L’ambition, ou comment rebondir après une défaite. Le procédé ne date pas d’hier. Chez les Le Pen, ça fait plus de vingt ans qu’on y a recours. Alors, le 9 juillet au soir, ce n’est qu’une gigantesque claque de plus pour le Rassemblement national. Le parti d’extrême droite rêvait encore, quelques jours plus tôt, d’une majorité absolue et d’un Jordan Bardella propulsé à Matignon. Clap de fin. Il n’obtient que 126 députés (125 après l’éviction de l’un d’entre eux pour avoir déclaré que “les Maghrébins n’avaient pas leur place dans les hauts lieux”). 143 avec ses alliés de droite. Le plafond de verre, qu’on croyait largement fragilisé, tient. On rebat les cartes. Voilà les frontistes rétrogradés à la troisième marche du podium, derrière l’alliance de la gauche et celle du centre. Mais comme au lendemain de chaque défaite, Marine Le Pen crie à la victoire. Désormais à la tête du plus gros RN jamais porté à l’Assemblée nationale, la fille de Jean-Marie Le Pen continue de se persuader que son ascension, si elle est retardée, est irrépressible. Mais dans quel horizon se projeter quand une défaite succède à l’autre ? Et comment raconter l’histoire d’une progression quand le barrage républicain continue de fonctionner ? Depuis vingt ans, un sentiment seulement guide l’héritière de l’extrême droite française, celui de la résilience.
Chapitre 1 : L’héritière
Souvent, Marine Le Pen rêve de sa retraite. Elle s’imagine à La Trinité-sur-mer. “Je nous ai déjà réservé des places en Ehpad là-bas, comme ça, on verra la mer”, promet-elle hilare à certains proches. A 55 ans, l’idée lui a traversé l’esprit plus d’une fois. Et si elle pouvait tout arrêter ?
Saut dans le temps. Des cris de joie, impérieux. Et, au milieu de la foule, une jeune femme, en larmes, tombe dans les bras de sa voisine. Nous sommes le soir du 21 avril 2002, Marine Le Pen a 33 ans. Pour la première fois, son père, Jean-Marie Le Pen, vient d’accéder au second tour de l’élection présidentielle, face à Jacques Chirac. L’aboutissement de longues années de combat politique dans les marges de l’extrême droite, et la confirmation que le Front national est en capacité de s’extraire de sa condition groupusculaire.
“La maîtresse de papa.” C’est comme ça que les filles Le Pen désignaient la politique, avec laquelle elles ont toujours dû cohabiter. Marine Le Pen, elle, a fini par en emprunter la voie, presque malgré elle. Pour se rapprocher de son père, d’abord. “Je me suis rendu compte que je n’arriverai jamais à faire venir mon père sur mon propre terrain […]. Donc il fallait que je me rende sur le sien”, écrit-elle dans son autobiographie A contre flots. Alors elle l’accompagne, partout. Dans les cortèges pour réclamer le rétablissement de la peine de mort, dans ses meetings, applaudissant lorsqu’il compare l’immigration maghrébine à “l’avant-garde des Barbares à l’assaut de l’Occident”, sur les plateaux des émissions télévisées. Ce jour de 1987, après que Jean-Marie Le Pen a qualifié les chambres à gaz de “point de détail de la Seconde Guerre mondiale”, c’est Marine Le Pen qui ouvre la porte du logis aux journalistes. C’est à ses côtés qu’elle nourrit le virus de l’engagement. Jusqu’à adopter son statut d’héritière, dans l’ombre du “diable de la République”. Et cette contradiction, toujours. Celle d’accepter l’héritage en voulant le changer, de se construire dans la lignée, mais en opposition.
Social et laïcité, les contours du marinisme
Un jour de 2003, au Mans. Marine Le Pen vient de lancer Génération Le Pen, un organe détaché du Front national qui lui servira de rampe de lancement. Pour son premier colloque, entourée de ses fidèles, elle prend position contre la libéralisation du service public, à rebours du discours antifonctionnaire en vogue, à l’époque, au sein du parti d’extrême droite. Le social, voici donc son cheval de bataille. Un discours qu’elle bâtit en terres nordistes, à Hénin-Beaumont, fief ouvrier rongé par la désindustrialisation. C’est là qu’elle construit son rapport avec le peuple, qu’elle dessine les contours du “marinisme”, ce ni droite ni gauche, pourfendeur de la mondialisation, défenseur de la “République”, de la retraite à 60 ans et teinté d’accents sociaux. Elle en est certaine : il faut débarrasser le Front national de son aura diabolique, lui ôter sa “tunique de Belzébuth”.
