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Un thriller d’espionnage en Syrie, la “protectrice” d’Anne Frank… Dix livres à lire cet été

A l’occasion du lancement de la 6e édition de son opération “Lire c’est voyager ; voyager c’est lire” parrainée par Sylvain Tesson, la Fondation Vinci Autoroutes a commandité une étude menée avec Ipsos sur les Français et leurs habitudes de lecture en vacances. Qui révèle que chaque Français prévoit de lire en moyenne 2,6 livres cet été… etjusqu’à 3,1 pour les jeunes de 16 à 24 ans ! Voici, à votre intention, dix titres, cinq inédits et cinq “poche”, à emporter dans vos bagages.

Miss Mars

Par Manuel Jabois, trad. de l’espagnol par Charlotte Lemoine

Gallimard, 226 P., 20,50 €.

Les événements se sont déroulés lors de l’été 1994, dans le village balnéaire de Xaxebe, sur la Costa da Morte, en Galice. Une grande partie des habitants, ce jour-là, ont célébré le mariage entre Santiago Galvache, le fils d’une figure locale, et la jeune Mai Lavinia, 18 ans, apparue quelques mois plus tôt sans que personne ne sache précisément d’où elle venait. Mais les festivités ont fini par tourner court : dans la soirée a été constatée la disparition de la fille de Mai, âgée de trois ans. Elle ne sera jamais retrouvée. Quant à sa mère, cette jeune fille solaire, imprévisible, facétieuse, elle entrera quelques mois plus tard dans les eaux de l’Atlantique pour n’en plus ressortir.

Construit par un jeu d’allers-retours entre le passé et le présent à travers le tournage, deux décennies après les faits, d’un documentaire relatif à l’affaire, Miss Mars est d’abord le portrait d’un lieu, “l’endroit d’Europe où le soleil se couche en dernier”, de ses habitants, et plus particulièrement d’une bande de jeunes adultes dont chaque membre aura à composer avec le double drame. Racontée par l’un de ses protagonistes devenu journaliste local, l’histoire met en exergue un personnage féminin hors du commun, Mai, alias miss Mars, trop fantasque pour ne pas receler de sombres secrets. Porté par une écriture sensorielle et pleine d’urgence, le roman dépasse l’ancrage local pour toucher à l’universel, évoquant différents faits divers survenus ces derniers temps, et rappelant que les tragédies les plus inavouables sont souvent celles du cercle familial. Bertrand Bouard

Mission Damas

Par David McCloskey, trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Johan-Frédérik Hel-Guedj.

Verso, 560 p., 22,90 €.

Un premier roman haletant signé par un ancien analyste de la CIA.

Un recrutement de haute voltige, ce n’est jamais une mince affaire, même pour la CIA. La cible s’appelle Mariam Haddad, une jeune Syrienne bien implantée dans l’administration Assad. Pendant un déplacement éclair à Paris, elle est approchée par Sam Joseph, l’un des meilleurs recruteurs de l’agence. Le début des ennuis. Dans son manuel du parfait espion, il était pourtant écrit en lettres d’or : ne jamais tomber amoureux de sa source. Nous sommes en 2011, la rue syrienne gronde, et les moukhabarats du régime répriment avec force les premières heures du soulèvement. Pris en étau entre une rébellion populaire et des groupes islamistes bien équipés, Bachar al-Assad s’apprête à commettre l’impardonnable. Une course contre-la-montre s’entame, parfumée au gaz sarin.

Nerveux, efficace et très documenté, Mission Damas nous plonge dans un monde d’espionnage aux antipodes de l’univers James Bond. Interminables préparations de missions, bureaucratie pointilleuse, et “parcours de détection de surveillance” (contre-filature) de parfois douze heures (!) pour s’assurer de ne pas être suivi… David McCloskey, ancien analyste de la CIA, livre ici un premier roman haletant, sans Aston Martin ni vodka martini. Un ouvrage qui figure parmi les tout premiers romans du nouveau label Verso du Seuil. Renaud Toffier

A nos vies imparfaites

Par Véronique Ovaldé.

Flammarion, 160 p., 19 €.

