Un meeting en Pennsylvanie ce mardi en compagnie de son colistier, Tim Walz. Deux interventions dans le Wisconsin et dans le Michigan ce mercredi. Puis des déplacements en Géorgie, dans l’Arizona et le Nevada d’ici la fin de semaine. Kamala Harris a un objectif clair cette semaine : partir convaincre les électeurs dans les Etats-clés de cette élection présidentielle américaine, les fameux “swing states”. La candidate démocrate et son potentiel futur vice-président sont d’ailleurs talonnés par le colistier de Donald Trump, J.D. Vance, qui se déplace dans les mêmes Etats cette semaine.
Tous les quatre ans, le système électoral américain au winner takes all – le camp qui arrive en tête dans un Etat remporte l’entièreté des grands électeurs de ce dernier – nous fait le même rappel : l’élection présidentielle américaine ne se joue en réalité que dans une poignée de régions. Alors que certains Etats sont presque assurément gagnés pour l’un des deux camps, comme la Californie pour les démocrates ou l’Utah pour les républicains, tout l’enjeu de ce scrutin réside dans ceux où le niveau de soutien est quasi équivalent entre les deux blocs, et qui peuvent donc basculer d’un côté ou de l’autre.
La grande majorité des experts électoraux américains dégagent ainsi sept Etats clés pour cette élection 2024 : la Pennsylvanie, le Michigan, le Wisconsin, l’Arizona, la Géorgie, le Nevada et la Caroline du Nord. Toutes ces régions avaient été remportées par moins de 3 % d’écart entre les deux camps en 2020, et devraient également encore se jouer à une poignée de voix cette année. L’Express fait le point sur ce qui fait la spécificité et l’enjeu de ces Etats, qui accaparent la majorité du temps des deux candidats.
Dans la “Rust Belt”, réindustrialisation et inflation
La Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin. Ces trois Etats du nord-est américain partagent un point commun : symboles de la large victoire de Donald Trump en 2016, ils avaient tous les trois rebasculé de justesse dans le camp démocrate en 2020, et furent déterminants dans le court succès de Joe Biden. Une nouvelle fois, ces trois Etats du “Midwest” américain seront absolument cruciaux dans cette campagne 2024 pour la présidence.
Ils font partie de ce qui est souvent appelé la “Rust Belt”, le cœur industriel historique des Etats-Unis, appauvris par des décennies de désindustrialisation et de paupérisation. Et si Joe Biden a réinjecté des centaines de milliards de dollars durant son mandat pour relancer l’économie de la région, d’autres problèmes économiques, notamment la très forte inflation, ont également durement touché la population.
Ce n’est évidemment pas un hasard si Donald Trump comme Kamala Harris ont fait le choix d’un colistier venu de ce “Midwest” américain. Pour le premier, J.D. Vance, sénateur de l’Ohio, est censé incarner le relais d’une Amérique rurale, blanche, délaissée par le gouvernement de Washington. Pour la seconde, Tim Walz, gouverneur du Minnesota, doit justement apporter une touche moins urbaine et proche des préoccupations de la classe ouvrière.
Mais ces trois Etats répondent également à des dynamiques propres. Le Michigan fut notamment l’un des pôles majeurs de la protestation contre la guerre à Gaza et le soutien de Joe Biden à Israël. Ainsi, lors des primaires démocrates en février, plus de 100 000 électeurs avaient choisi l’option “non engagé” sur leur bulletin de vote, l’équivalent d’un vote blanc, afin de montrer leur opposition et leur colère contre la politique de la Maison-Blanche au Proche-Orient. La voix voulue plus ferme de Kamala Harris envers Benyamin Netanyahou pourrait changer la donne. Même si la candidate démocrate a été sifflée et chahutée par des manifestants pro-Gaza cette semaine lors de son discours à Detroit, la plus grande ville de la région.
