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Législatives : il ne reste plus que des cœurs républicains qui saignent, par Abnousse Shalmani


Un naufrage ? Un psychodrame ? Un cataclysme ? L’apocalypse ? La République à bout de souffle ? Une crise de régime ? Depuis dimanche soir, il n’y a pas de mots assez forts pour décrire l’onde de choc de l’annonce de dissolution d’Emmanuel Macron, une heure après la proclamation des résultats provisoires. Résultats prévisibles, annoncés par tous les sondeurs. J’insiste sur ce détail : il n’y avait pas d’effet de surprise. Le RN a gagné, la majorité est humiliée, Glucksmann a percé, LFI inquiète, les Verts s’effondrent. Alors, pourquoi une dissolution qui soumet la République aux résultats d’élections européennes qui, parole de président, ne devaient pas avoir de conséquence sur la politique nationale ? Pourquoi jouer sur une victoire annoncée du RN ? Pour éviter une présidentielle gagnée par Marine Le Pen en 2027 ? Pour prouver que le RN ne sait pas faire ? Pour prouver que “c’est qui le chef” ?

Peut-être faut-il analyser les décisions du président Macron à l’aune de la psychologie et oublier toute logique politique. Peut-être y a-t-il dans la personnalité d’Emmanuel Macron une absence de frein, une vie entière à voir plier devant lui toutes les difficultés, une vie sans limites. Une vie d’enfant gâté à qui personne n’a jamais dit “non”. Le président Macron entraîne, par une décision à la limite de la folie, des citoyens démocrates dans une pièce sombre entourée de portes fermées derrière lesquelles ne se trouvent que des monstres à trois têtes. Car que faire ? Que voter ? La tentation est grande de sanctionner la Macronie, de refuser d’être pris en otage par Emmanuel Macron. La tentation de la colère est grande alors que, durant sa conférence de presse, le président gâté reprend, sans ciller, son programme de 2017. A la virgule près.

La tentation est grande de lui rétorquer : “Et vous avez fait quoi pendant sept ans ? Pourquoi avoir minimisé le régalien, mépriser les électeurs du RN, refuser la collaboration avec la droite républicaine, snober les inquiétudes des Français sur l’immigration et la sécurité, pris à la légère la dette qui s’accumule dangereusement, les services publics qui s’effritent, les charges qui s’accumulent, les prélèvements qui cartonnent, la laïcité qui se désagrège sous les attaques des islamo-gauchistes soutenus par votre indifférence ? Où étiez-vous donc depuis sept ans que le chaudron déborde ?”

Il était une fois une gauche humaniste

La tentation n’est même plus de mise quand il s’agit de la gauche. Quelle gauche ? C’est le camp du déshonneur. Raphaël Glucksmann n’aurait jamais dû signer avec Olivier Faure, collabo mélenchocompatible, au mieux il aurait dû renverser la table dès l’annonce de la dissolution, refuser sans hésitation, sans négociations, un quelconque accord avec La France insoumise. L’Ukraine, l’Europe, le nucléaire, la retraite, l’antisémitisme, Israël, la haine tout simplement, la haine qui se dégage de chaque intervention, de chaque prise de position des mélenchonistes, la haine qui espère une guerre civile, qui se nourrit de chaos en se délectant d’avance du goût de fer du sang qui se répandra. Car il se répandra – on n’idolâtre pas Robespierre pour des prunes. Il était une fois une gauche humaniste qui a bradé progrès et espérance, concorde et citoyenneté, liberté et patriotisme, peuple et culture, laïcité et éducation pour garder un siège ou deux, pour préserver ce que l’Histoire retiendra comme le logo de la honte, celui du Parti socialiste en déchéance morale.

La droite républicaine résiste. Résiste-t-elle dans un dernier baroud d’honneur ? A voir tous les barons républicains se presser pour dire leur refus de la droite populiste, on est partagé entre espoir et résignation. Où sont les nouveaux visages de la droite ? Où sont les jeunes ? Si François-Xavier Bellamy a fait une excellente campagne, il semble bien isolé ; s’il a récupéré la moitié d’une clef des LR, le renouveau ne semble pas souffler de côté-là de l’échiquier – du moins pas encore.

Que reste-t-il ? Les orphelins de la République qui assistent médusés à un spectacle désolant, à la grande braderie de la dignité, à ce que la politique a de pire, à ce qui détourne les citoyens de la démocratie pour les envoyer illico dans les bras populistes qui les étoufferont. Il ne reste plus que des cœurs républicains qui saignent.

Abnousse Shalmani, engagée contre l’obsession identitaire, est écrivain et journaliste




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