Il aura fallu attendre le résultat des élections européennes, dimanche 9 juin au soir, et la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron, pour que des livres ayant trait à la politique intègrent le palmarès des meilleures ventes. Jusqu’à cette semaine du 10 au 16 juin, en effet, seuls le massacre du 7 octobre, le conflit entre Israël et le Hamas qui s’ensuivit et le Débarquement de 1944 avaient eu le droit aux honneurs du Top 20. Mais nécessité faisant loi, deux ouvrages consacrés au Rassemblement national et à ses électeurs s’installent dans notre palmarès des essais.
Le premier, Le Grand Remplaçant. La face cachée de Jordan Bardella (Studiofact), entré au 6e rang, est signé par le journaliste et réalisateur de documentaires d’investigation Pierre-Stéphane Fort, celui-là même qui avait eu maille à partir avec le RN lors de la diffusion, en janvier 2024, de son reportage sur Jordan Bardella dans Complément d’enquête (France 2), affirmant – en se basant sur quatre sources, dont trois anonymes – que le jeune président du parti de Marine Le Pen aurait utilisé (ce qu’il a depuis démenti) de 2015 à 2017 un compte Twitter sous un pseudonyme pour diffuser des messages racistes, homophobes ou pour insulter des journalistes. Le journaliste a puisé dans cette même enquête pour dresser le portrait du jeune homme pressé, “mi-Rastignac, mi-Bel-Ami”, et “arme de séduction massive de son camp”.
Le deuxième essai, Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite (Seuil), placé 12e, est du sociologue et politiste Félicien Faury, chercheur postdoctoral au CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales). Dès l’annonce des résultats (31,37 % pour le RN, et 5,7 % pour Reconquête !), les médias se sont rués sur le chercheur, interviewé par La Croix, Le Monde, L’Humanité, Libération, Le Nouvel Observateur… Dans son livre, fruit d’une enquête de terrain de six ans (2016-2022) dans un territoire du sud-est de la France, berceau historique de l’extrême droite, le sociologue éclaire, portraits à l’appui, comment les idées d’extrême droite se diffusent au quotidien. Immigration, inégalités économiques, pénurie des services publics, sentiment d’insécurité, racisme… façonnent la représentation du monde de ces “électeurs ordinaires”.
Du côté des fictions, c’est, presque, le calme plat. On signalera tout de même les entrées des auteurs de romance et de fantasy, Meagan Brandy avec Say You Swear (Shingfoo), Rebecca Yarros avec le 2e tome de sa série The Empyrean, Iron Flame (Hugo Romans) et Alric & Jennifer Twice avec le 4e volet de leur saga La Passeuse de mots, Les larmes du Saule (Hachette Romans). A noter aussi, dans le Top 30, l’arrivée de la toute récente lauréate franco-américaine du prix du Livre Inter, Phoebe Hadjimarkos Clarke, avec Aliène (Editions du Sous-Sol) et de l’Américo-britannique Tracy Chevalier, avec La Fileuse de verre (Editions de la Table Ronde). Le premier récit mêle science-fiction et drame social à travers la rencontre d’une femme éborgnée par un tir de flash-ball et d’un sociologue qui enquête sur des récits d’enlèvements par des extraterrestres, le tout dans un décor rural menaçant. Le second, roman historique qui débute en 1486 sur l’île vénitienne de Murano pour s’achever cinq siècles plus tard, brosse le portrait d’Orsola Rosso, valeureuse descendante d’une dynastie d’artistes verriers qui se lance dans le travail du verre, un métier habituellement réservé aux hommes. De quoi, entre ces différents romans, se dépayser à petits prix.
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