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La principale étude montrant l’efficacité de l’homéopathie était une fraude ! Par le Pr Ernst


L’homéopathie est une thérapie placebo : ses hypothèses vont à l’encontre de la science, ses remèdes sont dépourvus d’ingrédients actifs et les preuves issues des essais cliniques sont uniformément négatives. Après le Royaume-Uni et la France, c’est maintenant l’Allemagne, le pays d’origine de l’homéopathie, qui se rallie à cette position. La 128e assemblée médicale allemande a récemment déclaré que “l’utilisation de l’homéopathie… n’est pas une option compatible avec la médecine rationnelle, l’exigence du meilleur traitement possible et une compréhension appropriée de la responsabilité et de l’éthique médicale”.

Pourtant, les homéopathes du monde entier affirment que ce n’est tout simplement pas vrai et qu’il existe de nombreux essais cliniques sur l’homéopathie qui ont abouti à des conclusions positives. À vrai dire, ils n’ont pas tout à fait tort. Certaines études suggèrent que l’homéopathie fonctionne au-delà du placebo. Comment cela est-il possible ? Pourquoi certaines études sur l’homéopathie montrent-elles des résultats positifs ? La réponse évidente est que ces études ne sont pas rigoureuses ; elles ne sont pas randomisées, ou ne sont pas en double aveugle, ou ne sont pas contrôlées par placebo, par exemple. Mais cette hypothèse n’est peut-être pas tout à fait vraie.

En 2020, le Pr Michael Frass a publié un essai très médiatisé qui semblait prouver le contraire. Cette étude randomisée et contrôlée par un placebo en double aveugle (étude où les participants sont répartis au hasard entre deux ou trois groupes, l’un bénéficiant du traitement évalué, l’autre recevant un placebo, le dernier ne prenant rien, et où ni les participants ni les évaluateurs ne savent qui prend le traitement, NDLR) a montré que la qualité de vie des patients atteints de cancer s’améliorait de manière significative avec l’homéopathie par rapport au placebo. En outre, la survie était significativement plus longue dans le groupe homéopathie que dans le groupe placebo et le groupe témoin.

Des incohérences qui avaient donné lieu à des plaintes

Cette étude semblait rigoureuse, elle avait été publiée dans une revue très réputée et elle avait été menée par des experts reconnus. Son auteur principal, Michael Frass, était un professeur respecté de la faculté de médecine de Vienne (institution à laquelle j’ai moi aussi appartenu). Mais quand j’ai lu son article pour la première fois, je me suis méfié, notamment parce que j’avais précédemment découvert que Frass avait publié pas moins de 12 études sur l’homéopathie, qui aboutissaient toutes à des conclusions positives.

Je n’ai donc pas été surpris que, peu après la publication de ce nouveau travail de Frass, une analyse approfondie réalisée par deux autres scientifiques, Norbert Aust et Viktor Weisshäupl, a révélé plusieurs incohérences importantes. Ces incohérences ont donné lieu à des plaintes auprès de la revue “Oncologist” et de la faculté de médecine de Vienne pour suspicion d’inconduite scientifique. L’école de médecine a ensuite transmis l’affaire à l’Agence autrichienne pour l’intégrité scientifique. Cette agence a pris son temps, mais récemment, plus de trois ans après la publication de l’étude de Frass, elle a mis à disposition le résumé final en ligne de son évaluation.

Voici ses conclusions : “Après avoir établi des soupçons suffisants de diverses violations des bonnes pratiques scientifiques, la Commission s’est déclarée responsable et a entamé une procédure. Dans le cadre de cette procédure, le chercheur principal a eu l’occasion de présenter une déclaration écrite et de fournir des documents permettant d’éclaircir les faits de l’affaire, que l’accusé a soumis en grand nombre. Au cours d’une enquête très complexe et complète, qui a notamment nécessité l’inspection sur place de documents originaux, la Commission a pu étayer les soupçons de falsification, de fabrication et de manipulation de données. Dans une déclaration finale, le directeur de l’étude, qui ne travaille plus pour l’université en question, et les nombreux coauteurs ont été informés en détail du déroulement et des résultats de l’enquête de la Commission, ainsi que des recommandations adressées à l’université et à la revue. La Commission a recommandé que l’université concernée envisage d’enquêter sur ses propres responsabilités et agisse en conséquence, et que la publication soit retirée de toute urgence. La revue responsable de la publication a été invitée à retirer la publication sur la base des conclusions de l’enquête.”

Des patients vulnérables induits en erreur

Malheureusement, le scandale ne s’arrête pas là. Malgré l’appel urgent lancé par l’Agence à la revue afin qu’elle retire l’étude frauduleuse, cela n’a toujours pas été fait. Seule une “expression de préoccupation” a été ajoutée à l’article sur Medline. Par conséquent, des patients cancéreux vulnérables pourraient encore être induits en erreur par les faux résultats de Frass et de ses collègues.

L’histoire désolante de Frass et de ses recherches illustre certains des problèmes fondamentaux de la recherche sur l’homéopathie en particulier et sur les médecines alternatives en général. Malheureusement, la fraude scientifique n’est pas rare en médecine. Les intérêts financiers en sont souvent le moteur. La situation est très différente dans le domaine des médecines alternatives, où les conflits idéologiques dominent. Les chercheurs dans ce domaine ont tendance à lancer des études principalement parce qu’ils veulent prouver que leur thérapie préférée est efficace. Ils abusent donc de la recherche en ne testant pas honnêtement leurs hypothèses, et au contraire en essayant malhonnêtement de les prouver. Cela permet à des gens comme Frass de publier un résultat positif pour l’homéopathie après l’autre.

Sur mon blog, je résume ce groupe de personnes dans le “ALTERNATIVE MEDICINE HALL OF FAME” (Temple de la renommée des médecines alternatives), au nom satirique. Il comprend actuellement 24 (pseudo) scientifiques, dont 6 sont spécialisés dans la recherche sur l’homéopathie. La fraude scientifique cause des dommages considérables. Dans le cas de l’étude Frass, on peut même se demander combien de vies ont été écourtées. C’est pourquoi nous devrions chercher des moyens de minimiser ce phénomène. Ce n’est certainement pas une tâche facile et il n’y a pas de remède miracle pour y parvenir. Dans le domaine des médecines alternatives, je plaide depuis longtemps pour que des chercheurs comme Michael Frass, qui ne produisent que des résultats invraisemblables qui nous induisent tous en erreur, ne puissent plus recevoir de fonds publics pour la recherche. Cela permettrait d’arrêter au moins une partie des pseudoscientifiques de la médecine alternative qui se bercent d’illusions de manière chronique.

* Edzard Ernst est professeur émérite à l’université d’Exeter, au Royaume-Uni, où il s’est spécialisé dans l’évaluation des médecines alternatives. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Don’t Believe What You Think : Arguments for and against SCAM (Societas, 2020), SCAM : So-Called Alternative Medicine (Societas, 2018), et Bizarre Medical Ideas : … and the Strange Men Who Invented Them (Springer, 2024).




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