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Chute du CAC 40 : “La dissolution a réduit l’espoir d’une plus grande rigueur budgétaire”


Le CAC 40 n’avait pas connu pareille claque hebdomadaire depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022. En une semaine, l’indice parisien a chuté de plus de 6 %, plombé en particulier par les valeurs financières, sensibles à l’évolution des taux d’intérêt : Société générale a dévissé de 15 %, tandis qu’Axa, Crédit agricole et BNP Paribas ont cédé entre 11 et 12 %. Inquiets de la situation politique française après le score élevé du Rassemblement national aux élections européennes, et surtout l’annonce d’une dissolution de l’Assemblée nationale, les investisseurs se sont délestés des titres des gros détenteurs de dette tricolore, ainsi que des groupes très endettés ou menacés par le programme du parti de Marine Le Pen.

C’est dans ce contexte chahuté que le premier gestionnaire d’actifs européen, Amundi, tenait son grand forum d’investissement, au Carrousel du Louvre. Anna Rosenberg affiche néanmoins un certain sang-froid face aux événements qui se déroulent en France depuis une semaine. Cette responsable géopolitique de l’Amundi Investment Institute, centre de recherche du groupe, n’anticipe pas de décisions majeures en France d’ici à 2027, même dans l’hypothèse où le Rassemblement national accéderait au pouvoir.

Après les élections européennes du 9 juin marquées par le score élevé du Rassemblement national et, dans la foulée, l’annonce de la dissolution de l’Assemblée en France, identifiez-vous de nouveaux risques ?

Anna Rosenberg S’agissant des élections européennes, je ne vois pas de nouveaux risques géopolitiques. On s’attendait à ce que l’extrême droite progresse, ce qu’elle a fait, mais pas de façon spectaculaire. Surtout, il est important de noter que l’extrême droite est profondément divisée au niveau européen. Ses membres s’accordent sur peu de sujets économiques. Certains sont frugaux sur le plan budgétaire, d’autres expansionnistes. Certains sont prorusses, d’autres s’opposent à la Russie. Les domaines de convergence sont ceux liés à l’immigration et au ralentissement de l’ambition verte de l’Europe. Or, en matière d’immigration, l’Europe a déjà durci ses lois de manière significative au cours des dernières années. En ce qui concerne l’ambition verte, les grandes lois ont déjà été adoptées. Un ralentissement des nouvelles politiques climatiques est possible, mais pas nécessairement du fait de l’extrême droite puisque le centre droit ne voulait déjà plus de réglementation climatique d’importance.

Au niveau national, ce qui est nouveau, c’est que pour la première fois, les élections européennes ont eu un impact national dans certains pays. En Allemagne, il n’y aura pas de grande conséquence car la coalition était déjà assez faible. Les élections auront lieu l’année prochaine avec probablement un changement de gouvernement en faveur du parti de centre droit. C’est en France que l’impact a été le plus important.

Avec quelles conséquences selon vous ?

Notez que quasiment tous les dirigeants présents aux réunions du G7 qui ont lieu actuellement ont connu des problèmes de politique intérieure. Dans tous les cas, Emmanuel Macron s’occupera toujours des grands sujets internationaux, de la politique étrangère et de défense et des sujets européens. Il y a certes une incertitude politique en France en ce moment et de l’anxiété. Mais il n’y a pas de bouleversement fondamental à ce stade. Par ailleurs, peu importe le scénario, nous n’anticipons pas de décisions politiques majeures d’ici la fin du mandat présidentiel. Enfin, cette dissolution pourrait aussi permettre à Renaissance d’obtenir de meilleurs résultats aux législatives.

Qu’est-ce qui sous-tend votre scénario ?

La France dispose d’institutions fortes. En France, le président dispose de pouvoirs étendus et ne se contente pas de mener la politique étrangère. Il nomme les hauts fonctionnaires et peut également retarder la législation. Je pense que ces facteurs de stabilité sont aujourd’hui sous-estimés. Enfin, les électeurs votent en plus grand nombre et parfois différemment lors des élections nationales qu’aux scrutins européens.

Le Rassemblement national paraît néanmoins en position de force…

A ce stade, nous estimons qu’aucun parti ne semble en mesure de remporter une majorité absolue et d’imposer son programme. Je sais que les dynamiques évoluent beaucoup et que l’extrême droite s’est imposée dans le paysage électoral. Néanmoins, voyons ce que font les autres forces politiques. En Allemagne, l’AfD montait en puissance jusqu’à cette réunion, à Postdam, où les leaders de l’extrême droite ont émis l’idée d’expulser des Allemands issus de l’immigration. Et soudain, on a assisté à des manifestations massives en Allemagne avec des gens qui d’ordinaire n’étaient pas politisés.

Les marchés financiers, et notamment les actions des banques françaises, réagissent négativement. Ces mouvements sont-ils excessifs ?

Les investisseurs entretenaient l’espoir qu’il y ait davantage de rigueur budgétaire au cours des deux prochaines années et donc une réduction des déficits. Cet espoir s’amenuise, d’où la réaction négative du marché boursier. Cependant ce scénario de réduction des déficits était déjà peu probable, compte tenu de l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Nous vivons aujourd’hui dans un monde de protectionnisme croissant, de politiques industrielles coûteuses, d’aides d’Etat accrues. Enfin, un éventuel retour de l’administration Trump aux Etats-Unis conduirait également l’Europe à investir davantage dans la défense. Mais les marchés reculent actuellement sur la base de l’incertitude politique plus que sur les fondamentaux.

Le sujet de la dette des Etats n’est-il pas assez pris en considération ?

L’Allemagne, pour sa part, a fait le choix de la frugalité budgétaire. Ces dernières années, le pays a été confronté à de multiples difficultés et à une remise en cause de son modèle fondé sur l’exportation, l’énergie bon marché et la proximité avec la Russie. Grâce à ses réserves, l’Allemagne a réussi à gérer la situation. Une bonne gestion des déficits budgétaires permet ainsi de se préparer à d’éventuels chocs et crises futures.




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