Véronique Ovaldé “aime tout particulièrement les nouvelles qui se répondent les unes les autres et la variation des points de vue comme autant de déclinaisons du même”, confie-t-elle dans le dossier spécial “nouvelles” de la revue Décapage. Et c’est aussi ce qu’on aime particulièrement dans son recueil A nos vies imparfaites, parfaite illustration de subtils enchevêtrements de personnages, vagabondant d’une nouvelle à l’autre et passant du premier rôle à celui de figurant, comme autant de manifestations de la relativité de nos vies. Cela commence avec Auguste Palanquin, surnommé Augustin Baraka, qui décide, à 28 ans, de prendre sa vie en main et décide d’acheter un studio pour se livrer à sa passion : le son. Une sympathique agente immobilière l’accueille, elle s’appelle Eva Coppa. On la sent mal à l’aise, mais bon, elle doit bien subvenir aux besoins de sa fille.

Dans la nouvelle suivante, on retrouve Eva, pensive dans son bus bondé. On en apprend un peu plus sur elle, ses rêves d’adolescente, l’alcoolisme du père de sa fille, auteur de pièces incompréhensibles et injouables, sa fille de 15 ans, taciturne et secrète, qui a troqué son prénom Marguerite avec celui de Bob ( !) et vient de se faire renvoyer de sa formation de cuisine. Puis vient le tour de Marguerite-Bob de revêtir le premier rôle… Ainsi s’imbriquent les “antihéros” de Véronique Ovaldé, qui excelle à décrire les relations familiales en prise avec notre société avec, toujours, un brin d’humour à la pointe de sa plume. Un tableau contemporain qui se révèle finalement fort réconfortant et qui vient d’être couronné par le Goncourt de la nouvelle 2024 décerné par les Dix de chez Drouant. Marianne Payot

Riley s’attaque au Vatican

Par Jeff Lindsay, trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Julie Sibony.

Gallimard/Série noire, 482 p., 22 €.

Le deuxième volet traduit en français des aventures de Riley Wolfe, par Jeff Lindsay.

Maître voleur, Riley Wolfe n’a pas son pareil pour dérober les objets les mieux gardés des musées de ce monde, grimés dans des déguisements qui le rendent méconnaissable. C’est ainsi que débute cette histoire, par le vol plein d’audace d’un œuf Fabergé dans le musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg. Mais derrière, les choses se compliquent pour notre escamoteur en chef : capturé, le voici conduit sur une île forteresse, propriété du plus grand trafiquant d’armes au monde, le Français Patrick Boniface. Lequel s’avère être un amateur d’art raffiné, qui n’aimerait rien tant que posséder La Délivrance de saint Pierre, une fresque de Raphaël exposée au Vatican. Wolfe est un homme plein de ressources, mais il s’agit là de voler un mur entier dans l’endroit le plus surveillé du monde. Impossible, donc. Et voilà que le rival de Boniface s’en mêle, qui oblige Wolfe à jouer double jeu, et que le FBI entre à son tour dans la danse.

Deuxième volet traduit en français des aventures de Riley Wolfe, Riley s’attaque au Vatican est un pur roman de genre, à la croisée d’Arsène Lupin et de James Bond. L’écriture de Jeff Lindsay, l’auteur de la série Dexter, ne fait pas dans la fioriture et cherche l’efficacité, à grand renfort de rebondissements en tous genres, jusqu’au tout dernier, particulièrement savoureux. Une bonne rasade d’humour (noir, parfois) aide aussi à apprécier des péripéties trop extravagantes pour être tout à fait crédibles, mais suffisamment rythmées et inventives pour offrir un vrai bon divertissement. B. B.

L’Art du cocktail

Par Frank Meier.

Albin Michel, 176 p., 20 €.

C’est ce qu’on appelle avoir du nez, ou de la suite dans les idées. Après le succès foudroyant du Barman du Ritz de Philippe Collin (55 000 exemplaires vendus depuis le 24 avril selon Edistat), Albin Michel, son heureux éditeur, s’empresse de publier, sous une très élégante couverture cartonnée, The Artistry of mixing drinks, soit les quelque 420 cocktails du fameux barman du Ritz à la fine moustache qui officia au palace de la place Vendôme de 1921 à 1947. Illustré par Delius, ce véritable guide du savoir-vivre en bonne compagnie (à l’époque, Fitzgerald, Hemingway, Cocteau, Guitry ou encore Cole Porter) décline une multitude de mélanges, certains classiques, d’autres originaux (pour les néophytes), souvent exotiques, et toujours aux petits noms de baptême évocateurs (White Lady, Angel’s Kiss, Bijou, Blue Bird, Cooler Zénith, Smash Brandy…) à l’œil comme au goût.