Elle candidate donc à la présidence du parti. Prendre la suite de son père, oui, mais sans devenir son clone. En interne, elle fait le ménage, chasse les radicaux, nostalgiques de Pétain et skinheads en tout genre, expurge le parti de son folklore d’extrême droite, dépoussière la vieille boutique. Les anciens renâclent, regardent d’un mauvais œil celle qu’ils surnomment “Marine La Purge”. L’héritière n’en a cure, et poursuit son offensive de normalisation. Mais il manque un élément majeur : un brevet de républicanisme. Pour l’obtenir, elle enfourche un nouveau cheval de bataille : celui de la laïcité.
Une radicalité persistante
16 janvier 2011. Tailleur gris sombre, sévère, et cheveux attachés, Marine Le Pen monte sur scène. Le FN est réuni à Tours pour son XIVe Congrès. La fille du chef prend la parole en tant que présidente du parti, pour la première fois. “Il fautsanctionner toutes les atteintes à la loi de 1905 […] : interdire l’aménagement d’horaires particuliers pour les femmes musulmanes, l’introduction d’interdits alimentaires religieux dans les cantines scolaires, personne ne doit être conduit contre son gré ou à son insu à manger halal.” La laïcité, sauce Marine Le Pen. A la fois gage d’appartenance démocratique et justification d’un virulent discours anti-islam dont elle ne s’est jamais départie.
Polir la forme, oui. Mais sur le fond, la nouvelle présidente du parti d’extrême droite n’a pas l’intention d’abandonner la radicalité de son père. Sur France 2, en 2007, elle soutient la position de Jean-Marie Le Pen, favorable au rétablissement de la peine de mort. A Lyon, en 2010, elle compare les prières de rue des musulmans à une forme “d’occupation”. Sur France 2, encore, en 2012, elle évoque la multiplication des “avortements de confort”. La transition mariniste concerne surtout la façade du parti. Lassée de la diabolisation subie par son père, la nouvelle présidente souhaite arborer une vitrine plus présentable, véhiculer une image plus moderne. Eviter, surtout, tout nouveau dérapage. Et réussir là où son père a échoué : la conquête du pouvoir.
“Au travail spectaculaire des éveilleurs doit maintenant à compter de ce jour succéder celui des bâtisseurs”, clame-t-elle devant un parterre de militants frontistes survoltés à Tours, en janvier 2011. L’ère mariniste devra donc être celle de la revanche pour le vieil appareil lepéniste, ostracisé par ses adversaires, enserré d’un cordon sanitaire depuis des années. Jean-Marie Le Pen, lui, porte un œil dubitatif sur ce nouveau projet, qui s’accommoderait du système plutôt que de le rejeter. Des années plus tard, depuis son bureau de Montretout, il résumera la situation, laconique : “Les femmes Le Pen ont leur propre détermination”.
Chapitre 2 : Un pied dans le système
2011. Marine Le Pen est remontée, et Jean-François Copé en fait les frais. En duplex depuis le siège du FN, elle lui adresse une diatribe bien sentie dont elle a le secret. “Mais quel mépris, quel mépris de cette classe politique… Bien sûr, on préfère être entre énarques, entre hauts fonctionnaires, entre apparatchiks à l’UMP, eh bien tout ça, c’est fini !” Au soir de ce second tour des élections cantonales, le FN a réussi une percée électorale et la présidente du parti, dénigrée par l’ensemble de la classe politique, fustige les représentants du système et les visages de ce qu’elle nomme, à l’époque, “l’UMPS”.
Avance rapide. Jean-François Copé n’en croirait pas ses yeux. Nous sommes en 2023, à l’Assemblée nationale. Dans les gros fauteuils rouges de la salle des conférences, Marine Le Pen tire lentement sur sa cigarette électronique. Elle lève les yeux, interpelle les uns, alpague les autres. “Alors, t’as encore été méchant avec moi sur BFM, hein ?”, lance-t-elle, hilare, à un député LR. “Mais non, mais non”, rougit l’intéressé. Soudain, elle se tourne. Aperçoit Eric Ciotti. Ah, il est temps de parler stratégie. Les représentants de la droite en restent bouche bée. Marine Le Pen, le vilain petit canard du monde politique, devenue taulière de l’Assemblée ? Pincez-les.
