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Paris 2024 : ces dix personnalités (non-sportives) qui ont fait les JO


Des décideurs têtus et des exécuteurs inspirés. En offrant au monde des Jeux olympiques spectaculaires, de la cérémonie d’ouverture inédite sur la Seine au décor majestueux de nombreuses épreuves, les organisateurs ont montré ce que, parfois, l’esprit français peut offrir de meilleur : une vision audacieuse, “en dehors de la boîte”, concrétisée par une application à la fois méticuleuse et créative. Tony Estanguet et Emmanuel Macron sont les premiers architectes de ce succès, mais derrière eux, une ribambelle de responsables publics, de gauche, de droite, du centre, des hauts-fonctionnaires, auront permis de rendre l’évènement inoubliable. Nous avons retenu dix personnalités, titulaires indiscutables de l’équipe de France des Jeux olympiques.

Tony Estanguet, le chef d’orchestre

Durant son discours le 26 juillet, il disait : “Les Français ne sont jamais d’accord sur rien.” Ils le sont désormais sur lui. Oubliée la polémique sur son salaire, Tony Estanguet fait l’unanimité parce que ces Jeux olympiques sont avant tout sa réussite, fruit d’une décennie d’abnégation. “Durant cette période, il a fait preuve de solidité et n’a jamais baissé son niveau d’ambition, parfois contre vents et marées”, salue la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra. Le président du comité d’organisation (Cojo) voulait des Jeux spectaculaires comme la cérémonie d’ouverture, jusqu’à la séquence de l’allumage de la flamme pour laquelle il a personnellement veillé à l’ordre des athlètes. Il voulait aussi des Jeux “porteurs de sens” et sa force aura été en tant que chef d’orchestre, d’entraîner dans son sillage des milliers de personnes – les membres du Cojo, les différentes autorités (politiques, administratives, etc.), les professionnels du sport, les intérimaires, les volontaires… – pour relever un défi incommensurable. “Il faut lui reconnaître une très grande intelligence relationnelle qui lui a permis de gérer le collectif”, poursuit la ministre.

A l’arrivée, il y a pour lui aussi la satisfaction de voir la magie de la “trêve olympique” opérer. De l’entrée dans le port de Marseille du Bélem avec à son bord la flamme (début mai), à la cérémonie de clôture (11 août), l’engouement de tout un peuple n’a cessé de croître. Souvent questionné sur “l’héritage” qu’il espère pour cet événement planétaire, l’ancien sportif de haut niveau a toujours joué l’humilité : pour lui, si chaque Français garde une image tout au long de sa vie – même furtive -, de ces JO, ce serait la plus belle des victoires. Amélie Oudéa-Castéra conclut son parcours qu’elle compare à une descente de kayak : “Il a su passer les portes l’une après l’autre, contourner les embûches, affronter un courant parfois très fort, dépasser ses concurrents et ne pas faire de faute !” Avec cette course, Estanguet a remporté la plus belle des médailles de Paris 2024.

Thomas Jolly, le créatif

Grandiose, révolutionnaire, historique ! Si la cérémonie d’ouverture de Paris 2024 restera dans les mémoires, c’est en grande partie grâce à Thomas Jolly. Et pourtant, le choix du directeur artistique n’est pas allé tout de suite de soi. “J’ai cherché pendant un long moment qui pouvait endosser ce rôle, se souvient Thierry Reboul, directeur exécutif des cérémonies”. Jusqu’à ce que Didier Fusillier, aujourd’hui à la tête du Grand Palais, lui souffle le nom du metteur en scène. “Je me suis dit que quelqu’un capable de captiver des spectateurs dans un théâtre pendant 18 heures ne pouvait être que foncièrement intéressant !”, poursuit Thierry Reboul, faisant allusion à son adaptation fleuve d’Henri VI de Shakespeare au Festival d’Avignon de 2014. A son actif également : une audacieuse version de Thyeste de Sénèque qui avait bousculé la cour d’honneur du Palais des Papes en 2018 ou encore une adaptation décoiffante de l’opéra rock Starmania en 2023.

