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Mali, Sénégal… Comment la guerre en Ukraine provoque un regain de tensions en Afrique


C’est un revers cuisant, qui pourrait avoir des répercussions internationales plus larges. Il y a de cela une dizaine de jours, la junte militaire malienne, soutenue par les mercenaires russes de Wagner, a subi l’une de ses plus lourdes défaites dans le nord du pays. Face à eux, une alliance de séparatistes touaregs, le CSP-DPA, qui assure avoir attribué à Wagner “84 morts en état d’être comptés” et aux Famas (forces armées maliennes) “47 morts”. Mais aussi des groupes djihadistes qui ont également profité de l’occasion pour infliger de lourds dégâts à l’alliance entre l’armée malienne et les soldats russes.

Mais alors que le régime militaire d’Assimi Goïta, comme Wagner, redoublaient de communiqués pour expliquer ce revers, notamment imputé à la météo, une déclaration est venue leur apporter une justification sur un plateau : celle du porte-parole du renseignement militaire de l’Ukraine, Andriy Yusov. A la télévision ukrainienne, celui-ci a tenu des déclarations affirmant que les forces de Kiev avaient joué un rôle dans cette bataille largement remportée par les séparatistes touaregs. “Le fait que les rebelles aient reçu les données nécessaires qui leur ont permis de mener à bien une opération contre les criminels de guerre russes, a déjà été observé par le monde entier. Bien entendu, nous ne divulguerons pas les détails. Plus d’informations à venir ici aussi”.

Il n’en fallait pas plus pour que la junte malienne se saisisse de cette opportunité. Ainsi, dans un communiqué publié ce dimanche, le gouvernement du Mali affirme avoir “pris connaissance, avec une profonde stupeur, des propos subversifs par lesquels Andriy Yusov, porte-parole de l’agence ukrainienne de renseignement militaire, a avoué l’implication de l’Ukraine dans une attaque lâche, traître et barbare de groupes armés terroristes ayant entraîné la mort d’éléments des Forces de Défense et de Sécurité maliennes”, a dénoncé le porte-parole du gouvernement malien, Abdoulaye Maïga.

Ajoutant qu’à leurs yeux, ces actes “violent la souveraineté du Mali, dépassent le cadre de l’ingérence étrangère, et constituent un soutien au terrorisme international”, ces derniers ont donc annoncé rompre leurs relations diplomatiques avec l’Ukraine. Un choix qu’a fustigé l’Ukraine, dénonçant une décision “à courte vue et précipitée”.

“La nature néonazie et scélérate des autorités ukrainiennes”

Ces déclarations du gouvernement malien vont dans la logique du grand rapprochement de la junte militaire d’Assimi Goïta avec la Russie depuis sa prise de pouvoir en 2022. Celle-ci avait fait le choix de totalement rompre avec l’ancienne alliance avec la France et ses partenaires européens pour se tourner militairement et politiquement vers la Russie.

La suite du communiqué du gouvernement malien fait d’ailleurs assez peu de doutes sur la volonté assumée du régime d’Assimi Goïta de se rapprocher encore davantage de Moscou, reprenant les éléments de langage les plus outranciers du Kremlin envers Kiev. Ces derniers ont ainsi affirmé qu’ils adhéraient “totalement au diagnostic établi par la Fédération de Russie qui a pourtant mis en garde le monde, depuis des années, sur la nature néonazie et scélérate des autorités ukrainiennes, aujourd’hui alliées du terrorisme international, loin des aspirations de paix et de stabilité du peuple ukrainien”.

Outre le Mali, ces déclarations du porte-parole du renseignement ukrainien ont suscité la colère d’un autre pays de la région : le Sénégal, gouverné depuis avril dernier par Ousmane Sonko. Ce samedi, les nouvelles autorités sénégalaises ont ainsi indiqué avoir convoqué l’ambassadeur d’Ukraine à Dakar, ce dernier ayant republié sur le réseau social X les propos du porte-parole du renseignement ukrainien à propos du conflit au Mali. “Constant dans sa position de neutralité constructive dans le conflit russo-ukrainien, le Sénégal ne peut tolérer une quelconque tentative de transférer sur son territoire la propagande médiatique en cours dans ce conflit”, a déclaré le ministère sénégalais des Affaires étrangères dans un communiqué.

“Nous avons des liens avec les Ukrainiens”

Kiev, simple bouc émissaire de la défaite écrasante de l’armée malienne et des forces de Wagner ou bien véritable partie prenante du conflit au Sahel ? Si leurs forces n’ont probablement pas drastiquement bouleversé l’équilibre des forces dans une région où les séparatistes ont toujours infligé d’importants dégâts à leurs adversaires, il fait peu de doutes que le renseignement ukrainien semble bien avoir collaboré avec ces derniers. Outre les propos de Yusov, assez univoques, le soutien de Kiev a été confirmé par un porte-parole de l’alliance militaire touareg du CSP-DPA, Mohamed Elmaouloud Ramadane, dans les colonnes du Monde. “Nous avons des liens avec les Ukrainiens, mais comme nous en avons avec tout le monde, Français, Américains et autres”, affirme-t-il ainsi.

Le journal français affirme également qu’au-delà d’échanges de renseignement, des rebelles touaregs auraient également été formés par les services secrets ukrainiens à l’utilisation de drones explosifs artisanaux, arme très prisée des forces de Kiev dans sa guerre contre la Russie. Une dernière preuve ne trompe pas : le lundi 29 juillet, le journal ukrainien The Kyiv Post a ainsi relayé une photo exclusive d’un groupe de rebelles touaregs posant avec un drapeau ukrainien, à la suite de leur victoire face aux forces de Wagner.

Une volonté de Kiev de contrer la Russie en Afrique

Cette volonté de combattre l’influence des paramilitaires russes de Wagner ne s’arrête d’ailleurs pas au Mali. Des forces ukrainiennes avaient ainsi également été repérées au Soudan dès la fin du mois de septembre pour combattre les paramilitaires russes présents près de la capitale Khartoum, comme l’expliquait L’Express. Toujours selon le Kyiv Post, les forces ukrainiennes auraient également apporté leur soutien militaire aux rebelles syriens afin de combattre les paramilitaires russes, associés au régime de Bachar al-Assad.

Mais l’Afrique semble rester une priorité diplomatique de Volodymyr Zelensky et de l’Ukraine, qui avait annoncé l’ouverture de pas moins de six ambassades sur le continent au printemps dernier, en Côte d’Ivoire et en République démocratique du Congo, mais aussi au Ghana, au Botswana, au Mozambique et au Rwanda. Le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kouleba, a d’ailleurs entamé au Malawi ce lundi 5 août sa quatrième tournée diplomatique en Afrique, alors qu’il se rendra également en Zambie et à l’île Maurice. Le signe que la lutte entre Russie et Ukraine en Afrique n’est avant tout pas militaire, mais surtout une question d’influence pour s’assurer des soutiens sur la scène internationale.





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