C’est fou comme la dissolution a vraiment tout clarifié ! Ce second quinquennat est décidément à nul autre pareil. Le dernier remaniement avec Gabriel Attal à sa tête est déjà loin, les élections européennes sont à peine terminées que le président décide de convoquer des élections législatives. Avec le résultat qu’on connait… Plus que jamais, en coulisses, les uns apprennent à esquiver les croche-pattes, les autres se familiarisent avec l’art du complot, bref, tout le monde prépare l’après-Emmanuel Macron avec rigueur et détermination.
Hollande et ses ex-frondeurs : la grande réconciliation
Drôle de scène salle Victor Hugo, à l’Assemblée nationale mercredi 10 juillet. C’est ici même qu’en 2014 les premiers frondeurs socialistes naissent et s’expriment ouvertement contre la direction du quinquennat Hollande. Ils refusent de voter la confiance du gouvernement Valls 1. Parmi eux, Laurent Baumel et Jérôme Guedj, réélus députés le 7 juillet aux côtés de… François Hollande. Tout est bien qui finit bien : les frondeurs de l’époque ont tout oublié, saluant même les mots de l’ancien président ce 10 juillet devant le groupe PS.
“La seule question qui est posée, et celle qui taraude la gauche : est ce qu’on veut gouverner ou pas ?”, a interrogé Hollande. “Avec le Nouveau Front populaire, nous ne sommes pas majoritaires mais si on ne prétend pas gouverner, on le laisse à d’autres. Il faut proposer un Premier ministre triplement acceptable : par les partenaires, par l’Assemblée nationale et par le président de la République. Ni LFI, ni les écologistes ne remplissent ces trois conditions”, a-t-il renchéri sous des applaudissements nourris, avant de conclure : “il faut forcément un socialiste. Tout autre nom est un renoncement à gouverner.”
L’ex reçoit un coup de fil inattendu
Mais à qui parle Emmanuel Macron ? Les socialistes, tendance sociale-démocrate, n’en reviennent toujours pas du silence de l’Élysée. Rien, pas un coup de fil ni même un émissaire du président pour “prendre contact” avec les socialistes, revigorés lors de ces législatives. Même François Hollande, l’ancien président qui avait pour collaborateur (puis ministre) Emmanuel Macron, n’a rien reçu… Ou peut-être si ? Mercredi, l’ancien chef de l’État a eu un appel de Patrice Vergriete, le ministre délégué chargé des Transports. S’il n’est pas le plus influent des caciques de la Macronie, il a cherché à savoir s’il était possible d’envisager des discussions avec Renaissance (comprendre, des prises de guerre vers la Macronie).
Au bout du fil, un sourire de Hollande qui lui rappelle qu’il a été élu sous la bannière du Nouveau Front populaire et ne compte pas y renoncer. Impossible de savoir si Vergriete agissait en service commandé. “Si tel est le cas, alors Emmanuel Macron n’a rien compris”, se désole un ami de Hollande, avant d’ironiser : “On ne traite pas un ancien président en envoyant quelqu’un d’aussi peu influent que Vergriete.”
Le “strike” du président
Emmanuel Macron ? Ce sont ses ministres qui en parlent le mieux. Celui-ci a un titre important dans le gouvernement Attal, il constate : “Le président a déçu très profondément son camp avec la dissolution ; les électeurs du RN ont le sentiment de s’être fait voler la victoire après le premier tour ; les électeurs de gauche ont aujourd’hui le sentiment de se faire voler la victoire. C’est un strike !”
Macron : l’ombre de la démission
Le lendemain du second tour, Emmanuel Macron réunit ses ministres. Deux lignes s’affrontent (encore) sur le sujet de l’attitude à adopter en cas de gouvernement de gauche. Aurore Bergé plaide pour “ne pas les laisser respirer une seconde”. Et la ministre de l’Egalité femmes-hommes de rappeler : “Les élus de gauche nous ont expliqué qu’on avait brutalisé le gouvernement, et eux vont tout faire par décret. Donc il faut leur coller des motions de censure !” Si plusieurs participants semblent approuver cette position, Stéphane Séjourné émet des réserves. “Je suis contre la motion de censure tout de suite, dit le ministre des Affaires étrangères à Emmanuel Macron. Il faut qu’on leur laisse démontrer leur incompétence. Il faut les laisser sinon on va créer de l’instabilité et ils vont réclamer votre démission.” Un scénario qui inquiète plus d’un ministre…
Philippe : accélérer, au cas où…
Edouard Philippe n’aime pas improviser – c’est l’une des raisons qui expliquent qu’il a détesté cette dissolution. Aussi l’ex-Premier ministre se prépare-t-il maintenant à une accélération du calendrier pour la prochaine présidentielle, au cas où… “Il y a une vraie probabilité que ce mandat n’aille pas à son terme, note l’un de ses proches. On ne peut donc pas exclure qu’une élection ait lieu d’ici le début 2025. Ou après une autre dissolution : la première est gratuite, la seconde est fatale.”
Barnier, un philanthrope à Matignon ?
Depuis le second tour des législatives, les offres de service se sont multipliées pour tenter d’amarrer à l’ancienne majorité présidentielle quelques députés de la droite républicaine. Michel Barnier fait partie des “négociateurs” auto-désignés. “Il est très apprécié et respecté par les députés LR, notamment les nouveaux, certifie une ministre issue de la droite. Il a l’un des plus beaux CV de la République.” Alors il s’agite, passe des coups de fil, échange avec Bruno Le Maire, François Bayrou, Valérie Pécresse, le tout en lien constant avec Gérard Larcher. Avec pour objectif de faire barrage à une majorité et donc à un Premier ministre de gauche.
Pour cela, Barnier refuse de parler de coalition mais préfère l’expression “alliance programmatique”, qui a le mérite d’être rassurante pour une droite constructive craignant de se voir avalée par le camp présidentiel en cas d’accord de gouvernement. Présent aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence le weekend du 6 et 7 juillet, l’ancien ministre s’est, selon un participant, montré très affable, échangeant avec les uns et les autres, multipliant aussi les conciliabules. Et si cet élan de philanthropie conduisait Emmanuel Macron à le nommer à Matignon ? “Barnier est un mec respecté par la Macronie parce qu’il est européiste, dit un macroniste des débuts. C’est un mec de droite de gauche.” Triple avantage pour un seul homme. De la dissolution, les observateurs du macronisme retiennent une chose : avec ce président, tout peut arriver.
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