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Nouveau Front populaire, l’histoire secrète : la purge de Mélenchon, le plan Berger, les doutes de Glucksmann

Chapitre 1 : Trafalgar

Elle va si vite, la politique. Elle terrasse. Trente petites minutes, et le destin de Raphaël Glucksmann s’effondre. Il est un peu plus de 21 heures, le 9 juin. Affalé dans un fauteuil, la tête plongée dans une main, fuyant la chaleur de la Bellevilloise, cette salle du 20e arrondissement de Paris où il tient sa soirée électorale, échappant aux caméras agglutinées à l’étage en dessous, il refait le film de sa campagne européenne. À quoi bon ? Emmanuel Macron a tout gâché, la dissolution a tout emporté. Et dans la pièce, une valse démarre. Un quarteron de socialistes arrive, des grands élus, cadres du parti, conseillers de l’ombre, stratèges endimanchés. La maire de Nantes et numéro deux du PS Johanna Rolland arrive en trombe. L’édile de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol et la présidente de l’Occitanie Carole Delga débarquent. Le chef des députés socialistes, Boris Vallaud, les rejoint. Olivier Faure est là, dans le haut-parleur du téléphone posé sur un guéridon.

Aucun de ceux-là n’a vraiment envisagé le scénario de la dissolution. Ils l’ont bien sûr évoqué quelques semaines auparavant lors d’une réunion stratégique sans grande conviction. Impensable. L’idée était ailleurs. Le bon score de Raphaël Glucksmann et de la liste socialiste pourrait faire basculer le rapport de force à gauche, porter l’estocade à Jean-Luc Mélenchon et ses gardes rouges insoumis. Un accord tacite existe entre les socialistes, les écologistes et les communistes. François Ruffin, avec les frondeurs insoumis Clémentine Autain et Alexis Corbière, rentreraient dans la danse. “Si vous ne bougez pas une oreille, ils vous la couperont”, leur répétait Olivier Faure ces derniers temps. Il ne s’agissait pas de faire sans LFI mais de commencer une alliance sans eux dans un premier temps, et de les pousser à se joindre. L’annonce d’Emmanuel Macron a accéléré le temps. Ce qu’ils devaient construire en trois ans devait désormais se faire en une nuit. On croit que la menace d’une extrême droite aux manettes du gouvernement, avec un Jordan Bardella à Matignon, peut faire entendre raison à Jean-Luc Mélenchon et ses Insoumis. Pourquoi changer de plan, même au bord du précipice ? Les socialistes laissent François Ruffin griller la priorité et monter au créneau pour appeler au “Front populaire”. Raphaël Glucksmann n’y voit pas d’inconvénient, les communistes non plus.

Il n’est pas 22 heures dimanche quand le nom de Marine Tondelier, la cheffe du parti écologiste, s’affiche sur l’un des téléphones socialistes. Le nouveau monde imaginé s’effondre à son tour. Le vaisseau vert vire de bord. “Elle ne tient pas ses députés”, s’étrangle un émir du PS devant ses pairs qui affuble Tondelier d’un nouveau surnom : “Madame pétoche”. Les parlementaires écologistes craignent que La France insoumise investisse des candidats face à eux dans ces législatives. Dans bien des circonscriptions, l’électorat entre les deux est trop poreux et ces européennes ont démontré que l’écologie politique n’a plus le vent en poupe. Les scores de LFI dans les zones écologistes les effraient. Ils font donc savoir à leur direction qu’ils refusent de s’asseoir à la table des négociations d’une coalition où La France insoumise ne figurerait pas.

