Comment performer dans sa pratique sportive, comment bien s’entraîner et prendre du plaisir à se dépasser sans se blesser ? L’Euro de football, les Jeux olympiques de Paris sont autant de vitrines pour le sport de haut niveau, avec ses athlètes suivis au jour le jour, parfois par des armées de médecins, kinésithérapeutes, psychologues… Pour le sportif du dimanche jusqu’à l’amateur endurci, impossible d’être aussi bien accompagné. Les plus argentés se tournent vers des coachs personnels, quand la plupart glanent des recommandations auprès de collègues sportifs, d’outils connectés, voire de YouTube, Instagram ou TikTok… où bons et souvent moins bons conseils pullulent. De nombreuses études scientifiques apportent pourtant des réponses sérieuses quant aux méthodes éprouvées pour s’améliorer. L’Express passe en revue quatre thèmes essentiels : la préparation mentale, l’alimentation, les méthodes de récupération et la conduite à tenir face aux blessures. Dans ce troisième épisode, ce que dit la science à propos des étirements, des échauffements et des blessures.
EPISODE 1 – Les conseils de la science pour s’améliorer en sport : le cerveau, un allié trop souvent négligé
EPISODE 2 – Régimes, gels, barres… Quelle alimentation en tant que sportif ? Les conseils de la science
La scène est typique. Au stade ou dans un gymnase, alors que des sportifs se préparent, c’est la grand-messe des étirements et échauffements. Mais ces gestes sont-ils vraiment efficaces pour améliorer ses performances et éviter les blessures ? La lecture de la littérature scientifique peut parfois se montrer déroutante, tant elle bouscule des croyances solidement ancrées et inculquées depuis l’école. Ainsi, les étirements avant une activité sportive s’avèrent dans la grande majorité des cas… inefficaces. La plus grande méta analyse sur le sujet, publiée en 2019 et regroupant 19 études scientifiques, indique même que les étirements avant le sport peuvent nuire aux résultats ! “Leur influence sur la performance n’est pas démontrée, c’est même plutôt le contraire”, abonde le Pr Nicolas Pinsault, directeur du département de kinésithérapie à l’université de Grenoble. Pendant le sport, ils aident en revanche à chasser l’acide lactique et à diminuer les douleurs.
Mais quid des étirements après le sport, recommandés par nombre de professeurs ou coachs sportifs ? “Les étirements passifs comme ceux de la jambe tendue du joggeur, n’ont strictement aucun intérêt sur la récupération, tranche le Pr. Pinsault. De plus, il en existe de toutes sortes, donc parler d’étirements en général n’a pas de sens”. Et s’ils contribuent à endormir les terminaisons nerveuses, et donc à soulager la douleur, ils peuvent aussi provoquer des microlésions ou aggraver celles déjà existantes. “Après l’effort, le corps est moins à même de ressentir la douleur, ce qui peut amener à tirer trop fort”, précise Cédric Hattab, kinésithérapeute libéral. “Idéalement, il faudrait pratiquer des étirements doux et contrôlés au minimum une heure après la course, mais comme tout le monde ne sait pas bien les faire, ils ne sont pas recommandés”, ajoute Christophe Delong, chef du service de médecine physique et de réadaptation de l’Hôpital Sainte-Périne (AP-HP).
Ils présentent néanmoins un intérêt dans les pratiques visant à augmenter la masse musculaire, comme le bodybuilding ou le sport à visée esthétique. Car les étirements peuvent servir à casser les fibres du muscle, qui gonflent s’ils sont ensuite renforcés par divers exercices. Mais le résultat n’est pas toujours assuré, précisent les spécialistes. La pratique régulière d’étirements peut également avoir un intérêt pour les sports qui nécessitent de la souplesse, comme la gym. Dans ces deux cas, ce sont moins les muscles que les structures myotendineuses qui sont sollicitées, ce qui peut améliorer les performances.
Aucune donnée démontrant la prévention des blessures
Les étirements peuvent-ils au moins éviter les risques de blessures ? “L’idée tient la route intellectuellement, car un muscle moins raide devrait accepter des situations extrêmes plus facilement, sauf qu’il n’y a absolument aucune preuve scientifique en ce sens, balaie le Pr. Nicolas Babault, chercheur au Centre d’Expertise de la Performance G. Cometti (Inserm, Université de Bourgogne). Des études menées sur des centaines de sportifs dans les années 2000 montrent au contraire qu’il n’y a aucune différence d’incidence de blessures entre les participants qui faisaient des étirements et les autres”.
La pratique des étirements afin de soigner des blessures légères apparaît plus complexe. La première chose à faire est, bien sûr, de consulter un praticien de santé afin d’obtenir un diagnostic précis et des soins adaptés. Mais contrairement à une idée reçue, la plupart du temps, immobiliser le membre touché n’aide pas à guérir correctement, notamment pour les tendinites. “On préconise généralement un repos relatif, c’est-à-dire une réduction et une adaptation des activités, mais il ne faut pas tout arrêter, car la structure tendineuse est très sensible aux contraintes, que ce soit l’excès ou le manque de sollicitations”, note Cédric Hattab. C’est par exemple le cas pour le “syndrome de l’essuie-glace” – une atteinte de tissu tendineux autour du genou -, grand classique des coureurs amateurs, où rien ne sert d’arrêter complètement la course. “On préfère mécaniser, par du renforcement musculaire et des manipulations afin d’entretenir l’élasticité et l’amplitude, et recréer petit à petit un tendon de qualité”, précise Christophe Delong.
Malheureusement, médecins et chercheurs constatent un fort taux d’échec, pas tant parce que les étirements sont néfastes, mais parce que les exercices recommandés doivent être effectués plusieurs fois par jour, avec une grande rigueur. En revanche, pour les blessures plus graves, c’est beaucoup plus clair. “Pour les fractures, il faut immobiliser le temps que l’os se consolide, ce qui prend 45 jours en moyenne, 90 au pire, puis envisager une reprise progressive”, ajoute le spécialiste. Pour les blessures au ligament, il faut également immobiliser entre 10 à 14 jours, puis “mécaniser” grâce, notamment, aux manipulations des thérapeutes, afin d’orienter la cicatrisation dans le sens voulu. Au bout de 21 jours, les muscles peuvent généralement être de nouveau sollicités afin de verrouiller l’articulation.
Les échauffements, eux, sont moins discutés. Les données scientifiques vont toutes dans le même sens, à savoir que chauffer son corps par des exercices dynamiques avant une épreuve aide à la fois à améliorer les performances, mais aussi à éviter les blessures. “L’augmentation de la température corporelle accélère le flux sanguin, ce qui est primordial pour la performance”, abonde Nicolas Babault. Dans l’idéal, il faut augmenter le rythme cardiaque – sans s’épuiser – et reproduire les mouvements que le sportif va réaliser lors de l’activité. L’intérêt ne se limite d’ailleurs pas au sport. Des études ont par exemple montré que des ouvriers pratiquant des échauffements avant le travail rencontraient moins de troubles musculosquelettiques.
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