Le Rassemblement national (RN) ne porte pas les éoliennes dans son cœur. Les voitures électriques non plus. Lors du débat organisé sur TF1 mardi entre les représentants des trois blocs politiques du moment, le président du parti d’extrême-droite, Jordan Bardella, s’est à nouveau opposé à l’interdiction des ventes de voitures thermiques neuves fixée dans l’Union européenne en 2035. “On va se retrouver dans une société un peu à la cubaine, où les classes populaires et les classes moyennes ne pourront pas s’acheter des véhicules électriques parce qu’ils sont trop chers”, a justifié le candidat en dressant un improbable parallèle entre la France et l’île des Caraïbes, où le salaire moyen tourne autour d’une trentaine de dollars par mois. Et d’assurer que le futur couperet “désorganise aussi la filière automobile”. “Plusieurs industriels ont évidemment tiré la sonnette d’alarme”, a garanti Jordan Bardella.
Son propos rejoint celui d’autres formations européennes, à l’image de la droite allemande qui ne cesse de faire pression pour renoncer à l’échéance de 2035, avec un résultat relatif pour l’heure. Tous misent désormais sur la clause de revoyure prévue en 2026. De quoi remettre en cause la décision européenne visant à réduire les émissions de CO2 du parc automobile ? “La Commission dispose d’un pouvoir d’initiative discrétionnaire pour rouvrir le dossier. Elle aura le dernier mot sur l’activation, ou non, de la clause de revoyure, explique Phuc-Vinh Nguyen, chercheur sur les politiques de l’énergie au sein du Centre énergie de l’Institut Jacques Delors. Mais il n’est pas impossible que certains États membres exercent une forte pression politique pour rouvrir le dossier, surtout si Ursula Von der Leyen est tentée de se rapprocher de la droite, par exemple du groupe ECR animé par Giorgia Meloni, pour sécuriser sa réélection à la tête de l’institution.” Le vote des eurodéputés sur la reconduction d’Ursula Von der Leyen pourrait intervenir le 18 juillet.
Un risque de réactions en chaîne
Le sujet est à haut risque, selon cet expert, d’autant qu’il est susceptible de provoquer des réactions en chaîne. “Revenir sur la fin du véhicule thermique en Europe pourrait avoir un impact sur le rythme de déploiement des bornes de recharge. Cela risque d’affecter par ricochet le règlement qui leur est consacré, tout comme la directive sur les énergies renouvelables qui soutiennent le déploiement de la mobilité électrique”, redoute Phuc-Vinh Nguyen. Des renoncements qui pèseraient lourd sur la décarbonation de l’UE puisque le secteur routier représente un cinquième des émissions de CO2 de la région, et les voitures particulières, plus de 60% de ces rejets. L’industrie n’en sortira pas non plus indemne.
S’il n’a jamais été un franc partisan de la voiture électrique, le patron de Stellantis, Carlos Tavares, s’est par exemple engagé à y consacrer pas moins de 30 milliards d’euros entre 2021 et 2025. Difficile d’envisager un retour en arrière après un tel investissement. A la mi-avril, le dirigeant portugais s’est d’ailleurs montré clair : “Ceux qui défendent le statu quo sont ceux qui n’ont pas de vision. On ne peut pas s’offrir le luxe de l’inaction” a-t-il taclé, appelant à “la stabilité” des règles en Europe. Surtout que la Chine, elle, poursuit sa montée en puissance dans la voiture électrique… Et pourrait bien finir par devenir impossible à rattraper si les constructeurs européens calent en pleine remontée. Reste à voir si ces arguments suffiront à convaincre le RN de remiser sa proposition au placard, allongeant encore la liste de ses projets abandonnés.
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