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Attal, Premier ministre et… président de groupe parlementaire : pourquoi ça va coincer


C’était officieux, c’est désormais officiel. Gabriel Attal présidera le groupe des députés Renaissance à l’Assemblée nationale. Le jeune loup du macronisme a reçu l’approbation de 84 députés sur 98 inscrits dans le groupe du camp présidentiel lors d’un vote qui s’est tenu samedi 13 juillet. Un résultat attendu : le nouveau député de Vanves était le seul à avoir déposé une candidature officielle la veille. Gérald Darmanin et Elisabeth Borne, qui lorgnaient aussi sur la fonction, avaient in fine renoncé à croiser le fer avec le Premier ministre.

Car oui, à l’heure actuelle, Gabriel Attal est encore chef du gouvernement de plein exercice. Sa démission présentée à Emmanuel Macron au lendemain du second tour des législatives a été refusée par le président de la République, qui souhaitait le maintenir à Matignon “pour le moment”, afin d’”assurer la stabilité du pays”. Résultat : il est à la fois Premier ministre, député et chef de file d’un groupe politique à l’Assemblée nationale.

De quoi s’attirer les sermons de l’opposition. Invitée sur le plateau de CNews ce lundi 15 juillet, Manon Aubry a qualifié cette situation d’”ubuesque”, dénonçant un “mélange entre le législatif et exécutif”.

Des failles juridiques

Et pour cause, en application du principe inscrit à l’article 23 de la Constitution, “les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire”. Il n’est donc pas possible, en théorie, d’être à la fois ministre et député. “Mais attention, il y a les textes, et il y a la pratique”, souligne Anne Levade, professeure de droit public à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. D’autant que l’histoire politico-institutionnelle l’aura démontré à moult reprises : la politique tord parfois le cou aux règles écrites.

Ce fut par exemple le cas en 1967 et en 1988. Alors que le camp présidentiel disposait d’une majorité – absolue fragile à la fin des années 1960, et relative sous Mitterrand – les députés qui exerçaient des fonctions au sein du gouvernement ont tout de même pu voter à l’élection du président de l’Assemblée nationale. Avec une nuance toutefois, et pas des moindres : dans les deux cas, il s’agissait de gouvernements démissionnaires. Ce qui signifie qu’un décret portant cessation des fonctions du gouvernement avait été signé par le président de la République, et que les fonctions des ministres se limitaient à l’expédition des affaires courantes. Ce qui n’est pas le cas à ce jour.

Vers un gouvernement démissionnaire

“Pour l’instant, cette configuration ne pose pas de réel problème, dans la mesure où les ministres élus députés et Gabriel Attal n’ont pas encore eu à siéger au Parlement”, relativise Thomas Clay, professeur de droit à La Sorbonne. Ainsi, dans le cas où un décret portant cessation des fonctions du gouvernement serait signé par Emmanuel Macron d’ici le 17 juillet, soit la veille de la première séance publique, “les membres du gouvernement élus députés pourront, s’inspirant de la pratique de 1967 et de 1988, participer à l’élection du président de l’Assemblée nationale”, confirme Anne Levade.

Reste à voir si la pratique sera bien reçue par les autres groupes politiques. A la fin des années 1980, l’opposition n’avait pas cherché à contrecarrer la manœuvre de la majorité présidentielle. Pour une raison peut-être : “Il n’existait aucune instance en capacité de constater la méconnaissance de l’incompatibilité des deux fonctions, à l’exception du président de l’Assemblée, qui pouvait saisir le Conseil constitutionnel”. Et aucune ne semble l’être près de quarante ans plus tard. Raison de plus pour le maître des horloges d’accepter la démission de Gabriel Attal, ce “petit frère” à qui il a donné en janvier dernier les clefs de Matignon, et qui pourrait bien être le dernier qu’il aura choisi.




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