Avec ses hôtels de luxe et sa vue imprenable sur le lac des Quatre-Cantons, Bürgenstock, petit sommet alpin situé en Suisse, est une station balnéaire très prisée des ultra-riches. Mais les 15 et 16 juin prochains, elle accueillera un grand sommet pour la paix sur lequel mise beaucoup le président ukrainien Volodymyr Zelensky, actuellement pleine tournée européenne.
Cette initiative est plus que jamais nécessaire, alors que l’Ukraine a du mal à résister aux offensives russes sur les fronts est et nord-est, notamment dans la région de Kharkiv. Au total, 90 pays ont déjà confirmé leur présence à cet événement, dont la plupart des Etats européens. Emmanuel Macron fera le déplacement, ainsi que l’Allemand Olaf Scholz, l’Italienne Giorgia Meloni, l’Espagnol Pedro Sanchez, qui vient de signer un accord bilatéral de sécurité avec Kiev, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Un pays fera figure de grand absent : la Russie, qui n’a pas été invitée par l’Ukraine. “Nous ne voyons pas la Russie y participer, parce qu'[elle] va tout bloquer”, a déclaré Volodymyr Zelensky lundi 27 mai lors d’une conférence de presse à Madrid. De son côté, Moscou balaye ce sommet du revers de la main. “Il est absurde de se réunir et de discuter sérieusement de ces questions sans la participation de notre pays”, a réagi Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, dans une interview à la chaîne publique russe RT. Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, a même qualifié la Suisse, Etat historiquement neutre qui organise la rencontre, de “pays ouvertement hostile”.
Mais la Russie ne s’est pas contentée de hausser les épaules. Ces derniers jours, ses diplomates se sont activés en coulisses pour convaincre de nombreux pays du Sud global de boycotter le sommet. Le Brésil, l’Afrique du Sud, la Turquie, l’Arabie saoudite, l’Algérie ou encore l’Iran et l’Indonésie ne participeront pas aux discussions. Ni la Chine, alliée de la Russie, qui conditionne sa présence à la “participation égale de toutes les parties” et à “une discussion équitable de tous les plans de paix”. De quoi faire dire au président ukrainien que Vladimir Poutine a “très peur” du sommet. L’Inde, quant à elle, devrait envoyer un représentant.
Trois grandes priorités
Plus embêtant, la Maison-Blanche n’a toujours pas indiqué si Joe Biden se rendrait à cette conférence. Il sera pourtant en Italie juste avant, du 13 au 15 juin, pour le sommet du G7. “Son absence, ce serait comme applaudir Poutine”, a lancé Volodymyr Zelensky depuis Bruxelles ce mardi. Sans le président américain, ce sommet perd bien sûr de son importance et de sa puissance, alors que la probabilité d’obtenir des avancées est déjà minime.
Parvenir à rassembler autant de dirigeants du monde reste une victoire diplomatique pour l’Ukraine, qui cherche désespérément à remobiliser la communauté internationale derrière elle. Kiev demande notamment à pouvoir frapper les positions et les bases arrière russes sur le territoire russe avec des armes occidentales, ce à quoi s’opposent pour l’instant les Européens et les Américains par peur d’une escalade. Volodymyr Zelensky aimerait aussi mettre en avant sa “feuille de route” pour sortir de la guerre : le retrait des troupes russes, des réparations financières et un tribunal spécial pour juger les responsables russes.
En réalité, trois priorités un peu moins ambitieuses seront discutées lors de ce sommet suisse. D’abord, garantir la libre navigation en mer Noire, afin de protéger la sécurité alimentaire mondiale en permettant l’exportation de céréales ukrainiennes, en grande partie à destination des pays en développement. Ensuite, l’arrêt des frappes sur les infrastructures énergétiques, alors que la Russie continue de frapper des centrales thermiques en Ukraine. Enfin, le retour des milliers d’enfants ukrainiens déportés en Russie, que la Cour pénale internationale avait qualifié de crime l’année dernière.
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