La députée du Pas-de-Calais en a fait du chemin, depuis ce soir de second tour. Elle a compris, aussi, que ce système honni pouvait la servir, et que, quitte à le blâmer, autant tenter de l’intégrer. Avec quelques élus, d’abord, à l’Assemblée nationale. Puis un déferlement, en 2022, où elle fait son retour dans l’hémicycle entourée de 88 députés siglés Rassemblement national. Et ça lui plaît. Janvier 2023, dans les salons de la questure, Marine Le Pen savoure. “Je n’ai pas le goût de l’effort inutile, je l’avoue. Je me suis beaucoup ennuyée à l’Assemblée quand on était 6, et à 89, c’est un bonheur en comparaison.” Marine Le Pen s’est même découvert une nouvelle passion : la tactique parlementaire. Dans son bureau, elle passe de longues heures à échafauder des stratégies, entourée de son bras droit Renaud Labaye et de ses députés les plus proches, comme Jean-Philippe Tanguy ou Sébastien Chenu. Comment piéger la Macronie ? Comment forcer la droite à voter leurs textes ? Comment inverser l’accusation d’”extrême” avec LFI ? Et ses adversaires lui reconnaissent un certain talent. A la buvette, de plus en plus de représentants de la droite jusqu’à la Macronie viennent engager la conversation, toucher de près la figure de l’extrême droite.
Les 88 heureux élus, eux, boivent les paroles de la patronne, et votent au gré de ses décisions, doigt sur la couture du pantalon. La discipline, il faut dire que Marine Le Pen a assez peu connu. Au Front national, c’est plutôt le désordre et les batailles de chapelle qui organisaient son quotidien. “Marine est très épanouie, jure un proche. Elle n’a plus à gérer les humeurs des uns, dire non aux autres, elle n’a pas à dire non, Renaud le fait à sa place, et tous les élus lui sont extrêmement reconnaissants. Ici, pas de Gilbert Collard, de Nicolas Bay ou de Marion Maréchal pour nous embêter.”
Chapitre 3 : S’émanciper
Fait notable. Depuis novembre 2022, Marine Le Pen a définitivement lâché la présidence du parti, laissant à Jordan Bardella le soin de gérer les affaires courantes. Il s’en est fallu de peu, après l’élection présidentielle, qu’elle décide de quitter définitivement la partie, usée jusqu’à la corde par les conflits internes. Au soir du second tour, éreintée par la campagne, elle se laisse aller auprès d’une poignée de fidèles. Elle s’assoit, soupire : “Onze ans à la tête d’un asile de fous, c’est long, vous savez…” Alors elle met les voiles. Son épopée politique se construira désormais à distance de l’appareil lepéniste. “Le parti ? Comment voulez-vous qu’elle l’aime ?, commente un proche. Il lui a volé ses parents, son adolescence, l’a faite prisonnière toute sa vie, mais paradoxalement l’a aussi fait vivre.” Il a pourtant fallu couper les ponts. Et la rupture a été salvatrice. Marine Le Pen, désormais, s’occupe d’elle.
“Elle a compris sa propre liberté ces dernières années, commente un membre du premier cercle. Elle n’a plus de gourou, plus de Philippot, personne n’a son cerveau entre les mains. Ça l’a forcée à développer son propre point de vue, et elle est meilleure quand elle est libre.” La Marine Le Pen 2.0 attise la curiosité, au-delà de l’Assemblée. S’afficher publiquement avec la représentante de l’extrême droite française reste un tabou. Alors on passe par des biais détournés. Hommes d’affaires, hauts fonctionnaires, industriels se pressent pour des rencontres dans des appartements tenus secrets ou des restaurants confidentiels. Ils viennent tester cette aspirante au pouvoir. Elle-même accepte la confrontation, prépare méticuleusement ces rendez-vous. La candidate deux fois battue à la présidentielle n’a qu’une chose en tête : prouver qu’elle a changé, travaillé, évolué.
