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L’électricité pas chère, la meilleure arme contre le populisme, par Cécile Maisonneuve


On laissera aux historiens de 2050 le soin de démêler l’écheveau des causes qui auront conduit la France de juin 2024 à une situation politique inédite, dramatique à coup sûr, explosive peut-être. Psyché présidentielle sur laquelle même les plus réticents à convoquer les analyses freudiennes se retrouvent à spéculer ; étatisme délirant qui a fait des Français les clients d’une machine technocratique qui tourne à vide, quand elle n’empêche pas ; panne sèche des deux services publics cruciaux dans une démocratie, l’éducation nationale qui forme des citoyens éclairés et la justice qui protège la liberté en édictant la responsabilité ; manipulations continues de l’opinion publique par des puissances hostiles, qu’elles s’appellent Russie ou islamisme radical… Les explications ne manquent pas.

Pour l’heure, que disent les Français lorsqu’ils sont interrogés sur leurs motivations électorales ? La cause première de leur mécontentement, qui ressort de toutes les enquêtes d’opinion, tient en trois mots : pouvoir d’achat. Et, rapidement, est pointée du doigt la hausse des prix de l’énergie. Dans une situation de crise, tout expert est tenté d’invoquer son propre champ de compétence pour expliquer la situation, et l’auteure de cette chronique est consciente d’un tel biais.

Osons pourtant l’hypothèse : parmi les causes économiques de la débâcle politique actuelle, il faut dire et répéter que la politique énergétique aura joué un rôle majeur. Emmanuel Macron a compris tard, très tard que l’énergie, c’est tout à la fois le pouvoir d’achat des Français, l’attractivité d’un pays, la compétitivité de ses entreprises, l’industrie de toutes les autres industries en ce qu’elle détermine leur coût de production, et un outil d’aménagement du territoire. Il s’est laissé intoxiquer par la doxa délétère, d’inspiration écologiste, qui avait décrété qu’il fallait que l’énergie soit chère pour que la consommation diminue.

Le nucléaire, meilleur allié de l’électrification

Prenons le cas de l’électricité : jamais la France, dont le parc nucléaire est amorti, n’aurait dû voir le prix de son électricité augmenter. Bruno Le Maire évoquait récemment, lors de son audition devant la commission d’enquête du Sénat sur les coûts de l’électricité, la nécessité de respecter “le corps social d’EDF” dans la conduite de la politique électrique française. Est-ce à dire qu’entre les syndicats d’EDF et les intérêts de la population on a choisi les premiers ? Fort heureusement pour les Français, depuis quelques mois, le “corps social d’EDF” a fait le choix du pouvoir d’achat : un bref regard sur les courbes de production d’électricité nucléaire des mois passés montre un changement radical dans la doctrine d’exploitation des réacteurs nucléaires, qui produisent autant qu’ils le peuvent, avec l’objectif évident de faire baisser les prix de l’électricité sur les marchés de gros.

Plus que toute manipulation fiscale sur la facture des clients finals, c’est cela, un nucléaire abondant, susceptible de faire baisser les coûts et d’attirer les industriels, à commencer par le secteur numérique, qui est aujourd’hui le meilleur allié de l’électrification de l’économie, et donc la condition sine qua non de la transition énergétique, à rebours de tout le discours malthusien et passéiste sur la technologie et l’intelligence artificielle. Peut-être va-t-on enfin se fixer, comme le nucléaire américain, un objectif de réduction – oui, de réduction ! – du coût de production. La publication récente du Nuclear Energy Institute, Nuclear Costs in Context, nous apprend qu’en 2022 le coût moyen du mégawattheure nucléaire aux Etats-Unis était de 30,92 dollars, soit 40 % de moins qu’en 2012. On rappellera qu’en novembre dernier EDF et l’Etat ont conclu un accord établissant ce coût à… 70 euros. Toutes les différences techniques du monde ne suffiront pas à expliquer ce différentiel.

Plutôt que de pleurer sur le vote populiste, il est urgent de travailler sur le coût d’EDF et sur le coût de la bureaucratisation délirante de la sûreté nucléaire. Si l’on veut des gouvernements raisonnables, faisons des politiques raisonnables. Le reste n’est que posture.

*Cécile Maisonneuve est fondatrice du cabinet d’études et de conseil Decysive.




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