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Amélie Oudéa-Castéra : “Nous avons notre place dans le concert des meilleures nations sportives”


Des Jeux célébrés dans le monde entier et une cinquième place française au classement des médailles. La ministre démissionnaire des Sports, Amélie Oudéa-Castéra a conclu les JO de Paris avec le sentiment du devoir accompli. Elle revient pour L’Express sur le bilan de l’événement, crucial pour “l’influence de la France dans le monde”. Entretien.

La France a terminé à la cinquième place du classement des nations, récoltant 64 médailles, dont 16 en or. Quel bilan sportif tirez-vous des Jeux olympiques de Paris ?

Notre première satisfaction est d’avoir battu, de très loin, le record de 43 médailles établi à Pékin. Nous en avions obtenu 33 à Tokyo en 2021. Notre ambition d’être dans le Top 5 suscitait du scepticisme il y a encore quelques mois, nous y sommes. Nous avons notre place dans le concert des meilleures nations sportives, avec des médailles obtenues dans 27 disciplines. C’est la plus grande polyvalence au monde, après celle des Etats-Unis. Cette dimension universaliste du modèle sportif français avait été pensée par le général de Gaulle, nous lui donnons aujourd’hui toute sa force. Après Tokyo, on s’était interrogé sur l’opportunité de concentrer les moyens sur moins de disciplines, à l’instar de ce qu’avaient fait les Anglais. Mais nous ne l’avons pas fait, et bien nous en a pris.

Reste le sujet de l’or, une déception. La France en obtient 16, loin des 29 récoltés par la Grande-Bretagne à Londres en 2012. Comment expliquer cette différence ?

C’est vrai que notre résultat sur ce plan, qui est déjà historique, aurait pu être encore plus exceptionnel. Notre proportion de médailles d’or est moins élevée que celle d’autres nations, comme l’Australie et le Japon. Aucun des “or” que nous avons obtenus n’est une surprise ; certains de nos “argent” auraient pu être des “or” et nos “bronze” correspondent parfois à de petites déceptions par rapport au talent de nos athlètes.

Cet enjeu de la conversion à l’or, c’est-à-dire cette capacité à se hisser plus souvent sur la plus haute marche du podium, nous allons continuer à le travailler. C’est aussi un défi culturel. Il existe parfois chez les Français une petite prime au panache, nous voulons vivre des moments romantiques dans le sport, mais progressivement il faut qu’on évolue pour se dire : “non, il faut gagner et jusqu’au bout”. Nous avons enclenché ce travail culturel, d’où la vertu de l’objectif affiché d’être dans le Top 5, qui se fonde sur l’or.

La France sort d’une parenthèse enchantée de quinze jours. Cette ferveur n’est-elle pas vouée à s’éteindre ?

On ne tardera sans doute pas à être rattrapés par des récupérations politiciennes, ou à être face à des gens qui viendront attaquer le bilan des Jeux. Mais ceux qui nous attaqueront devront être bien armés, car nous sommes affûtés pour répondre, compte tenu du travail fait, même si tout évidemment peut toujours être amélioré. Cette joie mémorable et ces images les plus spectaculaires de tous les temps resteront dans nos mémoires. Ces Jeux sont la démonstration qu’un travail intense en équipe, dans l’arc républicain et avec les forces de la société civile, permet d’atteindre de très hauts objectifs. Comme, par exemple, la baignabilité de la Seine. La France doit prendre conscience de sa capacité à faire de grandes choses. Cela doit nous donner envie de rééditer ce type d’aventures et de mettre le sport au cœur de la vie de la nation.

Faut-il s’attendre à un effet sur la pratique sportive des Français ?

Il sera significatif. Nous avons préparé des plans d’accueil, en lien avec les fédérations, pour être prêts à absorber le flux de nouveaux licenciés. Nous avons déjà 3,5 millions de pratiquants réguliers supplémentaires depuis 2017, et je pense que nous en aurons encore environ 3 millions de plus grâce à l’élan des Jeux. Des investissements ont été réalisés pour que les équipements soient prêts. Et pour aider les clubs sur le plan des ressources humaines.

Transport, sécurité… L’organisation avait suscité beaucoup d’inquiétudes ces derniers mois, il n’y a finalement pas eu de mauvaises surprises. Qu’est-ce qui a permis d’être au rendez-vous ?

Une pléiade de facteurs a permis de réussir ce pari. La qualité de la gouvernance entre l’Etat, la région Ile-de-France, la RATP, la SNCF, Aéroports de Paris, la métropole du Grand Paris, la Ville de Paris, les préfets, la préfecture de police de Paris, avec une coordination parfaite et une qualité de planification inédite. Mais aussi la qualité du dialogue social, pour sécuriser la présence de toutes les forces vives, les conducteurs de métro, de trains, de tramway, l’ensemble des personnels dans les gares, aux abords des stations et à proximité des sites pour fluidifier l’acheminement des spectateurs.

J’ajouterais aussi la création d’outils numériques comme la plateforme Anticiperlesjeux.fr et les nouvelles infrastructures telles que l’extension de la ligne 14 au nord vers Saint-Denis et au sud vers Orly.

