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Dette : face au gouvernement Barnier, jusqu’où peut aller la défiance des marchés ?


C’est à se demander qui est le plus à cran. Le gouvernement de Michel Barnier, qui peine à faire voter son budget pour 2025 ? Ou les investisseurs sur le marché obligataire, qui s’affolent face à toute éventualité de motion de censure ? Dernier emballement en date : le 27 novembre, quand le taux d’emprunt sur la dette française a momentanément surpassé celui de la Grèce, le pays le plus endetté des Vingt-Sept. Tout un symbole.

La conclusion s’impose : détenir de la dette française devient de plus en plus risqué. Pourtant, si l’Hexagone affiche un ratio d’endettement de plus de 100 % de son PIB, ce n’est pas l’indicateur qui inquiète le plus. “D’autres pays ont [un niveau de dette similaire] mais du moins n’ont-ils pas en même temps des déficits primaires [NDLR : recettes moins dépenses, hors charges d’intérêt] gigantesques et chroniques”, indique Bruno Cavalier, chef économiste d’Oddo BHF, dans une note.

Cette dérive n’est pas nouvelle. Depuis une vingtaine d’années, le pays dépasse régulièrement le seuil des 3 % de déficit prévus par les critères de Maastricht. Sans pour autant déclencher de panique. Mais depuis la crise des dettes souveraines, “tous les autres pays surendettés ont fait des efforts d’assainissement […] tandis que la France n’a rien fait pour soigner son incontinence budgétaire”, observe Bruno Cavalier.

Déficit de confiance

Depuis le mois de juin, l’instabilité politique est venue compléter ce tableau déjà sombre. Et éprouver la patience des marchés. “La hausse des taux souverains reflète plus un déficit de confiance qu’une préoccupation sur le déficit budgétaire”, note John Plassard, directeur à la banque privée Mirabaud. Au-delà du marché secondaire de la dette, cette imprévisibilité latente a déjà pénalisé la France sur d’autres segments. “Une partie de la baisse du CAC 40 depuis le début de l’année et de l’euro par rapport au dollar est un reflet de cette instabilité française”, poursuit l’expert.

Pour prendre la température du risque sur la dette, il convient de regarder l’écart du taux d’emprunt français avec l’Allemagne. “Ce spread [NDLR : écart de taux] a connu des pics lors des élections présidentielles de 2017 et 2022, lorsqu’il y avait un risque que Marine Le Pen soit élue, rappelle Nicolas Forest, directeur des investissements à Candriam. Mais avec la dissolution du gouvernement en juin, puis le tumulte autour du budget, il a brisé le plafond des 80 points de base”. Une première en plus de dix ans.

Après plusieurs jours de tractations, le gouvernement s’est dit prêt à faire des concessions pour éviter le pire. Mais le spectre d’une motion de censure continue de planer. “La défiance des marchés peut aller plus loin”, prévient Vincent Juvyns, stratégiste chez JP Morgan. “Si le budget ne passe pas et le gouvernement tombe, on peut envisager que les coûts de financement augmentent davantage et que le spread dépasse 100 points de base”.

Ni le satisfecit de la commission européenne sur le budget français, ni les 60 milliards d’économies promises par le gouvernement ne suffisent à rassurer les investisseurs sur le long terme. “Quand le chiffre de 60 milliards a été annoncé, le marché savait très bien que les mesures permettant de l’atteindre ne seraient jamais acceptées par l’opposition”, note John Plassard.

Perspectives dégradées

Les agences de notation gardent elles-aussi un œil attentif sur les évènements. Après Fitch et Moody’s, la sentence de Standard & Poor’s (S & P) sur le crédit français est attendue ce vendredi soir. En mai, elle avait baissé d’un cran son évaluation, reléguant la France à la catégorie AA-. Pour Vincent Juvyns, une dégradation de la perspective de stable à négative semble inévitable. Ce qui ouvre la porte à un abaissement de la note lors de la prochaine évaluation. “Les marchés ont déjà intégré cette possibilité : le spread des taux souverains avec l’Allemagne, qui a grimpé depuis mai, le montre bien. En fait, une dégradation de la perspective serait presque un ‘non-évènement'”, tempère-t-il. De son côté, John Plassard fait le pari de la temporisation. “La note devra baisser à un moment ou un autre. Mais nous sommes en plein vote sur le budget et S & P ne la réduira pas avant de savoir si le budget passe.”

Pour l’instant, l’impact d’une hausse des taux sur les coûts de financement de la dette serait diffus, car le Trésor a allongé la maturité de la dette française, rappelle Vincent Juvyns. Mais si elle perdure, elle alourdirait la charge d’intérêt de la dette. Cette dernière est estimée à quelques 54,9 milliards d’euros l’an prochain.

Dans tous les cas, il est peu probable que l’écart de taux avec l’Allemagne revienne à son niveau d’avant la dissolution, estime Nicolas Forest. “A court terme, si le budget est approuvé et qu’il n’y a pas de motion de censure, il pourrait se réduire de 10 points. Mais c’est le moyen terme qui est inquiétant : peu de perspectives de croissance, une dette abyssale, et un gouvernement qui pourrait tomber à tout moment”. Le passage du budget serait donc un premier signal positif envoyé aux marchés. A défaut, la “tempête”, évoquée par Michel Barnier, pourrait être imminente.




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