“Scholz est le mauvais candidat”. Le journal allemandDer Spiegel ne mâche pas ses mots. Si l’actuel chancelier n’a pas eu d’autre choix que de convoquer de nouvelles élections législatives après l’explosion de la coalition qu’il menait depuis 2021 avec les Verts et les Libéraux, sa candidature à sa réélection soulève des interrogations jusqu’au cœur du parti social-démocrate. Qui commence à se demander s’il représente bien la meilleure chance de remporter le scrutin du 23 février prochain – ou au moins de sauver les meubles, au vu de sa forte impopularité. “Il est fini, tout le monde le sait maintenant”, cinglait déjà le journal populaire Bild dans un éditorial ce mercredi. “Qui va le dire au chancelier ?” se demande de son côté l’hebdomadaire Die Zeit.
Jusqu’ici, les cadors du SPD serrent pourtant les rangs derrière leur chef, dont l’alliance avec les Verts et les libéraux du FDP a volé en éclat pour cause de différends devenus insurmontables en matière de politique économique et budgétaire. “Olaf Scholz est notre candidat à la chancellerie et c’est avec lui que nous allons aux élections”, a ainsi assuré ce jeudi Saskia Esken, vice-présidente du parti social-démocrate, auprès de Politico.
Un “lourd fardeau”
Le chef du groupe parlementaire du SPD Rolf Mützenich a reconnu quelques “grognements” de sociaux-démocrates locaux réclamant qu’Olaf Scholz cède la place à son ministre de la Défense Boris Pistorius. Mais la grogne est plus prononcée : “les cadres du SPD sont aussi inquiets”, assure Die Zeit. Le chancelier, dont le parti pointe à 15 % dans les sondages, espère effectuer une remontada similaire à celle de 2021. Les conditions ont toutefois changé. D’une part, les conservateurs font cette fois bloc derrière leur candidat. D’autre part, “Olaf Scholz a échoué en tant que chancelier”, estime Der Spiegel, et représente ainsi, en tant que candidat, “un lourd fardeau pour le parti”.
Selon un sondage Forsa, seuls 13 % des électeurs pensent que le SPD devrait se présenter avec lui. Un chiffre “désastreux”, selon le Spiegel. Et qui contraste d’autant plus avec celui d’un autre membre du SPD, Boris Pistorius, que 58 % d’électeurs souhaiteraient voir candidat pour la chancellerie, et qui semble bel et bien la figure montante du parti social-démocrate allemand. Propulsé ministre de la Défense en janvier 2023, l’ancien élu régional de Basse-Saxe caracole de longue date en tête des classements de popularité, toutes couleurs politiques confondues. Energique, avenant, parlant clair, cet homme de 64 ans détonne face à l’austère Olaf Scholz, champion des circonvolutions.
Boris Pistorius est donné gagnant non seulement contre ce dernier, si les Allemands pouvaient élire directement leur chancelier, mais aussi contre Friedrich Merz, le chef de l’opposition conservatrice CDU/CSU, créditée de quelque 32 % des voix dans les sondages. Pourtant, à ce stade, le ministre s’affiche en soldat loyal : “Nous avons un chancelier fédéral, et c’est le candidat désigné à la chancellerie”, a-t-il encore récemment mis au point.
Les sociaux-démocrates craindraient cependant un effet “Martin Schulz”. Ce dernier, candidat du SPD aux élections fédérales de 2017, avait commencé comme “le roi des sondages”, rappelle Die Zeit. Avant de finir à plus de 11 points de la CDU d’Angela Merkel, dans le pire score enregistré par son camp dans les élections d’après-guerre.
“Un vrai défi”
Une candidature de Boris Pistorius représenterait pourtant “un vrai défi” pour ses concurrents, reconnaît Wolfgang Kubicki, membre du FDP, le parti libéral. Classé dans le camp “des sociaux-démocrates conservateurs” et partisan d’une aide accrue à l’Ukraine contre l’invasion russe, le ministre ne fait pourtant pas l’unanimité dans un SPD toujours imprégné de pacifisme, position très répandue en Allemagne depuis les horreurs du nazisme.
Lors d’un discours au Bundestag ce mercredi, Olaf Scholz s’est d’ailleurs félicité de sa “prudence” vis-à-vis de l’Ukraine et d’un possible embrasement de la région. En justifiant notamment de nouveau son refus de fournir à Kiev des missiles à longue portée, les fameux “Taurus” allemands. De son côté, Boris Pistorius, juriste de formation, ne cesse d’alerter sur la menace russe. Il avait choqué ses camarades après avoir dit vouloir rendre à la Bundeswehr, l’armée allemande négligée depuis la fin de la guerre froide, sa “capacité à faire la guerre”. Il se voit aussi reprocher son absence d’expérience en tant que chancelier, qu’il partage au passage avec Friedrich Merz.
Si ce dernier juge que le SPD est dans une “situation difficile” à cause de son impopulaire leader, il ne compte pas sur un retrait de dernière minute, comme Joe Biden aux Etats-Unis : “Ils devront bon gré mal gré se présenter aux élections fédérales avec Olaf Scholz”, a-t-il estimé mercredi. Selon les projections actuelles, le nouvel exécutif a toutes les chances d’être mené par les conservateurs, avec éventuellement les sociaux-démocrates comme partenaires de coalition.
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