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“Vulgaire” et “irrationnelle” : entre les deux Corées, la bataille des ballons fait rage


Mégots de cigarettes, piles usagées, bouts de plastique et excréments d’animaux… Voilà ce qu’ont pu voir tomber du ciel des habitants du nord de la Corée du Sud, y compris à Séoul, la capitale, dans la soirée du samedi 1er juin. Pas moins de 600 ballons portant des sacs de déchets ont atterri dans le pays en l’espace de quelques heures. Ils sont venus s’ajouter aux 260 ballons déjà envoyés par la Corée du Nord dans la nuit du mercredi 28 mai.

Plus habituée aux tirs de missiles balistiques vers la mer du Japon qu’à ces surprenants colis, l’armée sud-coréenne s’est vite mobilisée pour ramasser les déchets et a interdit la population d’y toucher, par crainte qu’ils contiennent des produits toxiques. Ce dimanche matin, l’état-major interarmées a assuré qu’aucune substance dangereuse n’avait été trouvée. Mais les militaires ont dénoncé une “infraction au droit international” et appelé la Corée du Nord à cesser ces actes “vulgaires” et “irrationnels”.

Pyongyang, de son côté, ironise sur ces “cadeaux sincères”, de prétendues manifestations de la liberté d’expression de ses citoyens. Ces ballons “poubelles” sont en fait une riposte aux sacs envoyés le 12 mai dernier par l’association sud-coréenne Combattants pour une Corée du Nord libre, composée de militants pro-démocratie et de transfuges. Pour inciter leurs voisins à la résistance, ces derniers expédient régulièrement des tracts critiques du régime de Kim Jong-un, ainsi que du riz, des médicaments, des dollars américains et des clés USB avec de la musique K-pop et des séries télévisées. Autant de produits bannis par la dictature.

Une technique de la guerre froide

De quoi agacer Kim Yo-jong, l’influente sœur et porte-parole de Kim Jong-un. “Des racailles de la République de Corée [le nom officiel du Sud] affirment que leurs envois de tracts vers la République populaire et démocratique de Corée [RPDC, nom officiel du Nord] relèvent de la “liberté d’expression” et que la même action de la RPDC constitue une “infraction au droit international”. La “liberté d’expression” et le “droit international” se définissent-ils selon la direction du vent qui porte les ballons ?”, s’est-elle moquée.

Cette stratégie n’est pas nouvelle. Elle remonte même aux années 1950, pendant la guerre de Corée. Les deux camps tentaient déjà d’influencer leurs citoyens respectifs avec de la propagande, comme des chansons ou des messages radio diffusés via de puissants haut-parleurs. Dans la zone démilitarisée, à la frontière entre les deux pays, des panneaux incitaient les habitants du Sud à rejoindre “le paradis populaire” que prétendait être le Nord. Les Sud-Coréens, quant à eux, appelaient à préférer leur pays, “libre et démocratique”. Surtout, des tracts étaient envoyés par ballon de part et d’autre de la frontière, et des deux côtés, la loi interdisait de lire ou de garder ces documents de propagande.

Lors du premier sommet inter-coréen, en 2000, les deux gouvernements se sont mis d’accord pour arrêter cette pratique, mais les associations pro-démocratie ont continué leurs envois par ballon. Le président de la Corée du Sud, Moon Jae-in, a même fait passer une loi en 2020 pour punir cette tactique de trois ans de prison ou d’une amende de 30 millions de wons (22 000 euros). Mais jugée liberticide, la Cour Suprême a fini par l’invalider en septembre 2023.

Le Conseil national de sécurité sud-coréen doit se réunir ce dimanche 2 juin pour décider d’une riposte aux ballons reçus cette nuit. Selon l’agence sud-coréenne Yonhap, Séoul pourrait reprendre la diffusion de propagande par haut-parleurs à la frontière avec la Corée du Nord. Une méthode abhorrée par Pyongyang, qui pourrait réagir à son tour. Pensés comme une stratégie provocante mais moins risquée qu’une offensive armée, ces ballons pourraient donc bel et bien déclencher une escalade militaire.




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