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Policiers, militaires, enseignants… Ces fonctionnaires candidats RN aux législatives


Le chiffre paraît dérisoire, mais c’est tout un symbole. Dans les quelque 500 candidats aux législatives que le Rassemblement national a dû trouver – 499, d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur -, on dénombre une trentaine de fonctionnaires ou anciens fonctionnaires, soit environ 5 % des investitures. Dans le parti d’extrême droite, ce sont les professions du privé – agent immobilier, responsable RH, profession de santé, avocat – qui semblent dominer. Mais aussi beaucoup d’assistants parlementaires, de collaborateurs d’élus du RN, et de jeunes issus du Rassemblement national de la Jeunesse (RNJ).

Le signe, comme le soulignait déjà L’Express cette semaine, que pour réussir à investir candidats et suppléants, le parti a dû mobiliser l’ensemble de son écosystème. Non sans réaliser quelques “prises” notables au sein de la fonction publique. Policiers, anciens militaires, mais aussi hauts fonctionnaires ou encore enseignants… Voici la radiographie des candidats du Rassemblement national passés par la fonction publique.

Officiers et magistrat

Longtemps boudé par “l’élite” de la fonction publique, le RN compte au moins quatre hauts fonctionnaires parmi ses candidats. Le diplomate Rémy Queney représente ainsi le parti dans la 3e circonscription de l’Allier. Ancien préfet de l’Aube ou encore de la Dordogne jusqu’en 2016, Christophe Bay est candidat dans la 3e circonscription de l’Eure-et-Loir. La figure est bien connue des médias : il a été directeur de campagne de Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle de 2022.

En dehors de ces cas, deux autres hauts fonctionnaires rejoignent les investitures RN à la faveur de l’alliance du parti avec le président des Républicains Eric Ciotti. En Bourgogne-Franche-Comté, Thierry Coudert, ancien préfet de l’Eure et de la Seine-Maritime, adhérent de l’UMP puis des Républicains, se présente dans la 3e circonscription de la Côte d’Or. Enfin, Jean-François Mourtoux, administrateur de l’Etat, chef de projet à la direction de cabinet de la directrice générale de l’Agence régionale de Santé en Île-de-France, est candidat dans la 4e circonscription des Yvelines.

Mais les hauts fonctionnaires sont encore très minoritaires parmi les potentiels futurs députés RN. Le plus gros contingent d’agents publics est, sans surprise, celui appartenant aux forces de l’ordre. Les investitures du Rassemblement national comptent ainsi au moins cinq anciens militaires (et un réserviste), sept policiers, un gendarme ou encore un surveillant pénitentiaire (également gendarme volontaire). On compte également un ancien magistrat, le médiatique vice-président de l’UNI Charles Prats, dans la 6e circonscription de Haute-Savoie.

Parmi les figures notables de cette cohorte, on trouve aussi Olivier Damien, commissaire divisionnaire honoraire, qui fût un temps secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale. L’homme, désormais conseiller régional RN en Bourgogne-Franche-Comté, se présente dans la 2e circonscription de Saône-et-Loire. On trouve également Sébastien Soulé, ancien policier blanchi dans l’affaire de la Bac nord, investi dans la première circonscription de Toulon. Le député sortant Stéphane Rambaud, policier à la retraite, se représente sous les couleurs du RN dans la 3e circonscription du Var.

Chez les militaires, on remarque par exemple l’officier de la Marine nationale Edouard Fauvage, qui se présente dans la 3e circonscription du Calvados avec la nuance candidat “d’Union-nationale” (LR-RN). Ou bien Olivier Monteil, présent dans la 2e circonscription des Hautes-Pyrénnées. Conseiller régional d’Occitanie depuis janvier 2016, l’homme a fait Saint-Cyr et a été officier de l’armée de terre “de 1986 à 2013”, selon son profil Linkedin.