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Un coup de Trafalgar qui assomment les socialistes. Le “pack” rose, rouge et vert disparaît avant même d’avoir vécu. “En quelques minutes, on passe de maître du jeu à gauche à exfiltré de l’union”, se souvient un proche de Raphaël Glucksmann qui, lui, répète à ses alliés socialistes de sa voix parfois tremblante : “La bande à Mélenchon, c’est non.” Mais ils cèdent, même Carole Delga et Nicolas Mayer-Rossignol, pourtant opposants à l’accord de la Nupes en 2022, ne s’opposent pas aux discussions avec le parti fondé par Jean-Luc Mélenchon. En quittant le plateau de LCI, Boris Vallaud s’étrangle en murmurant à Clément Beaune : “Vous nous obligez à refaire la Nupes.” Qu’importe la brutalité de la campagne des Insoumis, exit le comportement de certains députés LFI, oubliés le communiqué chaotique du 7 octobre, les sorties aux relents antisémites, oubliés les propos de Jean-Luc Mélenchon, et notamment les plus récents sur son blog où il écrit : “Contrairement à ce que dit la propagande de l’officialité, l’antisémitisme reste résiduel en France.”

Chapitre 2 : Le plan Berger

Au petit matin du lundi 10 juin, le nouveau quartier général du Parti socialiste dans le 10e arrondissement de Paris, non loin de la station de métro Strasbourg Saint-Denis, s’anime. C’est ici que le parti posera ses valises dans quelque temps, quittant les mornes bureaux d’Ivry où personne jamais ne venait. C’était ici, aussi, le siège de campagne de Raphaël Glucksmann. La nuit a été brève. À quatre heures du matin, personne n’avait réussi à le convaincre de s’installer à la table des négociations. Les mandarins socialistes s’y sont tous essayés, mais c’est Boris Vallaud qui fait mouche. Le chef de file des députés socialistes, devenu proche de Glucksmann au fil de la campagne, le convainc de ne pas lâcher le rapport de force avec les Insoumis, de continuer à tenir la dragée haute à Jean-Luc Mélenchon sur une ligne social-démocrate. Et l’empêcher d’apparaître comme le seul Premier ministrable de la coalition de gauche. La question de l’incarnation de l’union à venir s’installe dans les conversations. Tout le monde sait que le leader insoumis se positionnera tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre. François Ruffin trépigne d’impatience. Il est celui qui a donné le La d’un “Front populaire” encore balbutiant. “L’enjeu pour nous n’était pas d’installer Raphaël comme candidat à Matignon mais de ne pas laisser la place vacante et de laisser deux Insoumis, Ruffin et Mélenchon, se battre pour la prendre”, raconte un lieutenant de Place Publique. Qui alors ? “Pourquoi pas toi, Boris ?”, demande Glucksmann à Vallaud. L’idée fait son chemin, mais un autre nom revient dans les conversations, avec insistance : Laurent Berger.

Combien de fois n’a-t-on pas parlé de l’ancien secrétaire général de la CFDT pour reprendre le flambeau de la social-démocratie ? Sauveur. Ministrable. Premier ministrable ! Candidat à la présidentielle ! Le syndicaliste a toujours poliment refusé, mais la donne a changé et son esprit se brouille à mesure que se dessine le scénario d’une extrême droite au pouvoir au lendemain du 7 juillet, après les législatives. Berger ne ferme plus la porte à rien mais ne croit pas qu’il soit, lui, la solution. Lui aussi demande à plusieurs si Boris Vallaud ne pouvait pas porter l’incarnation. Au téléphone lundi, Raphaël Glucksmann et Laurent Berger bavardent longuement, s’interrogent sur la meilleure façon de “desserrer l’étau de LFI face à la gravité du moment”, d’embarquer la société civile et des figures qui ne sont pas politiques. Ce soir, le chantre de Place Publique ira au journal télévisé de 20 heures, sur France 2. Une idée lui traverse l’esprit, car installer un nom dans la conversation de Matignon est vital. “Est-ce que je peux donner le tien ?”, demande Glucksmann. Berger déteste quand d’autres le font, mais rares sont ceux qui demandent l’autorisation. “J’y réfléchis et je te redis.” Dans la voiture qui le conduit vers les locaux de France Télévision, le député européen échange une dernière fois avec l’ex-leader de la CFDT : il ne s’oppose pas à ce qu’il catapulte son nom pour Matignon.