Le Wisconsin, historiquement terre démocrate, pourrait également tomber dans le camp républicain, comme en 2016. Donald Trump l’a bien compris, affirmant que “si nous gagnons le Wisconsin, nous gagnerons tout le reste”. C’est à Milwaukee, la plus grande ville de l’Etat, que s’est d’ailleurs tenue la convention républicaine officialisant la candidature de Donald Trump. Et c’est aussi là-bas que Kamala Harris a tenu son premier grand meeting de campagne.
La Pennsylvanie, enfin, est l’un des Etats les plus importants à remporter, au vu du poids électoral qu’il représente. De quoi mobiliser les candidats physiquement – c’est dans cette région que Donald Trump a frôlé la mort lors de la tentative d’assassinat à son encontre -, mais aussi financièrement. Selon le média américain Axios, près de 211 millions de dollars de publicité auront ainsi été dépensés par les deux camps rien que dans cette région, 109 millions pour les démocrates, 102 millions pour les républicains. Si Josh Shapiro, le populaire gouverneur démocrate de la région, a longtemps été pressenti pour devenir le colistier de Kamala Harris, c’était également dans l’optique de faire basculer l’Etat du côté bleu. Une chose est sûre : le candidat qui remportera la Pennsylvanie le 5 novembre prochain aura fait un pas très important vers la Maison- Blanche.
Dans la “Sun Belt”, la question migratoire au centre du jeu
Il n’y a pas que le nord du pays qui sera déterminant pour l’issue du scrutin du 5 novembre prochain. Plusieurs Etats de la “Sun Belt”, la bande sud du pays, se joueront également vraisemblablement à une poignée de voix.
C’est notamment le cas de l’Arizona : en 2020, cet Etat avait basculé pour la première fois démocrate depuis 1996, avec un écart de seulement 10 000 voix entre Joe Biden et Donald Trump. Les sondages sont une nouvelle fois extrêmement serrés entre Kamala Harris et Donald Trump, pour cet État à la frontière du Mexique où les débats sur les questions d’immigration sont omniprésents.
Le Nevada, à la frontière nord-ouest avec l’Arizona, devrait également être un Etat pivot du scrutin de novembre prochain. Alors que plus de 30 % de la population de la région est hispanique, le sujet migratoire pourrait avoir moins d’importance que les questions économiques. Un exemple illustre les difficultés rencontrées par la population : selon des chiffres du média américain Bloomberg, alors qu’un foyer moyen du Nevada dépensait en moyenne 19 % de son budget mensuel pour rembourser son emprunt immobilier, ce chiffre a grimpé à 36 % en 2023. De quoi forcément provoquer des inquiétudes, auxquelles Kamala Harris devra répondre pour espérer conquérir l’électorat de la région.
La Géorgie avait été l’une des grandes surprises de l’élection présidentielle de 2020. Basculant dans le camp républicain lors de huit des neuf derniers scrutins présidentiels, Joe Biden l’avait emporté par un peu plus de 0,2 % il y a quatre ans, marquant l’un des tournants du scrutin. Un succès expliqué par certains par la très forte proportion d’Afro-Américains dans la région, qui pèsent pour près de 33 % de la population ; un électorat sur lequel compte bien s’appuyer Kamala Harris pour faire de nouveau basculer la région en bleu. Les sondages sont pour l’instant toujours en faveur de Donald Trump, mais son avance a fondu depuis le retrait de Joe Biden.
Enfin, la Caroline du Nord pourrait être le dernier Etat clé à faire basculer pour remporter le scrutin du 5 juillet prochain. Remporté par moins de 75 000 voix d’écart par Donald Trump en 2020, l’ex-président américain y est toujours en tête dans les sondages. Mais là aussi, son avance fond depuis la candidature de Kamala Harris, dans un Etat où les électeurs indépendants – n’étant pas affiliés à l’un des deux partis hégémoniques – représentent près de 37 % du corps électoral. Selon le magazine américain Time, Kamala Harris a ainsi prévu de doubler son effectif de campagne dans cet Etat, comme en Arizona. Un signe que son camp croit en ses chances de victoire dans cet Etat qui n’a basculé démocrate qu’une seule fois lors des 44 dernières années.
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