Les travaux auraient dû s’achever en cinq ans. Mais la construction du réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville (Manche), en a duré dix-sept. Le coût du projet, initialement prévu à 3,3 milliards d’euros a, lui aussi, tapé à côté. En 2020, la Cour des comptes estimait le montant total des dépenses pour l’EPR à… 19,1 milliards d’euros.
Alors, quand Luc Rémont – PDG d’EDF – annonce aux 24e Rencontres économiques d’Aix, ce 6 juillet, “l’imminent” lancement de la “divergence” de l’EPR, on se dit que la fin du calvaire est proche.
La mise en route du réacteur de Flamanville
Divergence est un mot de jargon issu des mathématiques. Dans le nucléaire, il correspond à l’initiation de la réaction en chaîne à l’origine de la production d’électricité. “A l’aide d’un neutron, on casse le noyau d’un atome d’uranium 235. En se brisant, ce dernier va libérer trois neutrons qui, projetés sous l’effet du premier choc, casseront d’autres noyaux d’atomes d’uranium 235, provoquant de nouvelles fissions”, résume Emmanuelle Galichet, enseignante-chercheuse au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).
La fission des noyaux provoque un dégagement d’énergie important, sous forme de chaleur. Cette chaleur est utilisée pour faire de la vapeur d’eau entraînant des turbines, qui convertissent le mouvement de rotation en électricité.
“Il y a de l’émotion”, imagine Emmanuelle Galichet, alors que se rapproche le lancement du 57e réacteur du parc français. “Je crois que les équipes sont soulagées. Elles voulaient montrer qu’elles étaient toujours capables de réaliser des chantiers de cette envergure et de cette technicité”, analyse-t-elle.
Avant le lancement de la construction du réacteur de Flamanville, cela faisait presque deux décennies que l’ingénierie nucléaire française ne s’était pas lancée dans un tel chantier. L’édification de Civaux-2, le dernier réacteur mis en service avant Flamanville-3, avait débuté en 1991, sous la présidence de François Mitterrand.
Flamanville-3, nom du nouveau réacteur qui accompagnera les deux déjà présents sur site, est un réacteur de la génération des EPR, conçue pour éviter l’accident de Tchernobyl de 1986. Lors de la catastrophe nucléaire soviétique, le cœur du réacteur avait fondu, soumis à de trop fortes températures. L’EPR a été pensé pour anticiper les surchauffes.
Dans le monde, il y en a trois autres : deux en Chine, un en Finlande. Il s’agira du réacteur le plus puissant du parc français, capable de produire 1 600 MW, soit la capacité des deux anciens réacteurs de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), définitivement fermée en 2020.
Pas de retards supplémentaires en vue
Les ingénieurs en sont à l’étape des derniers “essais à chaud”. Lors de ces derniers, les circuits sont éprouvés aux conditions du fonctionnement du réacteur, à savoir une pression de 150 bars et une température de l’eau avoisinant les 300 degrés Celsius.
La mise en route du réacteur fonctionne comme un vol long-courrier. L’atterrissage et le décollage sont les moments les plus techniques. “La divergence nécessite des opérateurs aguerris pour stabiliser la réaction”, commente la physicienne.
“On en fait depuis cinquante ans. Tous les dix-huit mois, il faut renouveler le combustible de chaque réacteur. A chaque fois, on initie la même procédure”, rassure Emmanuelle Galichet.
Après la divergence, il restera à Flamanville-3 deux autres étapes. Le “couplage”, d’abord, qui symbolise le raccordement au réseau électrique, se fait à 25 % de la puissance du réacteur. Il aura lieu avant la fin de l’été, selon EDF. Enfin, la production à pleine puissance des moyens du réacteur est prévue d’ici la fin d’année 2024. Flamanville-3 sera alors en mesure d’alimenter 3 millions de foyers. Finalement, tout vient à point à qui sait attendre.
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