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Revirements, coups de pression et fronde interne : à quoi jouent les écolos avec les dissidents insoumis ?

“Manu, j’avais ton engagement oral que vous ne le feriez pas.” Il est 3h du matin, samedi 15 juin, et Marine Tondelier fulmine dans le groupe WhatsApp des principaux chefs de parti du nouveau Front populaire, comme l’a révélé Libération. La Secrétaire nationale vient d’apprendre que les “frondeurs” insoumis – Raquel Garrido, Alexis Corbière, Danielle Simonnet, Hendrik Davi et Frédéric Mathieu – n’ont pas été réinvestis par la direction mélenchoniste, et charge lourdement son coordinateur, Manuel Bompard. “Je suis en colère, et inquiète de tout ce que cela signifie, de ce que je considère comme une forme de sabotage irrespectueux de notre histoire collective”, déplore-t-elle dans un long message. “L’histoire que l’on écrit ensemble, épisode après épisode, pose un récit.” Le récit était donc tout écrit, mis en scène par les écolos à mesure que la polémique enflait : “Je ne vois pas pourquoi on ne soutiendrait pas les députés sortants”, affirmait-elle d’ailleurs sur un plateau télé. Une position similaire à celle du socialiste Olivier Faure ou de Fabien Roussel, patron du Parti communiste.

Comprenez alors que l’on n’y comprend plus rien. Trois jours plus tard, un courrier à destination d’Alexis Corbière et de Danielle Simonnet, signé de la main de Marine Tondelier, fleure bon le rétropédalage. “Nous avons découvert que vous avez utilisé sans notre autorisation le logo du parti Les Écologistes et la photo de sa Secrétaire nationale, Marine Tondelier, sur du matériel de propagande électorale. Cette utilisation contrevient à l’accord national passé avec les autres composantes du nouveau Front populaire […] Ce faisant, cela contrevient également au droit électoral et pourrait donner lieu à des recours.”

Les purgés voient flou. On demande alors à quelques militants écolos le contact de la patronne des Verts pour comprendre si sa formation leur apporte ou non un soutien. Silence radio. Interrogation similaire chez certains militants du parti au tournesol. “Quelle est notre conduite à tenir localement ?”, questionne un cadre du 20e arrondissement, dans un mail à destination de la direction écolo. On s’y reprend à trois fois. Et cette réponse, enfin : “Donc si j’ai bien compris, on peut les soutenir à condition qu’il n’y ait pas de référence aux écologistes sur le matériel de propagande électorale.” Trop tard, les tracts estampillés de la figure de Tondelier ou du logo de la maison verte sont déjà distribués quotidiennement. “La situation est ubuesque”, souffle-t-on dans la circonscription.

Dans les motions adversaires à Marine Tondelier, assez rare pour le souligner, on s’accorde sur de nécessaires renoncements. “Il n’y avait pas de deal sur les noms des personnes investies, même si on a le droit de penser que ça n’était pas une super idée de les exclure à ce moment-là”, affirme un cadre d’un courant minoritaire. Un autre, de l’aile droite : “Il y a des accords de parti, sinon les Insoumis ne soutiendraient pas nos candidats.”

“J’avais oublié à quel point les écologistes ne sont pas fiables”

Paris n’est pas tout à fait la Seine-Saint-Denis ; voilà peut-être la raison pour laquelle l’entourage de Marine Tondelier y a exercé de plus fortes pressions sur les écolos entrés en dissidence. Son entourage a décroché son téléphone pour intimider les audacieux qui souhaiteraient faire campagne pour les insoumis qui ont été purgés plutôt que ceux que LFI a officiellement investis. C’est mal connaître la maison verte où l’horizontalité est reine, et les militants ne détestent rien tant qu’un chef qui impose une décision. Ainsi, ce week-end, la section du 20e arrondissement des écologistes a contredit le parti. Une dissidence en bonne et due forme, appuyée par un vote : 93 % des adhérents locaux ont décidé de soutenir Danielle Simonnet et appellent même “solennellement Madame Verzeletti à retirer sa candidature”.

L’entourage de Tondelier dément toute pression, mais plusieurs huiles écologistes, parfois visées par les appels, n’en démordent pas, eux. “Je ne fais pas de commentaire au sujet de quatre circonscriptions sur 456 qui resteront à gauche quoi qu’il en soit”, balaie d’un revers de main Augustin Augier, le porte-flingue de Marine Tondelier. Et dire que les insoumis auraient bien aimé organiser un rassemblement étiqueté “Nouveau Front populaire” pour ces néo-candidats insoumis, et que Jean-Luc Mélenchon y est attendu comme invité d’honneur. Problème : nombre d’écologistes parisiens ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils n’en seraient pas, surtout s’il s’agit d’un moment pour affaiblir les purgés de LFI dont Danielle Simonnet. Bref, un raout de la coalition de gauche sans les écologistes, les communistes et les socialistes. De quoi faire tache.

Tous ces revirements écologistes agacent dans les couloirs de la gauche. Aujourd’hui, les insoumis fidèles à Mélenchon se disent satisfaits de pouvoir compter sur de fidèles écologistes, mais ils n’en oublient pas les coups à trois bandes que les mêmes faisaient lors des négociations de la Nupes en 2022. À l’époque déjà, Julien Bayou, qui dirigeait le mouvement, tentait avec les socialistes et les communistes de fomenter une coalition parallèle aux négociations, à trois, pour mieux tenir tête aux insoumis. “Ils ne sont pas fiables” grommelait alors l’entourage de Mélenchon.

Rebelote, deux ans plus tard. Les espoirs de mettre sous pression le leader insoumis à trois font long feu, comme l’a raconté L’Express. Très vite, Marine Tondelier fait savoir aux socialistes et aux communistes qu’elle ne tient pas son parti qui la met sous pression de négocier avec les insoumis. Dans la nuit du dimanche 9 au lundi 10 juin, avec David Cormand, elle se dirige au siège insoumis pour commencer quelques bavardages informels avec Manuel Bompard et Paul Vannier, monsieur élections du mouvement. Et un socialiste de reprendre les mots insoumis d’hier : “J’avais oublié à quel point les écologistes ne sont pas fiables.”

Mais voilà qu’à l’instar d’Olivier Faure et de Fabien Roussel ce lundi 24 juin, Marine Tondelier s’oppose à son tour aux velléités primo-ministérielles du patriarche insoumis. “Ce n’est pas contre Jean-Luc Mélenchon, mais nos adversaires politiques utilisent cet épouvantail pour nous décrédibiliser”, dit-elle à l’AFP. C’est peut-être David Cormand, proche de Marine Tondelier, vieux routier du parti vert, qui résumait le mieux son mouvement. C’était en 2022, juste après la Nupes. “La maladie des écologistes, disait-il, c’est qu’on veut être aimés de tout le monde.” De vrais cœurs d’artichauts !




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