Tentative d’ingérence ? Provocation ? Coup politique ? Des déclarations de la Russie provoquent l’embarras du Rassemblement national, régulièrement taxé de proximité avec Moscou. Mercredi 3 juillet, la diplomatie russe a estimé que le “succès indéniable de l’opposition” en France lors du premier tour des élections législatives anticipées, le 30 juin, et lors des élections européennes, le 9 juin, était une réponse, notamment, au “diktat” de Washington et Bruxelles.

“Le premier tour (des législatives), de même que les élections européennes de juin, ne peuvent être considérés autrement que comme un vote de défiance des Français à l’égard des autorités actuelles, y compris de la politique extérieure de Paris”, a déclaré un porte-parole de la diplomatie russe, Andreï Nastassine, lors d’un briefing.

“Le succès indéniable de l’opposition ne témoigne pas seulement de la polarisation de la société et d’un renforcement de la protestation, mais aussi du fait que grandit dans le pays la demande d’une justice sociale, d’une politique étrangère souveraine répondant aux intérêts nationaux et d’un affranchissement du diktat de Washington et de Bruxelles”, a-t-il poursuivi.

Une photo explicite

Le diplomate, qui n’a pas précisé de quelle opposition il parlait, a assuré que Moscou ne s’ingérait “jamais” dans les élections à l’étranger. “Bien sûr, cela ne veut pas dire que nous restons à l’écart. Nous sommes loin d’être indifférents à ce qui se passe dans un pays (la France, NDLR) qui, il y a quelque temps encore, était considéré à juste titre comme l’une des puissances européennes dirigeantes et était même notre partenaire stratégique”, a-t-il déclaré. “Aujourd’hui, (la France) s’est transformée en l’un des promoteurs d’une guerre destructrice de l’Occident collectif contre la Russie”, a poursuivi Andreï Nastassine, en référence au soutien de Paris à l’Ukraine.

Les déclarations du porte-parole de la diplomatie russe ont été relayées sur le compte X du ministère des Affaires étrangères russe, accompagné d’une photo de Marine Le Pen, tout sourire et triomphante, dimanche soir à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) à l’issue de sa réélection dès le premier tour des législatives. Un autre commentaire est ajouté, encore plus politique : “Les responsables français ne pourront ignorer ces profonds changements d’attitude de la grande majorité des citoyens.”

Une “provocation” pour Marine Le Pen

Dans la soirée, le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a réagi sur X à ces déclarations en affirmant que la Russie y exprimait “sa préférence pour l’élection française”. “Mais ici, ce n’est pas le Kremlin qui décide, c’est le peuple français”, a déclaré Stéphane Séjourné.

Sur TF1, mercredi soir, Marine Le Pen a pris ses distances avec le message embarrassant de Moscou. “Je ne me sens absolument pas comptable des provocations russes à l’égard de la France et à l’égard d’Emmanuel Macron”, a-t-elle indiqué. “Je pense que c’est une provocation et que c’est peut-être aussi une forme d’ingérence. Quand on fait un tweet aussi ostentatoire et provocateur, ça peut s’assimiler à une forme d’ingérence”, a-t-elle souligné, avant de rappeler la position de son parti à l’égard de la guerre de la Russie contre l’Ukraine. “Nous avons été extrêmement clairs : nous allons maintenir notre soutien à l’Ukraine, nous avons donné les limites qui étaient les nôtres, notamment l’envoi de troupes sur le sol ukrainien”, a-t-elle expliqué.

Le président du RN, Jordan Bardella, candidat du parti au poste de Premier ministre en cas de victoire à l’issue du second tour, a lui aussi récemment affirmé qu’il serait “extrêmement vigilant” face aux “tentatives d’ingérence de la Russie”, tout en fixant des “lignes rouges” sur l’envoi de troupes au sol en Ukraine ou “de missiles longue portée ou de matériel militaire” qui pourraient “frapper directement les villes russes”.