Quelques exemples : Opale : “Au verre à mélange : un tiers de pastis, un autre de vermouth français et un dernier de gin ; bien mélanger et servir.” Pipe Line : “Au shaker : un quart de jus de citron, un autre de liqueur d’abricot, une moitié de rhum ; bien agiter et servir.” Porto Flip : “Au shaker : un œuf frais, une demi-cuillère à café de sucre (facultatif), un verre de porto ; bien agiter, filtrer dans un verre à cocktail double et servir avec de la noix de muscade râpée si souhaité.” Frank Meier l’écrivait dans son introduction : “Un cocktail se doit d’être toujours parfait : il est inconcevable d’en boire un mauvais. Il vaudrait mieux consommer “pur” n’importe lequel des ingrédients entrant dans sa composition plutôt que de les mélanger avec négligence.” Tout en rajoutant, plus loin, à l’intention des noceurs : “Connaissez vos capacités et demeurez dans les limites.” A bon entendeur… M. P.

Et cinq livres de poche

Le Roi et l’Horloger

Par Arnaldur Indridason, trad. de l’islandais par Eric Boury.

Points, 360 p., 8,50 €.

Un roman historique de l’Islandais Arnaldur Indridason.

Il est l’un des chefs de file – avec le Norvégien Jo Nesbo et le Suédois Henning Mankell – du polar nordique, et nous offre avec ce Roi et l’Horloger un roman historique très différent de ses précédents opus. Nous sommes dans l’Islande du XVIIIe siècle, un siècle sombre pour cette lointaine colonie du royaume du Danemark – elle n’acquerra l’autonomie qu’en 1918 et l’indépendance qu’en 1944. Le climat est désastreux, les récoltes mauvaises, la mortalité infantile sans équivalent, et la famine terrible. En cause ? Le monopole royal du commerce et, surtout, l’éruption du volcan Laki en juin 1783. Puis nous voilà à Copenhague, en compagnie de Christian VII, roi bien malmené par son fils, et confiné dans son château de Christianborg.

C’est là, dans les réserves royales, qu’il tombe sur Jon Siversten, un horloger islandais, missionné pour restaurer un chef-d’œuvre d’horloge, miniature de celle de la cathédrale de Strasbourg conçue par le Suisse Isaac Habrecht. Intrigué par Jon, le roi est bientôt fasciné par l’effroyable destin de son père, Sigurdur, trente ans plus tôt : cet homme “honnête et juste”, accusé de fornication et d’usurpation de paternité, fut décapité à la hache, tandis que sa compagne était, elle, condamnée à être noyée, le tout sur ordre du père de Christian VII, le cruel Frédéric V… De scènes islandaises impressionnantes en exquis tableaux de la cour danoise et portraits fignolés (tel celui du poète et naturaliste Eggert Olafsson), Indridason se promène avec maestria dans ce roman historique aussi trépidant et intriguant qu’un bon polar. M. P.

L’Enfant rivière

Par Isabelle Amonou.

Folio, 320 p., 8,90 €.

Au départ, il y a cette idée, originale, de centaines de milliers de migrants états-uniens franchissant les frontières du Canada pour échapper à la guerre civile déclenchée par le réchauffement climatique. Un afflux de réfugiés que le Canada tente d’éradiquer, en capturant, notamment, les mineurs avant de les envoyer en Alaska. C’est dans ce futur très proche (début des années 2030) qu’évoluent Zoé, fille d’une mère autochtone (algonquine), assimilée de force, et Thomas, parisien d’adoption revenu au pays pour enterrer son père. Ils sont séparés depuis six ans, depuis la disparition inexpliquée de leur petit Nathan.

Zoé est persuadée que Nathan est toujours vivant, là, dans la forêt, auprès des mineurs qu’elle traque contre des primes. Thomas n’y croit guère, les retrouvailles sont houleuses. Voilà pour la trame de ce roman qui charrie de (trop ?) nombreuses thématiques – traitement des peuples premiers, dérèglement du climat, migration, inceste… –, mais qui se révèle prenant et généreux. M. P.

Histoire d’un ogre

Par Erik Orsenna.

Folio, 192 p., 7,40 €.

Un “conte” grinçant d’Erik Orsenna.

