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Internet peut mourir : la preuve par la Toile chinoise


Pour chacun d’entre nous, Internet est immédiatement associé à un moteur de recherche qui fournit des hyperliens vers des pages Web en réponse à la requête d’un utilisateur. Ces moteurs de recherche ont permis d’organiser l’accès aux quelque 1,1 milliard de sites mondiaux, bien que l’essentiel d’entre eux (82 %) soit inactifs. S’il existait une multitude de moteurs de recherche à l’avènement d’Internet, Google est devenu dominant dans les années 2000 et maintient une part de marché mondial de 91 %, Bing, de Microsoft, absorbant le reste. Ces outils ont façonné le Web, car le trafic est extrêmement influencé par le positionnement d’un site sur la première page des moteurs de recherche.

Mais ce modèle d’accès à la Toile, devenu un réflexe, n’a rien d’immuable. De nombreux experts ont ainsi annoncé la mort de la recherche avec l’avènement de l’IA générative et ses modèles de langage étendus (LLM), censés être plus pertinents que la recherche sémantique.

C’est notamment la promesse de Perplexity.ai, qui, au lieu de proposer des liens, regroupe des informations provenant de sources crédibles en une réponse unique et cohérente. Ce procédé fonctionne pour un type réduit de requêtes ouvertes. Pour des requêtes précises, comme les résultats d’un match de football, vous continuerez d’utiliser un moteur de recherche. Ces derniers affichent d’ailleurs eux-mêmes un nombre croissant d’informations, notamment des résultats sportifs ou des indications météo. Une tendance qui rend la visite de sites Web dédiés de plus en plus superflue.

La disparition du Web chinois

La vraie menace pesant sur les moteurs de recherche s’observe cependant en Chine. La Toile chinoise est très différente de son pendant occidental. De nombreux sites y sont interdits, les contenus sont censurés. Des comptes sur le réseau de microblogging Weibo peuvent être supprimés du jour au lendemain. Mais, surtout, le Web est en train de disparaître de l’empire du Milieu, emportant avec lui la mémoire collective du pays.

Courant mai, une grande partie des informations publiées sur les portails d’information, blogs, forums et sites de médias sociaux chinois entre 1995 et 2005 n’étaient plus indexées sur le moteur de recherche principal, Baidu, mais aussi sur des secondaires, comme Bing, de Microsoft, ou le russe Yandex. Il n’y a ainsi plus aucune information sur la vie de Xi Jinping lorsqu’il était secrétaire du parti dans le Zhejiang et à Shanghai.

La vie d’entrepreneurs chinois aussi célèbres que Jack Ma, d’Alibaba, et Pony Ma, de Tencent, se réduit respectivement à zéro et trois liens. La couverture de la catastrophe naturelle la plus meurtrière qu’ait connue le pays ces dernières décennies, le grand tremblement de terre du Sichuan de 2008 et ses 69 000 morts, se limite à des articles du gouvernement central ou de la chaîne de télévision d’Etat. Il est encore possible de trouver les articles de journalistes indépendants, mais uniquement en recherchant leurs noms ou leurs médias.

Au-delà de l’indexation, le nombre de sites fond comme neige au soleil. Des 5,3 millions de sites répertoriés en 2017, selon le régulateur Internet du pays, il n’en subsiste que 3,9 millions. Moins que le nombre de sites en polonais et en farsi. Famélique pour une population de 1 milliard d’internautes. Mais ce phénomène dépasse la volonté de contrôle du Parti communiste. La Chine est le berceau des “super-applications”.

Pour beaucoup de Chinois, Internet, c’est WeChat et une poignée d’applications comme Douyin, l’équivalent de TikTok, ou Xiaohongshu, celui d’Instagram. Chaque application a son propre environnement de contenus non indexés. Pour accéder à une information sur un processus administratif, vous regardez un tutoriel fait par un influenceur local. Si vous souhaitez acheter des billets pour visiter un musée, vous ne vous rendez pas sur le site Web de l’institution – qui n’est plus mis à jour depuis des années – mais vous devez passer par un système de réservation en ligne disponible uniquement via WeChat.

En conséquence, l’expérience de recherche offerte par Baidu est devenue désastreuse, avec beaucoup de publicités, une faible pertinence et une forte obsolescence des contenus. On est loin des années 2020, où Baidu faisait partie des BATX, présentés comme les rivaux des Gafam américains. Baidu ne vaut plus que 31 milliards de dollars en Bourse, là où Tencent et Alibaba restent valorisés 456 et 181 milliards.




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