Le parti, comment voulez-vous qu’elle l’aime ?
Un combat qui passe aussi par la modification de son image. Depuis peu, Marine Le Pen accepte de se livrer à une chose qu’elle abhorre particulièrement : évoquer son intimité. Septembre 2021, la campagne présidentielle démarre. Son entourage s’interroge : comment la rendre plus sympathique aux yeux du grand public. “L’univers de Marine est très dur, très enfermant. Il y a une méconnaissance de qui est la femme derrière la marque, on doit l’humaniser, on ne va pas s’arrêter à trois chats et deux plantes vertes”, réclame un intime. Conserver les meetings frontistes, oui, mais les nouveaux venus, comme Caroline Parmentier, Jean-Philippe Tanguy ou Sébastien Chenu l’incitent à participer à des émissions moins traditionnelles. Elle accepte l’émission de Karine Le Marchand. Se laisse convaincre par Jordan Bardella de se rendre chez Cyril Hanouna, se décrispe, peu à peu, jusqu’à ce soir du 5 février 2022, à Reims.
Après un long discours, Marine Le Pen quitte son pupitre et s’avance, sans notes. “Maintenant je vais prendre quelques minutes pour vous parler de moi”, déclare-t-elle avant de revenir, dans un registre très personnel, sur son père, sa famille, ses épreuves personnelles. Quelques minutes plus tard, elle rejoint son équipe dans une cave, lève les yeux, interroge, sourire en coin : “Alors ?” “Elle a tout sauvé en faisant du Marine Le Pen”, résume le député du Pas-de-Calais Bruno Bilde. Voici désormais qu’on aperçoit “Marine derrière Le Pen”. Jadis chasse gardée, son entourage évoque désormais volontiers sa vie privée. “Aujourd’hui je la sens heureuse, elle va être grand-mère, elle a un lien fort avec ses enfants, elle a réparé la relation avec Le Pen, ce sont des pages de sa vie, des chapitres qu’elle ferme, des souffrances sur lesquelles elle a réussi à mettre un mouchoir”, distille un député bien rodé à la communication.
Chapitre 4 : Le cordon plie mais ne rompt pas
Dans les couloirs de CNews, Pascal Praud est confus. La campagne présidentielle de 2022 s’est achevée, Marine Le Pen a réalisé son meilleur score au second tour, réunissant 41 % des voix. “Je sais que j’avais dit que vous feriez 20 % et Eric Zemmour 10 %, mais vous savez bien que je raconte n’importe quoi !”, s’esclaffe le présentateur auprès d’un membre de l’équipe mariniste. Même Vincent Bolloré, chantre de l’extrême droite conservatrice, aurait changé d’avis sur la candidate du RN. “Il a bien vu que Zemmour et Marion [Maréchal], ça ne payait pas électoralement, donc nécessité fait loi”, croit savoir un député. La sphère médiatique de Vincent Bolloré, qui avait tendance à déconsidérer Marine Le Pen, finit par lui manger dans la main. Les jeux de cour se cantonnent encore à CNews, et la frontiste continue d’assurer, quand elle se rend sur une émission du service public, que tout ira mieux une fois qu’elle l’aura privatisé.
Mais à droite aussi, le barrage fissure. Eric Ciotti, qui a pourtant consacré une partie de sa carrière politique à décrédibiliser le parti d’extrême droite, choisit de venir grossir les rangs lepénistes, accompagné seulement de quelques élus. Et Marine Le Pen se délecte de voir quelques représentants de la droite républicaine, responsables en partie de son ostracisme, venir à elle la queue entre les jambes. La résilience, ce long chemin de croix. Voici treize ans que Marine Le Pen mûrit son projet de normalisation. A ses troupes, elle a coutume de dire “Patience, l’artichaut se mange feuille par feuille”. En 2022, déjà, devant un petit cercle de journalistes, elle prévoyait l’effondrement de son adversaire Zemmour, et prévenait : “Je serai encore là post 2022, s’ils pensent que je vais disparaître d’un coup de baguette magique, ils se mettent le doigt dans l’œil.” Les frontistes en sont persuadés : cette fois, le cordon sanitaire va sauter.