Des candidats dans les fonctions régaliennes

Ces candidatures ne sont pas surprenantes. Le Rassemblement national s’évertue depuis des années à convaincre l’électorat des forces de l’ordre et des armées. Dernier exemple en date : deux affiches publiées par le parti le 1er juin, quelques jours avant les européennes, représentant, en uniformes, un gendarme et un militaire, accompagnées de la mention “Je vote Bardella !”.

D’après une enquête de l’Ifop publiée en 2019 et ayant déjà été largement relayée, le vote RN avait été “très nettement supérieur à la moyenne départementale” dans les petites villes de garnison de l’armée de terre, lors des précédentes élections européennes. A titre d’exemple, à Mailly-le-Camp, dans l’Aube, près de 50,4 % des inscrits avaient voté pour le parti de Marine Le Pen – 17 points de plus que dans le reste du territoire.

En règle générale, les études menées ces dernières années révèlent que “50 à 60 % des policiers et des militaires (dont les gendarmes) votent pour la droite radicale”, expliquait récemment à La Croix Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS, membre du Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences po, et spécialiste de la fonction publique.

“Ces dernières années, le profil des candidats RN correspondait davantage à celui de gendarmes à la retraite, souligne le chercheur auprès de L’Express. Mais cela évolue avec le temps, ce qui explique la diversité des candidats des forces de l’ordre. Majoritairement, les investitures RN sont surtout attribuées à des fonctionnaires travaillant dans les fonctions régaliennes de l’Etat.”

D’autres membres de la fonction publique ont rejoint le parti. Dans ces derniers, on dénombre au moins quatre employés (dont des chargés de mission et un ancien retraité), et sept cadres “A” c’est-à-dire ayant des rôles d’encadrement. Colette Levêque, qui se présentait en 2021 comme “cadre A dans la fonction publique” sur un blog spécialisé dans “l’actualité locale aulnaysienne”, est candidate dans la 4e circonscription de Seine-Saint-Denis. Thierry Perez, délégué départemental du RN en Isère, tente pour sa part de briguer la 10e circonscription du département.

Des membres de l’Education nationale

Le reste des candidats est généralement employé dans… l’Education nationale et le supérieur. Instituteur (comme Benoît Auguste dans la 7e circonscription de l’Isère), ancien inspecteur général de l’éducation (le sortant Roger Chudeau, député jusqu’ici de la 2e circonscription du Loir-et-Cher), ou encore professeur d’histoire-géographie (Anne Sicard, ancienne de Reconquête, le parti d’Eric Zemmour, dans la 1re circonscription du Val-d’Oise)… Au moins 10 membres et un retraité de l’Education nationale évoluent avec l’étiquette RN lors de ces législatives.

“Encore aujourd’hui, le vote RN reste très limité dans le monde enseignant à environ 14 ou 15 % – à l’exception des instituteurs, ou il avoisine les 23 %, note Luc Rouban. Même si elle reste relativement faible, la présence assumée du parti dans l’Education nationale était rarissime jusqu’ici – c’était quelque chose de caché, de honteux.” Le signe, pour le politologue, d’un intérêt des électeurs RN pour les questions de “mobilité sociale”, de “transmission”. Celle d’une “banalisation du RN” et d’une “crise qui traverse une profession pourtant relativement imperméable aux idées du RN”, d’après Sophie Venetitay, secrétaire générale du SNES-FSU.

“En vérité, en dehors des enseignants – et cela est en train de changer – et des hauts fonctionnaires, les fonctionnaires votent désormais tout autant RN que dans le privé”, résume Luc Rouban. Entre 2017 et 2022, Marine Le Pen a gagné 9 points chez les hauts fonctionnaires, a relevé une note du Cevipof. Aux élections européennes, le pourcentage de salariés du public ayant voté pour le Rassemblement national était quasiment équivalent (33 %) à celui du privé (36 %). La progression est spectaculaire en comparaison des élections de 2019. A l’époque, 36,2 % des salariés du privé avaient glissé un bulletin Rassemblement national dans l’urne, contre seulement 16 % de ceux du public.




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