Il s’inquiète du retard de certains textes importants, encore accru par la dissolution. Dans son rapport annuel publié jeudi 20 juin, le Haut conseil pour le climat salue les progrès de la France dans la réduction des émissions de CO2 mais prône un “changement d’échelle dans l’adaptation” au changement climatique.
“Il devient crucial que l’action climatique protège efficacement les enfants, les ménages et les entreprises. Malgré des avancées importantes, les efforts d’adaptation restent en décalage par rapport aux vulnérabilités et aux besoins”, a jugé la présidente du HCC, la climatologue franco-canadienne Corinne Le Quéré, lors d’une présentation à la presse. Le rapport de plus de 230 pages rédigé par un panel d’experts prône un “changement d’échelle dans l’adaptation”.
L’année passée s’est classée au deuxième rang des années les plus chaudes en France. Le pays a connu ces dernières années un manque d’eau localement à cause de la sécheresse, des feux géants dévastateurs, des canicules, orages intenses et inondations.
Le gouvernement de Gabriel Attal était justement en train de préparer le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3), fondé sur l’hypothèse d’un réchauffement de 4°C en France d’ici la fin du siècle (contre 1,7°C à ce jour). Mais le processus de mise en consultation a traîné et celle-ci est désormais suspendue à la majorité et au gouvernement qui émergeront des élections législatives des 30 juin et 7 juillet.
“Vive préoccupation”
Le HCC, parmi 65 recommandations, demande de “finaliser rapidement et adopter” ce texte, comme d’autres qui structurent l’action du gouvernement en matière climatique, la stratégie nationale bas carbone (SNBC) ou la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). C’est “urgent afin de donner à chaque acteur la visibilité nécessaire pour agir en cohérence dans la durée”, presse Corinne Le Quéré.
Pour l’exécutif, attaché à sa planification écologique, le contenu des feuilles de route en matière d’énergie et de neutralité carbone est “déjà sur la table” à défaut d’avoir encore été formalisé juridiquement. Quant au plan d’adaptation, il est “bien prêt”, fait-on valoir. Si la dissolution a encore plus retardé la publication de certains textes, le HCC s’est refusé à commenter la situation politique actuelle.
La première mandature de l’organisme indépendant, chargé d’évaluer l’action publique en matière de climat depuis 2018 durant le premier mandat d’Emmanuel Macron, s’achève le 24 juin. Contributeur de longue date du Giec, l’agronome Jean-François Soussana a été nommé ce jeudi président du Haut conseil pour le climat. “Il n’y a aucune ambiguïté sur le fait que le HCC joue un rôle essentiel et on souhaite le pérenniser”, souligne l’exécutif.
“Le rythme de décarbonation de la France, avec une baisse des émissions brutes de gaz à effet de serre qui s’est accélérée en 2023, se rapproche pour la première fois du rythme attendu pour atteindre ses objectifs climatiques 2030”, salue le HCC. La France prévoit une baisse de 50 % des émissions brutes à cet horizon (par rapport à 1990), déclinaison de l’ambition européenne “Fit for 55”.
“Recul”
Les émissions brutes ont en effet reculé de 5,8 % l’an dernier, ce qui s’explique pour au moins un tiers par des facteurs conjoncturels comme le redémarrage de réacteurs nucléaires. Jusqu’aux deux tiers de cette baisse peuvent à l’inverse être considérés comme le fait des politiques publiques, selon le rapport. Il salue des “avancées importantes mais inégales” selon les secteurs dans les politiques, avec quelques reculs, notamment pour l’agriculture. Ce secteur “souffre d’un manque de cohérence entre les politiques agricoles, alimentaires, environnementales et climatiques”, regrette Corinne Le Quéré.
“Les politiques agricoles ont été marquées ces 12 derniers mois par un recul de l’action publique climatique”, déplore le rapport, allusion notamment aux réponses aux mouvements de colère agricole du début d’année.
Les experts pointent aussi l’absence de “stratégie d’ampleur ou plan de régénération des écosystèmes forestiers”, alors que la capacité des sols et des arbres à absorber du CO2 est fragilisée depuis des années. A un horizon un peu plus lointain, le Haut conseil réclame “un cap clair pour la décennie 2030-2040, pour se doter de la capacité d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050”.
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