Rechutes et dérapages
Marine Le Pen en a fait, d’ailleurs, des efforts pour s’adapter. Accepter d’ajuster des pans entiers de son programme, renier certaines idées du parti d’extrême droite. Plus question de rétablir la peine de mort, remettre en cause l’avortement, interdire la binationalité. Lisser, rassurer. Tant que l’on conserve les fondamentaux. Le cœur historique du FN : la préférence nationale. Et la persistance, aussi, d’un virulent discours anti-islam. “Quand on regarde le fond de ses idées, elle n’a pas changé, jure aujourd’hui Bruno Bilde. Sur l’islam, elle a toujours été très raide.”
Mais la stratégie ne paie pas. Et au soir du 7 juillet, voilà Marine Le Pen, Jordan Bardella et le RN face au barrage républicain. Qu’est-ce qui a donc entravé cette quête de respectabilité ? Les dérapages racistes, antisémites ou complotistes systématiques des candidats frontistes ? Les failles béantes, visibles plus que jamais pendant cette courte campagne législative, remplie de contradictions, d’approximations programmatiques ? L’incapacité, aussi, de Marine Le Pen de se défaire de certains anciens réflexes ? Car parfois, derrière la chevelure blonde de la fille, pointe le verbe du père. Comme ce jour de janvier 2023. En déplacement dans le Pas-de-Calais, Marine Le Pen est accueillie par un chœur de chanteurs, qui entonnent Le Chant des partisans. “Ah ! J’aime les bolchos quand ils chantent, c’est là qu’ils sont le moins chiants !”, s’exclame la frontiste, ravie. Il lui arrive encore de citer les classiques de l’extrême droite, comme Le Camp des saints, de Jean Raspail, qu’elle conseille, en marge d’une rencontre avec la presse en septembre 2023, de relire, considérant qu’il retrace “l’histoire du renoncement, la préfiguration de soumission”.”. De vieux réflexes persistent aussi. Comme celui d’interdire encore l’accès à ses événements à certains journalistes, notamment ceux de l’émission Quotidien. “Vous savez je suis chez moi, donc dans mon QG et dans mon mouvement c’est moi qui décide”, assure-t-elle en avril 2022 à Libération.
Marine Le Pen et son “mur de Berlin”
C’est peut-être un mélange de tout ça. Quoi qu’il en soit, le cordon sanitaire plie, mais ne rompt pas. Après la défaite de son père en 2002, Marine Le Pen a pris l’habitude d’évoquer l’épisode en parlant de son “mur de Berlin”. Aujourd’hui, malgré les coups de fil sous le manteau, les dîners avec Edouard Philippe et Sébastien Lecornu et les félicitations furtives dans les couloirs de l’Assemblée, il se dresse plus que jamais devant elle. “La vérité, c’est que ça fait quinze ans qu’elle enchaîne les défaites, et qu’elle est condamnée à ce destin”, veut croire un ancien proche. “Elle pourra toujours habiller la mariée, en politique française, un Le Pen restera un Le Pen”, assure un cadre de la droite. Cette défaite, pourtant, Marine Le Pen n’en portera pas la responsabilité. Jordan Bardella a assuré qu’il en prendrait sa part. La députée du Pas-de-Calais, elle, a réinvesti son bureau à l’Assemblée, désormais à la tête du plus gros groupe de l’histoire du parti d’extrême droite, avec 2027 en ligne de mire.
“Si le barrage a tenu cette fois, la prochaine sera la bonne”, se bornent à répéter ses proches, qui souhaitent que la leader frontiste incarne un “pôle de stabilité” face à une coalition incapable de s’accorder sur le fond, et jurent qu’ils se tiennent prêts en cas de démission d’Emmanuel Macron ou de nouvelle dissolution dans un an. Mais se pose, aussi, la question du renouvellement. “Comment faire encore rêver quand on enchaîne les désillusions ?” s’interroge un cadre. “Il faut passer à autre chose que la phase parlementaire, commente un proche. Il faut mettre en place un nouveau récit, et ce qui est intéressant avec Marine Le Pen, c’est qu’elle ne joue jamais la même pièce.” Le costume de la cheffe de l’opposition parlementaire serait-il déjà usé ? Quelle histoire raconter encore, pendant les prochains mois ? Marine Le Pen réussira-t-elle à voir la mer depuis sa fenêtre du Palais Bourbon ?
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