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Au château de Chambord, le bestiaire fantastique de Julien des Monstiers

Quoi de commun entre un édifice royal bâti à la gloire de François Ier et une ancienne morgue transformée en résidence d’artistes ? Plus de 600 kilomètres séparent le plus vaste château de la Loire resté dans son jus et l’antre cannoise résolument tournée vers l’avenir, mais une double exposition les relie aujourd’hui puisque les deux lieux accueillent simultanément les œuvres de Julien des Monstiers*. A tout juste 40 ans, ce peintre originaire de Limoges est considéré comme une valeur montante de l’art contemporain.

Représenté par la galerie Christophe Gaillard, à Paris, qui lui a déjà consacré cinq accrochages monographiques, il met la peinture au cœur de son travail, notamment dans ses compositions animalières parfois empruntées aux maîtres du passé, à l’instar de Jean-Baptiste Oudry au XVIIIe siècle. Autant dire que le registre privilégié de Julien des Monstiers prend une ampleur particulière au domaine de Chambord, dont les murs et les œuvres témoignent d’une histoire spectaculaire : celle de la création architecturale monumentale voulue par François Ier pour en faire une luxueuse demeure de chasse en annexe du château de Blois.

Dans les salles adjacentes au fameux escalier à double révolution, inspiré par Léonard de Vinci, lions et chiens, la gueule ouverte et les yeux écarquillés, s’abattent sur leur proie, tandis que les oiseaux fuient le carnage à venir. Peinte avec une symétrie axiale, la scène se reflète dans son double, comme pour s’affronter elle-même. Plus loin, deux chevaux, sabots tournés vers le ciel, se répondent dans une chute interminable, défiant le paysage contemporain qui les fige.

Un jeu avec les ruptures

Julien des Monstiers entremêle volontiers les époques et joue avec les ruptures ; ainsi, quand, sur l’un de ses tableaux, il convoque deux images immuables de notre imaginaire collectif, l’arche de Noé – ici tirée de l’œuvre de Simon de Myle (1570) – et la licorne, il les réactive en les plaquant sur une vue aérienne de centrale nucléaire. Sur les murs de tuffeau et sous les plafonds à caissons, le rendu flirte avec le fantastique.

L’artiste entremêle les époques et joue avec les ruptures.

Animaux, décors floraux ou tapisseries… Quel que soit le sujet mis en avant par le jeune artiste, ses compositions répondent toutes au même processus créatif : les motifs sont d’abord peints de façon classique, indépendamment de l’œuvre finale, puis il dépose sur la peinture encore fraîche des grands films de papier cristal utilisé par les fleuristes. Une fois les motifs absorbés dans leur entièreté par les films, il applique ceux-ci sur la surface de la toile blanche à la manière d’une décalcomanie. Le procédé fait apparaître sur chaque œuvre une sorte de grillage délavé qui évoque des raclures postérieures sur la composition alors même qu’il en constitue le point de départ. Une technique et un geste qui sont l’ADN de ce corpus singulier et que le Suquet des artistes de Cannes – l’ex-morgue métamorphosée en 2015 – présente comme une “méditation sur la matière picturale”.

A Chambord comme sur la Côte d’Azur, Julien des Monstiers a eu carte blanche pour inscrire son travail dans ces endroits radicalement différents. Ce sont les intitulés des expositions qui, en se renvoyant la balle, font office de fil rouge : Dedans dehors chez François Ier, Dessus dessous dans le laboratoire cannois.

*Au Suquet des artistes de Cannes (Alpes-Maritimes) jusqu’au 22 septembre et au domaine de Chambord (Loir-et-Cher) jusqu’au 3 novembre.




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