Jean-Luc Mélenchon n’est pas content et le fait savoir. Le leader de La France insoumise a peu goûté le billet politique publié ce 3 juin dans les colonnes du quotidien Libération. Le “vieux dirigeant politique de talent” y est accusé de verser dans “le complotisme”, par le journaliste politique Thomas Legrand. Une charge qui n’a pas manqué de piquer le dirigeant Insoumis.
“Dans l’attente des excuses de Thomas Legrand m’accusant de complotisme et même de ‘faire du Trump’ pour m’être inquiété des conditions du vote du 9 juin”, étrille Jean-Luc Mélenchon sur X, dépeignant le journaliste en “petit bourgeois parisien qui commente depuis son bureau des réalités du terrain qu’il ne connaît pas”.
La séquence s’ouvre samedi 1er juin, à Toulouse, au meeting de La France Insoumise (LFI). Après avoir demandé la “fin de la monarchie présidentielle” et d’un “système où la présidente de l’Assemblée nationale est allée en Israël donner son soutien inconditionnel à Benyamin Netanyahou”, Jean-Luc Mélenchon laisse entendre que des électeurs de quartiers populaires auraient été sciemment radiés des listes électorales quelques jours avant le scrutin européen.
“Je vous demande de vérifier que vous soyez bien inscrit, parce que cette semaine, sont remontés des témoignages de gens qui ont été radiés des listes électorales. Toute la famille d’une camarade députée a été radiée dans une ville”, commence l’Insoumis, ponctuant sa diatribe d’un “Vous verrez bientôt de quoi je parle”. Et d’adjoindre ses thuriféraires à ne pas se laisser “intimider”, à “saisir le juge” en cas de radiation, “parce que nous ne lâcherons pas une seule voix qui nous manquerait”.
Méfiez-vous des sondages. C’est l’arnaque permanente. La dernière fois ils nous ont sous estimés de 5 points.
Même les sondages de sortie des urnes sont faux. La seule chose sûre est qu’ils vont se tromper.#UnionPopulairepic.twitter.com/sv61UgTYXP
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) June 2, 2024
D’un air indigné, Jean-Luc Mélenchon poursuit, tonitruant : “Pourquoi les professions de foi n’arrivent pas dans les quartiers populaires ? Pourquoi elles sont posées sur le bord des boîtes aux lettres quand ce n’est pas directement mises dans la poubelle tandis que dans les beaux quartiers tout arrive bien dans la belle enveloppe bien collée… Des fois, il manque des bulletins dedans”. Et d’annoncer en triant ses fiches, l’ouverture prochaine d’une commission d’enquête sur le déroulement des élections en France.
“Un dérapage incompréhensible”
Un réquisitoire qui aurait pu s’arrêter là. Mais Jean-Luc Mélenchon s’en est pris également aux sondeurs, complices selon lui, d’une “manipulation” : “Il y aura trois résultats entre vendredi et dimanche soir. Le vendredi, ils nous donneront à cinq points de moins que ce que nous ferons vraiment […]. Ensuite il y aura un deuxième résultat à 20 heures, parce que leurs fichus bureaux test sont ceux des endroits où l’on a fini de dépouiller à 18 heures”. Un premier résultat dimanche, qui aurait, selon le leader Insoumis, un écart de trois points avec le résultat final, donné plus tard dans la soirée.
Des propos condamnés par Olivier Faure. “Un dérapage incompréhensible”, a regretté le patron des socialistes, qui a par ailleurs reproché à son ancien partenaire de la Nupes de “jouer avec la ligne jaune” sur la question de l’antisémitisme.
Des propos qui n’ont pas manqué de faire réagir. Et d’interroger. Mardi 4 juin, nos confrères d’Atlantico publient un entretien de Jean-Pierre Camby, administrateur de l’Assemblée nationale. D’après l’ancien chargé de la division de la commission des finances, la radiation n’est automatique qu’en cas de décès. Ainsi, “si des électeurs sont radiés […] ces décisions sont dues aux communes concernées, les électeurs en ont été informés et ont pu les contester”, assure Jean-Pierre Camby. Et de marteler : “Il n’y a pas lieu de polémiquer sur le nombre de radiations.”
Sur la question des quartiers populaires qui, selon le leader des Insoumis, seraient les premiers concernés par ces radiations, “aucun élément ne permet de dire que l’application de ce système uniforme serait différenciée dans certains quartiers et qu’il y aurait des lieux où les radiations seraient plus ou moins fréquentes”, explique le docteur en droit.
Et ce pour une simple raison : “Elles suivent les mouvements de population.” Et pour cause, d’après Jean-Pierre Camby, “des erreurs d’adresse ou des distributions défectueuses de la propagande officielle proviennent souvent de déménagements sans que les intéressés aient répercuté ce changement sur la liste électorale – donc une radiation aurait dû se produire – ou de défaillances de la Poste”.
Le précédent de 2021
Ce n’est pas la première fois Jean-Luc Mélenchon est épinglé pour des propos jugés complotistes sur le processus électoral. En juin 2021 déjà, le candidat insoumis en avait fait tomber plus d’un du placard – à droite, comme à gauche d’ailleurs – en déclamant une prose abracadabrantesque sur les ondes de France Info. “Vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle nous aurons un grave incident ou un meurtre…”. Et d’égrainer : “Ça a été Merah en 2012, ça a été l’attentat la semaine dernière.” En somme, résumait l’Insoumis, un “événement gravissime qui va permettre une fois de plus de montrer du doigt les musulmans et d’inventer une guerre civile” devrait se produire à quelques jours de l’élection présidentielle de 2022, à laquelle il était candidat.
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