Se couper les cheveux à l’européenne, écouter de la musique autre que religieuse, fumer… Autant d’actes anodins devenus des crimes punissables en l’espace de trois ans en Afghanistan, depuis le retour du régime des talibans en août 2021 après à deux décennies de guerre avec les Etats-Unis. Selon le rapport de la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (UNAMA) publié mardi 9 juillet, cette répression menée par “la police des mœurs” réduit drastiquement les droits de l’homme des Afghans, créant un “climat de peur et d’intimidation” à travers le pays. Avec un effet disproportionné sur les femmes et les filles.
Les règles intransigeantes se multiplient à mesure que le ministère de la Propagation de la vertu et de la prévention du vice (MPVPV), créé par les talibans en 2021, légifère sur les interprétations strictes de la loi islamique par les talibans qui devront être appliquées partout dans la société. Ainsi, toute activité “non islamique” est désormais prohibée : comme par exemple, la célébration de la Saint-Valentin, ou l’affichage dans des lieux publics d’images d’humains ou d’animaux, comme sur les publicités. Nombreuses de ces règles sont en réalité des lois déjà en vigueur lors du dernier règne du régime islamiste radical, dans les années 90, de nouveau appliqué sous ce nouveau régime qui avait pourtant affiché sa volonté de prendre ses distances avec ce passé, se présentant comme plus moderne.
Ces règles, parfois uniquement énoncées verbalement, sont appliquées de manière “arbitraire et disproportionnée” ou “imprévisible”, pointe l’ONU. Entre le 15 août 2021 et le 31 mars 2024, l’ONU a documenté au moins 1 033 cas où des officiers talibans avaient utilisé la violence pour faire respecter leurs règles. “Diverses méthodes d’application ont été utilisées, y compris l’intimidation verbale, les arrestations et les détentions, les mauvais traitements et les flagellations publics”, indique le rapport, compilé à l’aide d’annonces publiques et de rapports documentés sur les violations des droits de l’homme.
Les femmes, premières victimes
Les premières victimes de ces interdictions durement punies sont, sans surprise, les Afghanes, dont les droits, accès aux lieux publics et activités sont réduits à peau de chagrin. Les entreprises détenues par des femmes ont par exemple été fermées, ainsi que les salons de beauté qui leur sont dédiés. L’apparition dans les films leur est désormais interdite, tout comme l’accès aux parcs, aux gymnases et aux bains publics. Elles doivent également être accompagnées d’un tuteur homme (un mahram) lorsqu’elles voyagent à plus de 78 kilomètres de leur domicile, détaille le rapport.
Dans un communiqué du mois de juin, le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, Richard Bennet, estimait que “l’institutionnalisation par les talibans de leur système d’oppression des femmes et des filles, et les préjudices qu’ils continuent d’aggraver, devraient choquer la conscience de l’humanité”. Des atteintes “tellement graves et étendues qu’elles semblent constituer une attaque généralisée et systématique contre une population civile, ce qui pourrait constituer des crimes contre l’humanité”, dénonçaient-ils alors.
Le pays tenu de respecter les droits de l’homme
Dans une déclaration, les talibans ont qualifié les critiques de l’ONU d'”infondées” et ont déclaré que les auteurs du rapport “tentaient d’évaluer l’Afghanistan d’un point de vue occidental, ce qui est incorrect”. “L’Afghanistan devrait être évalué comme une société musulmane, où la grande majorité de la population sont des musulmans qui ont fait des sacrifices importants pour la mise en place de la charia”, poursuit le communiqué. Mais le pays est légalement tenu de respecter les droits de l’homme, rappelle l’ONU.
Ce nouveau rapport de la mission onusienne est publié une semaine après qu’une délégation des talibans s’est rendue au Qatar à la fin du mois de juin à l’occasion d’une réunion parrainée par l’ONU dédiée aux défis économiques et aux crises humanitaires du pays. Cette réunion, excluant les femmes, avait suscité un tollé de la part des groupes de défense des droits de l’homme. A son issue, la sous-secrétaire générale de l’ONU pour les affaires politiques et de consolidation de la paix, Rosemary DiCarlo, avait néanmoins qualifié les discussions de “franches” et “utiles”. “Les préoccupations et les points de vue des femmes afghanes et de la société civile étaient au premier plan”, avait-elle assuré.
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