Depuis quelques heures, un autre ballet a commencé à quelques embouchures du QG socialiste, au numéro 11 de la rue des Petits Hôtels. Le siège d’Europe écologie-Les verts accueillera les négociateurs comme l’a proposé Manuel Bompard, le coordinateur de La France insoumise. Un terrain plus neutre que le siège de son parti où se tenaient il y a deux ans les négociations qui ont donné naissance à la Nupes. Les hôtes, menés par une Marine Tondelier tout sourire, ont commandé pizzas et corbeilles de fruits pour une soirée de discussions. Les socialistes, eux, se font désirer mais finissent par rejoindre les tractations. Le placide Olivier Faure est dans une colère noire, il n’accepte pas d’avoir perdu la main. Il s’emporte à peine installé sur sa chaise, tirant machinalement sur sa cigarette électronique, et renvoie les Insoumis à leur “comportement insupportable” pendant la campagne des européennes. Le ton monte d’entrée de jeu. Manuel Bompard balaie des accusations injustes. Marine Tondelier ne sourit plus. D’ailleurs, Olivier Faure et d’autres ne comprennent pas pourquoi François Ruffin n’est pas à la table. N’est-ce pas lui qui a appelé au “Front populaire” ? L’Insoumis de la Somme, vedette la veille, a été congédié de la table des négociations. Seuls les chefs de partis auront la main, aidés par leurs équipes de négociateurs. Aurore Lalucq, soldate de Raphaël Glucksmann, rejoint la bande. Place Publique, qui avait tenté de s’inviter aux négociations de la Nupes à l’époque, est bien autour de la table cette fois-ci. Un premier communiqué doit voir le jour et annoncer le début d’un “Front populaire” contre le RN. Un accord, déjà ? Lalucq réclame de modifier le communiqué de presse. Il s’agira d’y annoncer que des discussions ont seulement démarré. Premiers accrocs, premiers jeux de dupes.

Chapitre 3 : Idéologues contre apparatchiks

Les nuits sans fin, les négociations agitées. Il y a ceux qui sur leurs grands écrans scrutent la carte électorale, la distribuent à la découpe comme un gâteau. Qui veut quoi. Tous sont gourmands, sauf les communistes, conscients de leur poids politique en berne. Pour eux, ce sera 50 circonscriptions. Les écologistes ne veulent pas perdre la face après une campagne européenne désastreuse : 92 “circos”. Les Insoumis acceptent de céder un peu de terrain en réclamant 300 candidatures, eux qui avaient un contingent de 350 deux ans plus tôt, au moment de la Nupes. Les socialistes s’étranglent. C’est trop, d’autant qu’eux en réclament 200 et refusent de céder pendant de très longues heures. Place Publique ne veut pas se contenter d’une maigre pitance et lorgne 50 circonscriptions. Si PS et Place Publique refusent de lâcher la bride des circonscriptions, c’est qu’une autre partie de poker menteur se joue dans une salle du bastion socialiste à quelques rues de là.

Jaune. La couleur dédiée aux sujets qui coincent encore. Autour de la table, une ribambelle de personnes dont Johanna Rolland et Boris Vallaud pour le PS, Clémence Guetté et Hadrien Clouet pour LFI, accompagnés d’Antoine Salles-Papou, fine lame intellectuelle de la machine insoumise, l’un des plus proches collaborateurs de Jean-Luc Mélenchon, “l’homme des fiches”, dit-on même à LFI. Manuel Bompard et Mathilde Panot, les deux députés porte-flingue du chef, passent une tête régulièrement. Chez les écologistes, c’est Cyrielle Châtelain “qui tient la plume” et Christian Piquet pour communistes, un fidèle de Fabien Roussel. Parfois, quelques remplaçants de luxe s’invitent, tels Yannick Jadot pour les écolos, le sénateur Alexandre Ouizille et le député Arthur Delaporte côté socialiste. Et sur les écrans d’ordinateurs, une liste de sujets, traités un par un. L’économie, le social, l’international, les valeurs… Tout y passe, mais on en revient toujours aux sujets qui fâchent, l’Ukraine et le conflit israélo-palestinien, et l’éléphant dans la pièce : l’antisémitisme. Trois sujets sur lesquels La France insoumise a dérapé. Trois sujets sur lesquels Raphaël Glucksmann a fait campagne, dénonçant les positions de LFI.

