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Aymeric Caron élu dès le premier tour : les secrets d’une victoire très symbolique


Ce n’est pas forcément la circonscription la plus scrutée de France, mais c’est sans doute l’une des plus symboliques de la recomposition à l’œuvre ces dernières semaines entre la Macronie et la gauche. En jeu : la capacité des électeurs sociaux-démocrates, un temps tentés par En Marche, à soutenir pour ces législatives anticipées un candidat Nouveau Front populaire, même aussi clivant et controversé qu’Aymeric Caron. En battant dès le 1er tour, par 50,38 % des voix, Pierre-Yves Bournazel (32,38 %), membre d’Horizons, proche d’Edouard Philippe, l’ex-homme de télé a récolté les fruits de la clarté de son positionnement quand son adversaire se perdait en des références diverses.

Pour les deux hommes, l’enjeu était le même : convaincre l’électorat de centre-gauche, très ancré dans cette circonscription du nord-est de Paris qui couvre une partie des 9ème et 18ème arrondissements, longtemps acquise au Parti socialiste, de se porter sur leur nom. Aux européennes du 9 juin, Raphaël Glucksmann y a recueilli 29 % des voix, le double de son score national. Déjà en 2022, les deux hommes s’étaient affrontés, Aymeric Caron sous l’étiquette Nupes, Pierre-Yves Bournazel sous celle de “majorité présidentielle”. Le premier l’avait emporté au second tour, avec 1200 voix d’avance.

Cette fois, le duel a été tranché plus nettement, près de 10 000 voix séparent les deux candidats. Pourtant tant Aymeric Caron que Pierre-Yves Bournazel ont mis en avant leur engagement écologique pour convaincre un électorat sensible à ces enjeux. Ils se sont aussi posés en rempart contre le Rassemblement national dans une zone pourtant peu tentée par l’extrême droite, la liste de Jordan Bardella ayant réuni 7 % des voix aux élections européennes dans le 18ème arrondissement (contre 31,3 % au niveau national). Mais l’élection s’est jouée ailleurs, dans la lisibilité des positions.

“Excusez-moi, mais Bournazel c’est quelle tendance ?”

Dans ces quelques rues bordées au Nord par la populaire porte de Clignancourt, au Sud par un 9ème arrondissement en voie de boboïsation avancée et hébergeant en son cœur la très aisée Butte Montmartre, Aymeric Caron, fondateur de la Révolution écologique pour le vivant, végétarien et antispéciste, a joué avec succès la carte “à gauche toute”. Il a affiché sur son compte X (ex-Twitter) son constant soutien à Gaza. Jusqu’à être accusé d’antisémitisme pour avoir mis en regard le viol à caractère antisémite de la jeune fille de Courbevoie et le meurtre d’une femme rom en février en Haute-Savoie dont personne n’a parlé. Sa défense en mode “je suis victime de fake news” a visiblement suffi à lever le doute chez des électeurs de gauche non mélenchonistes.

Son adversaire, lui, a voulu ratisser large en jouant le grand flou. En 2022, il mentionnait “majorité présidentielle” sur sa profession de foi. Rien de tel, cette fois. Au contraire, il a tenté de faire oublier ses liens avec la Macronie. Au recto de ses tracts, il posait avec le seul Bertrand Delanoë, ses autres soutiens plus marqués à droite comme Edouard Philippe (venu le soutenir comme en 2022) ou Delphine Bürkli, la maire du 9ème arrondissement, n’apparaissaient qu’au verso, en compagnie d’autres tels Christophe Caresche, député PS du lieu jusqu’en 2012. Pierre-Yves Bournazel avait tout intérêt à se démarquer du gouvernement sortant. Jusqu’à sa défaite de dimanche soir, il rêvait de briguer la mairie de Paris en 2026, face à une Rachida Dati, devenue ministre de la Culture par la magie du “en même temps”. Mais la valse de ses allégeances a égaré les électeurs, comme en atteste la remarque d’une dame à son équipe en fin de semaine dernière : “C’est bizarre de poser avec quelqu’un qui n’est plus maire de Paris depuis une éternité, Delanoë, les jeunes ne le connaissent même pas.” Ou cette question posée dimanche matin dans un bureau de vote de la circonscription par un monsieur brandissant un bulletin Bournazel : “Excusez-moi, mais c’est quelle tendance ?”

Dans cette circonscription où le dynamitage de la droite et de la gauche provoqué par Emmanuel Macron a joué à plein, les électeurs n’avaient guère d’alternative d’un côté comme de l’autre. A droite, Rudolph Granier, le candidat LR, revendiquait sa proximité avec Rachida Dati, provoquant un nouveau trouble. A gauche, outre des candidatures de témoignage, deux femmes issues du MRC, le mouvement chevènementiste, avaient décidé de tenter leur chance. Mais l’une, candidate dans une circonscription des Français de l’étranger en 2022, a été condamnée à un an d’inéligibilité pour n’avoir pas déposé ses comptes de campagne, la seconde était en 2017 candidate En Marche dans la circonscription voisine. Des parcours qui n’étaient pas franchement de nature à clarifier le paysage local. Les votes se sont donc concentrés autour des deux principaux candidats, pour le plus grand profit d’Aymeric Caron. Qui rejoignait ce lundi matin le club très fermé des 32 députés Nouveau Front populaire élus dès le premier tour.




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