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Kamel Daoud et Boualem Sansal sont les Lumières d’aujourd’hui, par Abnousse Shalmani


Boualem Sansal, 75 ans, naturalisé français depuis peu, algérien depuis toujours, dort en prison à Alger. Boualem Sansal, ingénieur de formation, chef d’entreprise, haut fonctionnaire dans une première vie, devenu écrivain au cœur des années noires de la guerre civile algérienne, prenant la plume pour contrer l’islamisme qui insidieusement prenait ses aises dans les mentalités, dans les rues, jusqu’au cœur du régime militarisé – qui pensait les contenir en leur servant la soupe du compromis –, est accusé de terrorisme. Boualem Sansal, écrivain, est prisonnier de l’autocratie et de l’islamisme, il est entre des mains de fer de forces résolument hostiles, qui ont décidé, sur fond d’éternelle brouille franco-algérienne, de faire de l’homme de lettres un épouvantail pour imposer un silence de plomb à tous.

Athée, habité par le doute, Boualem Sansal ausculte, du Serment des barbares à Vivre. Le compte à rebours, en passant par Le Village de l’Allemand ou 2084. La fin du monde, le cœur, l’âme et l’intellect de l’homme, suit à la trace, avec la précision du scientifique qu’il est, les lâchetés, les peurs, les forces contradictoires qui habitent l’Occident comme l’Orient, en offrant une œuvre à la hauteur du chaos qui habite le monde depuis que le totalitarisme islamiste y a posé ses griffes.

Boualem Sansal est poursuivi pour crime d’intelligence avec la liberté. Liberté de création, liberté de l’imagination, mais aussi liberté de critiquer un gouvernement autoritaire et militarisé, ou plutôt tous les gouvernements autoritaires qui se sont succédé depuis l’indépendance de l’Algérie et ont gâché toute possibilité de démocratie, de progrès et de prospérité. Boualem Sansal était déjà le visage de la liberté, il doit en devenir le symbole universel.

Une cabale orchestrée par le régime algérien

En parallèle, Kamel Daoud est calomnié depuis Alger. Le Prix Goncourt 2024 est l’objet d’une cabale orchestrée par le régime algérien, qui lui reproche d’avoir osé raconter les années de guerre civile malgré la loi sur la réconciliation nationale qui muselle toute possibilité de mémoire. Ce qui est reproché à Kamel Daoud et Boualem Sansal est de s’être échappés de la prison algérienne façonnée par le FLN depuis 1962, d’avoir dit “non” à l’abêtissement généralisé et de n’être pas antisémites. Et c’est cet esprit critique qui les rend si suspects aux yeux de grands médias français, d’une trop grande partie de la gauche dévoyée, d’intellectuels de salon, de chercheurs de pacotille qui murmurent “traîtres” d’éditos en débats, reprenant le narratif d’un Etat voyou, ne parvenant pas à accepter une autre image de l’Arabe musulman que celle façonnée sur mesure par les islamistes.

Un Arabe musulman forcément antisioniste virulent, inévitablement gauchiste, définitivement victime de l’Occident, absolument musulman. Il est là le racisme et le néocolonialisme : dans cette figure figée de l’Arabe musulman, qui doit être balayée au nom du libre arbitre. C’est aussi la preuve de la victoire de l’entrisme islamiste sur une trop grande partie de l’élite politique et médiatique française. Ce n’est pas juste désolant, c’est un danger pour la démocratie, comme Sansal et Daoud ne cessent de le répéter.

Les deux figures de l’Algérie libre se confondent pour former une réponse à la question-poison mémorielle, à l’expansion de l’islamisme, mais aussi à la crise démocratique. Ils font la preuve à travers leurs indéniables talents de conteurs de la merveille qu’est la démocratie libérale. Démocratie libérale qui leur offre la transgression salutaire, l’expression de la remise en question, la lutte contre l’ignorance qui éteint les hommes, les rendant perméables aux interdits qui figent, aux dogmes qui brisent.

Ils sont, Kamel Daoud et Boualem Sansal, les Lumières d’aujourd’hui qui éclairent, à la lanterne de leurs histoires intimes et de leurs œuvres littéraires, le monde occidental devenu aveugle à force de peur et de compromis, le monde oriental devenu passif à force d’avaler sans possibilité de s’échapper la potion anesthésiante de l’obscurantisme, qui charrie antisémitisme, homophobie, misogynie, rejet de la démocratie, antilibéralisme. Ils doivent être la fierté de la France, qui a le devoir d’hospitalité envers ceux qui se battent pour que jamais une idéologie totalitaire ne vienne restreindre une liberté si chèrement acquise au fil de l’Histoire.




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