Sur le plan financier, peut-on d’ores et déjà dresser un bilan ?

Ces Jeux ont été remarquablement tenus en termes budgétaires. Le dépassement va se limiter à 15 % pour le budget du comité d’organisation et à 2 % hors inflation pour celui de la Solideo, la structure qui a piloté la construction des ouvrages olympiques et paralympiques. Ce ne seront pas les JO les moins chers de l’histoire, on se situe dans la moyenne, mais nous sommes très loin des plus onéreux. Nous sommes aussi parmi ceux qui ont le moins dévié de l’objectif initial. Rappelez-vous, Londres avait triplé le budget annoncé avant la tenue des épreuves, partant de 3,7 milliards de livres pour finir entre 11 et 12 milliards.

Notez aussi que le budget du comité d’organisation, de 4,4 milliards d’euros, est financé à 96 % par des fonds d’origine privée. Ce qui montre ce que l’on est capable de faire sans appel à l’argent public. Pour le budget de construction, d’environ 4,4 milliards aussi, la répartition public/privé est pratiquement de 50/50. Mais en face de tous les financements publics, on a des ouvrages pérennes : 4 000 logements en Seine-Saint-Denis, dont 40 % de logements sociaux, de nombreux équipements sportifs, dont 18 bassins de natation aménagés ou rénovés en Seine-Saint-Denis.

Quelles retombées économiques attendez-vous pour la France, à court et moyen terme ?

Avant les Jeux, avant toute cette ferveur, le Centre de droit et d’économie du sport avait produit une étude indépendante. Son scénario central prévoyait des retombées dans les mois suivant l’événement de 9 milliards d’euros pour la seule région Ile-de-France. A l’échelle de la France entière, avec les moteurs de la réussite sportive et de la confiance que ça nous donne, on devrait aller au-delà des 0,3 point de croissance supplémentaire qu’avait prévu l’Insee pour le troisième trimestre, grâce à cet effet “PIB du bonheur”.

Paris 2024, ce furent les JO de toute la France ?

Ce sont les Jeux les plus décentralisés de l’histoire : 73 collectivités hôtes, 166 fan zones dans toute la France, et jusqu’en Polynésie. Plus de 500 000 personnes auront été invitées par l’Etat et les collectivités à assister gratuitement à des épreuves. Cela illustre la dimension d’embarquement populaire, qui va se prolonger avec les Jeux paralympiques, puisque l’Etat y invite près de 200 000 scolaires en plus d’étudiants et de jeunes défavorisés.

Les Jeux en plein Paris et la cérémonie d’ouverture ont renforcé la visibilité de la France dans le monde. Quel bilan pour ces Jeux en termes de soft power français ?

La cérémonie d’ouverture a exprimé du panache et de génie créatif. Elle a permis de montrer à quel point notre pays est talentueux. Aussi, elle a souligné combien il est capable de porter une forme d’audace dans une volonté authentique d’inclusion. C’était hors des sentiers battus. La cérémonie a mêlé de manière inédite le protocole, l’artistique et la parade des athlètes.

Cela rebat les cartes de ce type d’exercice et c’est important pour l’influence de la France dans le monde. Nous avons créé un environnement qui a permis d’être au rendez-vous de la concorde entre les nations, en accueillant des Russes ou des Biélorusses sous le statut d’athlète neutre ou en faisant participer Israéliens ou Palestiniens dans une même compétition. Nous avons tenu la promesse coubertinienne, qui fait du sport un espace de rapprochement des peuples autour de valeurs universelles.

La vasque olympique va-t-elle rester dans Paris ?

Le président de la République est attentif à l’héritage des Jeux, et à leur trace mémorielle. Cela vaut pour les infrastructures créées et les équipements sportifs. Les bassins de Nanterre, théâtre des exploits de Léon Marchand, vont profiter aux enfants de Bagnolet ou de Sevran. Cela vaut aussi pour les anneaux de la tour Eiffel, la vasque ou les statues dédiées aux femmes de la cérémonie d’ouverture. Nous regardons la faisabilité matérielle de l’ancrage de tous ces éléments. S’agissant de la vasque située dans le jardin des Tuileries, nous devons préserver un alignement architectural le long des Champs-Elysées, jusqu’à la pyramide du Louvre, il faudra trouver une solution. Mais la volonté politique est là, au plus haut niveau de l’Etat, de faire vivre ces symboles.

Entre la dissolution de l’Assemblée et votre passage tumultueux au ministère de l’Education nationale, vous auriez pu ne pas représenter le gouvernement lors de ces Jeux. Avez-vous l’impression d’être une miraculée ?

Je ne le vis pas du tout comme ça. Au regard des épreuves que j’ai traversées, je n’ai pas le sentiment d’avoir eu de la chance. Plutôt l’inverse. Mais j’ai beaucoup de résilience, et je me suis “arrachée” au service de mon pays jusqu’au dernier moment. Au sein de notre équipe gouvernementale, j’ai joué un rôle de numéro 10, j’ai distribué le ballon, marqué quand c’était mon tour, notamment sur le volet sportif. Malgré les attaques dont j’ai été l’objet, j’ai conservé cet esprit d’équipe auquel je tiens tant, et j’en suis très fière.




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