piquer au jeu”. L’écrivain Daniel Pennac et la dessinatrice Florence Cestac se sont associés pour livrer cette BD consacrée aux mots et aux expressions. Pour être honnête, au vu du pedigree des deux auteurs, on attendait un peu mieux…
Les mots s’amusent, par Daniel Pennac et Florence Cestac. Editions Le Robert.
A REGARDER
Les dessous du gala Babel
Voici la vidéo de présentation du gala Babel qui introduit pour la première fois la traduction simultanée d’un humoriste. Etonnant !
Carnet de dames, par l’ensemble Trobairitz
Au XIIe et au XIIIe siècles, dans le sud de la France actuelle, des femmes composent en langue d’oc des poèmes et des chansons. Ce sont les trobairitz – féminin de “troubadour” – terme forgé à partir du verbe trobar, “trouver”. Ce disque de grande qualité rassemble quelques-unes de leurs créations, dont ce morceau intitulé Fin ioi me don alegranssa (Joie pure me donne allégresse).
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