Quand un premier document de travail sort de l’imprimante, les négociateurs de Place Publique sont sur le point de rompre toutes les discussions. “Le wording ne va pas”, répètent-ils face à une Clémence Guetté qui s’agace de l’abus d’anglicismes dans le langage des lieutenants de Glucksmann. Les écologistes lâchent sur beaucoup de sujets européens. “Et vous vous dites fédéralistes ?”, s’étonne, amer, un négociateur de Place Publique devant son homologue vert. Les huiles écologistes et celles de LFI sont convaincues que la mystique de l’union devrait finir par tordre le bras au petit mouvement de Glucksmann, en vain. “Ils sont durs”, reconnaît même un Insoumis, d’autant que le socialiste Boris Vallaud joue à rebours de certains de ses camarades rose et verts parfois plus prompts à lâcher du lest. Les conversations se crispent sur des sujets cardinaux qui se déguisent dans un mot ici sur la livraison d’arme à l’Ukraine, là sur une formation de lutte contre l’antisémitisme des futurs élus du nouveau Front populaire, ou encore sur la désignation du Hamas. Une organisation “aux méthodes terroristes”, “totalitaire” aux yeux de certains ou “théocratique” pour d’autres. Glucksmann, à distance, valide ou non jusqu’à la moindre virgule. “Je comprends pourquoi la Nupes a cédé sur autant de terrains. C’est la première fois que les Insoumis avaient des idéologues plutôt que des apparatchiks face à eux”, dit l’entourage de Raphaël Glucksmann.

Le fond, c’est aussi la forme qui remonte à la surface, n’en déplaise à Victor Hugo. Mercredi dans la journée, les pourparlers s’interrompent à la minute où le Tout-Paris médiatique bruisse de l’intervention de Jean-Luc Mélenchon le soir même au journal de 20 Heures de France 2. Beaucoup savent qu’un simple tweet du pater familias insoumis peut tout remettre en cause, alors un JT… Les socialistes demandent à Manuel Bompard ce que le leader compte dire. S’il candidate au poste de Premier ministre de l’union, tous quitteront les discussions. Silence du lieutenant qui finira par glisser à l’oreille d’une écologiste que Jean-Luc Mélenchon ne s’annoncera candidat à rien, ni à Matignon, ni à la députation. “Je ne m’élimine pas, mais je ne m’impose pas”, indiquera le chef face à Anne-Sophie Lapix. Et de se plier aux règles voulues par le reste de la gauche : “Je sais quelle est ma contribution à la vie de la gauche. Je dis la chose suivante : on va en rester à la formule qu’a proposée Olivier Faure, c’est le groupe parlementaire le plus important qui propose un Premier ministre.” Place du Colonel Fabien, au siège du Parti communiste où tous les chefs des partis, Tondelier, Faure, Bompard et Roussel, sont réunis, on écoute religieusement devant le poste de télévision, et on soupire de soulagement.

Chapitre 4 : “Les monstres sont minoritaires à gauche”

Un véhicule aux vitres teintées quitte le parking du quai du Point du jour à Boulogne-Billancourt, un peu avant 21 heures ce jeudi 13 juin. Installé à l’arrière, François Hollande peine à lire les dizaines de messages qu’il reçoit sur son téléphone. Même ces socialistes qui hier dressaient un inventaire sans concession de son quinquennat le félicitent et le remercient. Au JT de TF1, l’ancien président de la République, éternel antagoniste de Jean-Luc Mélenchon et contempteur infatigable de la Nupes, a appelé à soutenir le Nouveau Front populaire. Quelques minutes auparavant, les gauches venaient enfin de trouver un accord. Comme celle de Mélenchon la veille, sa prise de parole était attendue, crainte, scrutée. Au siège des écologistes, on fait silence devant le petit écran. Personne ne sait ce que François Hollande va dire, sauf de rares socialistes dans la confidence, et Raphaël Glucksmann. Les deux hommes échangent régulièrement depuis quelques jours, ce jeudi l’ex s’enquiert des doutes du philosophe. L’ancien chef de l’État, qui fustige la décision de dissolution d’Emmanuel Macron, a fait “passer des messages pour que l’accord soit le plus équilibré possible et respecte les grands principes de la gauche”, chuchote son entourage.

