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A la découverte de Guy Brunet, l’amoureux hors norme du 7e art

La saga cinématographique de Guy Brunet, c’est d’abord celle de son père, Charles. Au début des années 1930, cet électricien-photographe arpente les villages de l’Aveyron avec son projecteur pour présenter gratuitement des films aux habitants, avant de créer son propre cinéma, le Caméo, à Rignac. Suivront le Plaza et l’Idéalà Cagnac-les-Mines, dans le Tarn. Guy, né en 1945 cadet d’une fratrie de trois garçons, contracte dès sa petite enfance le virus paternel. Les grandes figures de l’âge d’or hollywoodien, qui voit les acteurs se muer en stars, deviennent ses compagnons de route. John Ford, Gene Kelly ou Charles Laughton peuplent ses rêves de gamin, à l’instar des longs-métrages de Marcel Pagnol, Vittorio De Sica, Fritz Lang ou Alfred Hitchcock : “Les vedettes faisaient partie de ma seconde famille. J’ai toujours vécu avec elles comme si c’étaient mes frères ou parents qui étaient devant moi sur l’écran.”

Dès l’âge de 6 ans, Guy crayonne des saynètes inspirées de ses productions préférées. Dix ans plus tard, il devient projectionniste au côté de son père et écrit ses premiers scénarios, dans lesquels il change la destinée de ses héros favoris : puisque, à son grand dam, ils meurent souvent à la fin de l’histoire, il en tord la trame pour lui donner un happy end, ou bien il s’y adjoint lui-même en tant que protagoniste, réalisateur ou producteur – parfois les trois en même temps. Ainsi, pour sa revisite du Pont de la rivière Kwaï, c’est lui qui est aux manettes de la réalisation, tandis que David Lean est crédité au générique comme son assistant.

Tous les films de ce cinéaste à part sont construits sur le principe du “tourné”-monté”.

Guy Brunet n’a jamais lâché l’affaire. Pour faire bouillir la marmite, il a longtemps trimé à l’usine, avant de s’adonner à plein temps au septième art à partir de 1986. Dans sa maison de Viviez, au nord de Rodez, il peint et assemble des matériaux de récupération, crée des silhouettes, des décors, des affiches. En 2001, il achète une caméra VHS, fonde la firme Paravision et réalise son premier film en hommage à son idole, Cecil B. DeMille. Depuis, quatorze autres ont vu le jour, parmi lesquels Quand la danse est reine (2002), Le Monde magique des frères Lumière (2012) et Rendez-vous à Evian (2018), dont le plus long, La grande parade des feuilletons (2015), dure… huit heures et vingt minutes. Tous sont construits sur le principe du “tourné-monté” cher au cinématographe. Dans le studio de tournage aménagé chez lui, il filme, dans l’ordre chronologique, des successions de plans avec ses silhouettes positionnées devant des décors de carton, puis cadre les acteurs le temps d’un dialogue, tout en leur prêtant sa voix, qu’il module à l’envi. Avec l’emprunt de musiques signées de compositeurs pour le grand écran ou la réalisation de ses propres arrangements, il construit ses bandes sonores, maîtrisant ainsi toute la chaîne de production.

A Villeneuve-d’Ascq, le LaM, qui suit depuis plusieurs années le parcours hors normes de Brunet pour assurer la sauvegarde d’une œuvre et d’archives désormais menacées, lui consacre jusqu’au 29 septembre une passionnante rétrospective. Sous le commissariat de Christophe Boulanger et l’intitulé Le cinéma de mon père, l’exposition retrace le processus créatif du cinéaste à l’aide d’une vaste sélection de silhouettes, de décors, d’affiches, de scénarios originaux dessinés et écrits au fil de sept décennies de passion dévorante. Et, à la question de savoir qui est vraiment cet inclassable, à la frontière de l’art brut et du cinéma, c’est l’intéressé lui-même qui répond par une pirouette : “Je suis un guérisseur, je soigne les spectateurs.”




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