Histoire d’un ogre ou le portrait cinglant d’un certain Vincent Bolloré. Certes, l’ex-conseiller culturel de François Mitterrand, auteur du savoureux Grand amour (1993), ne cite jamais nommément le patron breton de Vivendi dans son conte à la Voltaire, mais chaque page le désigne, chaque anecdote l’assigne. L’idée d’écrire ce livre, nous confiait-il à sa sortie, début 2023, lui est venue lorsque l’”Ogre” a souhaité “s’emparer de Hachette et lancer Zemmour”… Comment raconter cette dangereuse histoire ? Par le conte, mélange d’allégorie et de précision.

Après lui avoir rendu hommage pour avoir relancé la très belle entreprise familiale de papier, et avoir aussi salué en lui le visionnaire qui s’est lancé dans les véhicules électriques, il évoque sa dérive commencée par le rachat de la compagnie maritime Delmas-Vieljeux, ses démêlés africains, sa tentative de rachat de Bouygues, et sa volonté de puissance dans la presse et dans l’édition avec Vivendi et Hachette… Au passage, il dresse un portrait élogieux de Jean-Luc Lagardère et le grand moment que fut son enterrement, le 20 mars 2003. Orsenna traite également des premières dames de certains pays africains, et de leurs fils aînés… Instructif. M. P.

Terminus Malaussène

Par Daniel Pennac.

Folio, 512 p., 9,90 €.

Terminus Malaussène est le huitième et dernier volume de la saga Malaussène du professeur Pennac, entamée en 1985, vendue à quelque 5,5 millions d’exemplaires et traduite en une vingtaine de langues ! Ainsi donc s’achève cette aventure incroyable, initiée dans la Série noire de Gallimard et poursuivie dans la Blanche. On en était resté à l’enlèvement “artistique” par les trois chenapans Malaussène de Tuc et de son père Georges Lapiéta. Problème : ils se sont fait doubler par Pépère et ses sbires. Pépère ? Le vrai méchant du roman. Avec sa voix douce de vieillard inoffensif aimant le gratin dauphinois, l’homme cache bien son jeu : passé maître dans l’art de la torture et du meurtre, il est à la tête d’une bande de groupies élevées aux pires exactions. Kidnapping, chantage, paris truqués, trafic de jeunes joueurs de foot brésiliens, vente de “bonbons” chinois ou mexicains accélérant la fin de vie…

L’imagination de Pépère est sans fin, tout comme le plaisir de l’auteur “de pouvoir rire des oripeaux du réel”. Car ne nous méprenons pas, Pennac est le champion du détournement : derrière l’extravagance des situations se tapissent des préoccupations très contemporaines : le marché porteur des Ehpad, l’euthanasie, l’arget dans le foot, les malversations des puissants, les affaires que l’on étouffe, la force des réseaux sociaux… M. P.

Elle s’appelait Anne Frank

par Miep Gies, trad. de l’anglais par Anne Damour.

Le Livre de poche, 352 p., 8,90 €.

L’histoire de la femme qui aida Anne Frank à se cacher, par Miep Gies.

Née à Vienne et élevée aux Pays-Bas, Miep Gies est l’une des employées de l’entreprise Opekta du père d’Anne Frank. Pendant deux ans, elle a aidé Anne Frank et sa famille à se cacher des nazis dans un immeuble d’Amsterdam. Le 4 août 1944, la famille est arrêtée et déportée. Miep Gies retrouve alors 300 feuilles volantes éparpillées sur le plancher, plusieurs cahiers et le fameux album à carreaux rouge et blanc offert à Anne le 12 juin 1942, jour de son 13e anniversaire. Miep garde précieusement les manuscrits jusqu’à la fin de la guerre, pour finalement les remettre à Otto, le père d’Anne, le seul occupant de “l’Annexe” à être revenu vivant des camps d’extermination – Anne mourut du typhus fin février-début mars 1945 dans le camp de Bergen-Belsen.

Elle s’appelait Anne Frank : L’histoire de la femme qui aida Anne Frank à se cacher, le précieux témoignage de la “protectrice” des Frank (reconnue comme Juste parmi les nations en 1977), paru en 1987 et dont la traduction a été revue ici, ajoute une pierre à l’édifice mémoriel du 263, Prinsengracht à Amsterdam. Petit rappel : Le Journal d’Anne Frank, traduit en 78 langues, publié dans 192 pays, adapté en bande dessinée, manga, film, pièce de théâtre, podcasts, s’est vendu en France à plus de 4 millions d’exemplaires par Le Livre de poche. M. P.




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