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“Swing-circos”, craintes d’infiltration… L’âpre bataille autour des procurations


Le message est tombé dans la boîte mail des adhérents de Renaissance dans la soirée du jeudi 20 juin. Objet : “Votez deux fois”. Face à l’afflux de “milliers de demandes de procurations de la part de soutiens”, le parti de la majorité invite ceux qui le peuvent à s’inscrire sur leur site en tant que mandataire, afin de pouvoir enregistrer le plus de votes possibles pour le camp présidentiel lors des élections législatives à venir les 30 juin et 7 juillet prochains.

Affaibli par la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par Emmanuel Macron dans la soirée du 9 juin, Renaissance assure que les procurations sont “autant de votes pour la majorité présidentielle qui seront perdus si nous ne trouvons personne pour les porter”. Il faut dire que la prise de parole du président a pris de court beaucoup de Français. Plus d’un million de procurations ont été enregistrées pour les législatives à venir, selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur, en date du 21 juin. Un nombre déjà supérieur à celui du précédent scrutin pour élire les députés de l’Assemblée nationale, en 2022.

Le “bon” bulletin dans l’urne

Pour ceux qui envisagent un départ en vacances, un week-end chez des amis ou qui ne se trouveront pas à proximité de leur bureau de vote, il est toujours possible de faire une procuration. Du grain à moudre pour l’ensemble des corps politiques, qui se livrent une sourde bataille autour de ces votes. Car bien qu’il soit d’usage de donner procuration à un proche, les grandes formations politiques proposent, en cas de désaccord avec l’entourage, des services en ligne pour trouver quelqu’un – du même bord politique – qui déposera le “bon” bulletin dans l’urne.

“Vous pouvez voter pour quelqu’un d’autre n’importe où en France. Il n’est pas indispensable que cette personne vienne de votre ville”, précise Renaissance dans son mail. Depuis le 1er janvier 2022, mandant et mandataire n’ont plus besoin d’être inscrits sur la même liste électorale. Même si le déplacement dans le bureau de vote du mandant reste obligatoire pour voter par procuration et oblige à une certaine proximité géographique.

Barrage dans les “swing-circos”

De quoi faire germer une idée à gauche de l’échiquier politique, dont les militants craignent de voir le Rassemblement national (RN) emporter une majorité de sièges à l’Assemblée. Pourquoi ne pas voter par procuration dans des circonscriptions que l’extrême droite pourrait récupérer lors des deux tours à venir ? Faire barrage dans ce qui ressemble à des swing states – ces Etats qui peuvent faire basculer la présidentielle américaine – à la française, donc.

Sur son site internet, le Nouveau Front populaire (NFP) liste une petite centaine de “swing-circos”, anglicisme pour décrire ces circonscriptions conquises par moins de 1 000 voix lors des dernières législatives. “Pour l’emporter, il faut une stratégie : cibler en priorité les swing-circos”, affirmait en début de campagne le député sortant de la Somme François Ruffin.

Dans ces zones, La France insoumise (LFI) compte particulièrement sur sa plateforme en ligne Action Populaire, qui met en relation des électeurs souhaitant faire procuration et ceux qui pourraient la porter. Des adhérents pourraient-ils venir de loin pour porter les voix de personnes absentes le jour du vote ? “Nous préférons donner des procurations aux gens qui habitent dans notre circonscription, assure un directeur de campagne LFI d’une de ces “swing-circos”. Certaines personnes ayant des procurations peuvent finalement ne pas se déplacer. C’est un risque que nous ne voulons pas prendre.” Pas question de perdre pour autant les “multiples demandes reçues”.

Infiltration de l’extrême droite ?

Dès les premiers jours de la campagne cependant, des messages d’alerte ont déferlé sur les réseaux sociaux concernant une tentative d’infiltration qui “serait” menée par l’extrême droite pour “détourner les procurations”, notamment sur Plan Procu. Ce site de mise en relation entre mandants et mandataires reprend tous les codes des plateformes de rencontre en ligne, semblable à une sorte de Tinder électoral.

La plateforme qui se veut “apolitique” a été lancée en mai à l’occasion des élections européennes par l’association A Voté – dont une dizaine de membres ont été proches de la Macronie, selon le service Check News de Libération. “Vous souhaitez voter mais n’avez personne à qui donner votre procuration ? Pensez à #PlanProcu”, écrit même la porte-parole du ministère de l’Intérieur le 12 juin sur X (ex-Twitter).

Dès le lendemain, et l’arrivée des premières alertes sur les réseaux, Plan Procu ferme. Coïncidence ? Contactée, l’association A Voté assure qu’au moment où on leur a fait remonter les messages, la plateforme “était déjà fermée” à cause de l’afflux de demandes – “entre 3 000 et 4 000, autant en trois jours que pendant les européennes”.

Psychose

Ces appels à la vigilance concernent aussi le site Action populaire. Dans un message posté sur X le 17 juin et supprimé depuis, le GUD Paris, organisation étudiante d’ultradroite dont la proximité avec le RN a été plusieurs fois démontrée, ironisait : “Il est possible de s’inscrire ici pour voter par procuration pour LFI. Que cela ne vous donne pas l’idée de trahir la confiance de l’électeur qui vous confie son vote, en votant à la place pour un parti qui défend les Français par exemple.” Comprendre l’extrême droite.

Ce risque est-il réel ? La paranoïa ambiante embrouille les électeurs. “Je n’ai pas envie qu’on utilise mon vote pour un parti dont je ne veux pas”, assure Alice. Il y a deux ans, cette serveuse a changé de bureau de vote. Prise de court par le scrutin à venir, la jeune femme de 22 ans sera en vacances auprès de sa famille à Besançon (Doubs) lors des deux tours des législatives et ne connaît personne à qui confier sa procuration. Elle pense alors utiliser Plan Procu, mais sa sœur lui parle des tentatives d’infiltrations de l’extrême droite. Moment de doute. Alice se demande si les plateformes de procuration des partis sont plus sûres. Elle a tranché. C’est cette dernière solution qu’elle compte choisir pour voter les 30 juin et 7 juillet prochains.




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