Assommé dimanche soir, Raphaël Glucksmann garde, comme il le répète, “sa boule au ventre”. Il sait qu’il doit convaincre nombre de ses électeurs de la pertinence de ce coup politique, il sait que beaucoup ses amis juifs de gauche n’acceptent toujours pas qu’il s’assied à la table de LFI pour un accord. “Tu ne peux pas faire ça”, lui pianote un vieil ami chaque jour depuis lundi, quand un autre lui écrit qu’il n’aimerait pas être à sa place, “avec une responsabilité immense à porter”. Il est 23 heures jeudi soir. Les derniers détails de l’accord se négocient encore, entre Place Publique et le PS. Demain, vendredi, après son passage sur France Inter, il partira dans un nouveau combat qu’il dit “historique”. “Je ne me déroberai pas”, a-t-il promis aux socialistes. A ses côtés pour ce combat contre l’extrême droite, son nouvel ami Boris Vallaud qu’il ira soutenir dans les Landes mais aussi Aurélien Rousseau, l’ancien ministre de la Santé d’Emmanuel Macron. Comme révélé par L’Express, il sera candidat du Nouveau Front populaire sous l’étiquette Place Publiquedans l’ancienne circonscription de Michel Rocard dans les Yvelines. Un renfort de taille pour les sociaux-démocrates dans le duel qui va perdurer avec les Insoumis de Mélenchon qui renforce ses tranchés et nettoie ses écuries.

Le Nouveau Front populaire dévoile ses mesures, à Paris le 14 juin 2024.

L’accord n’était pas encore scellé que le chef de LFI avait fait un sort à ses frondeurs. Danielle Simonnet, Raquel Garrido et Alexis Corbière, sacrifiés pour l’exemple avec d’autres. Pourtant partenaires de route historiques, amis devenus critiques de LFI, ils ne sont pas réinvestis par La France insoumise. Ils l’apprendront dans un communiqué de presse envoyé un peu avant minuit, vendredi 14 juin. Un message à ceux qui veulent sa peau en interne. François Ruffin et Clémentine Autain, épargnés, sont prévenus. À l’inverse, Adrien Quatennens, condamné en décembre 2022 à quatre mois de prison avec sursis pour violences conjugales, a bien reçu l’aumône insoumise dans la première circonscription du Nord. En Isère, Elisa Martin, mise en cause dans un enquête pour “concussion” et “recel de délit” ouverte par le parquet, est également investie. La fidélité sans limite, ou la purge. Il en va ainsi chez Jean-Luc Mélenchon qui appelait pourtant en début de semaine “à jeter les rancoeurs à la rivière.”

Dans la pénombre de son appartement parisien, Raphaël Glucksmann retisse le canevas de ces quatre derniers jours qui lui ont paru être des mois. Il y a ce président qui a rendu le pouvoir aux appareils politiques de la gauche, à ces apparatchiks de tous bords contre qui il a ferraillé toute la semaine, à ces moments où il a menacé de partir pendant les négociations ; et ce clair-obscur, ce déchirement. Il repense aux mots d’un de ses aînés il y a quelques jours : “Les monstres sont encore minoritaires à gauche mais majoritaires à droite. Il y a des moments historiques où la seule morale en politique est de s’engager, pas de se dégager.” Un ange passe, moustachu et des lorgnons posés sur le nez. C’est Léon Blum, ce mort qu’ils font tous parler. Glucksmann se souvient des mots du père du premier front populaire : “La moralité consiste essentiellement en le courage de faire un choix.”




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