Mais la mise en scène des cérémonies des JO de Paris 2024 est évidemment le plus grand défi que Thomas Jolly ait eu à relever. Notamment le spectacle d’ouverture particulièrement innovant, organisé pour la première fois hors d’un stade olympique, avec la Seine, les monuments, les ponts de Paris comme décor. La force de Thomas Jolly ? “Ce garçon est doté d’une intelligence, d’un talent et d’une sensibilité rares. Il a surtout cette capacité de ne rien lâcher et de s’adapter à toutes les contraintes sans jamais perdre de vue le sens de la narration qu’il propose, ni rogner sur ses ambitions artistiques”, insiste Thierry Reboul. Les spectateurs garderont longtemps en tête les images de ce cheval mécanique lancé au galop sur la Seine, de la Conciergerie enflammée, de la complicité entre la garde républicaine et la chanteuse Aya Nakamura ou encore de l’envol de la vasque olympique scintillant dans le ciel. Tout simplement magique.

Emmanuel Macron, l’impliqué

Son histoire avec les Jeux commence au bord du lac Léman. Ce 10 juillet 2017, Emmanuel Macron est à Lausanne pour défendre la candidature de Paris aux JO 2024. Il n’est encore qu’un jeune président, la capitale française subit alors la concurrence de Los Angeles. Elle devient officiellement ville hôte quelques mois plus tard. Débutent alors sept ans de préparation sous le haut patronage du chef de l’Etat, jamais loin de l’événement. L’homme n’est pas du genre à déléguer, à commencer sur le sujet de la sécurité. Au programme : deux réunions par mois à l’Elysée avec le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, le préfet de police de Paris Laurent Nuñez, entre autres.

Emmanuel Macron met sa patte dans les Jeux. Y compris sur un plan sportif, lorsqu’il demande aux athlètes d’obtenir davantage de médailles qu’à Tokyo, en 2021. Le président conçoit l’événement comme un moment de concorde politique. Son organisation transpartisane – la ville de Paris est à gauche, l’Ile-de-France à droite – doit illustrer le dépassement des clivages cher au président. Ces Jeux, il les surveille jusqu’au bout. Jusqu’à, comme l’a révélé L’Express, soumettre la chanteuse Aya Nakamura à un interrogatoire le 19 février en vue de la cérémonie d’ouverture. Mais voilà, c’est déjà fini. “En 15 jours se jouent sept ans de travail. C’est assez vertigineux, note-t-on à l’Elysée. Ces Jeux montrent la pertinence sur le temps long de ses choix. C’est une métaphore de ce que l’on peut espérer être son décennat.” Derrière le sport, la politique n’est jamais loin.

Gérald Darmanin, le vigilant

Combien de ministres de l’Intérieur ont pu dire qu’ils ont fait les JO d’été ? Trois : Pierre Waldeck-Rousseau en 1900 – mais il cumule la fonction avec celle de président du conseil, c’est-à-dire Premier ministre -, Camille Chautemps, alors en poste depuis un mois, en 1924, et Gérald Darmanin. A la différence de ses prestigieux prédécesseurs de la troisième République, le député de Tourcoing a supervisé lui-même tous les préparatifs de l’évènement pendant quatre ans. Avec succès, même si, en matière de sécurité, tout peut basculer en un instant, – les Jeux paralympiques auront lieu du28 août au 9 septembre.

Le ministre a su répondre à la demande compliquée d’Emmanuel Macron : assurer la sécurité de la compétition tout en maintenant un haut niveau d’audace dans l’organisation. De ce point de vue, la cérémonie d’ouverture sur la Seine, le 26 juillet, est une grande victoire, alors que pendant plusieurs mois, de hauts responsables, à commencer par Didier Lallement, préfet de police de 2019 à 2022, n’ont cessé de lui répéter qu’une telle initiative ne pouvait relever que de la “folie”. La présence policière dans Paris – à un niveau inédit depuis la Seconde guerre mondiale – a découragé toute action violente, pour laisser placer à l’expression artistique des équipes de Thomas Jolly. Seule concession aux “sécuritaires”, l’idée d’une grande marée populaire circulant librement sur les quais a été rapidement abandonnée pour lui préférer un système d’accréditation sur invitation. Sans le moindre encombre, au final.

Quant à la délinquance dans la petite couronne parisienne, elle est en nette baisse, semble-t-il, par rapport à l’été 2023 selon de premiers chiffres de la préfecture de police. Le seul couac notable, finalement, résidera dans ces sabotages coordonnés du 26 juillet, ayant paralysé le réseau SNCF pendant 48 heures. Hyper-déplaisant pour les usagers, évidemment, mais s’en rappellera-t-on dans cinq ou dix ans ? Probablement pas.

Anne Hidalgo, la convertie

Les belles histoires débutent parfois à contre-cœur. Celle-ci a commencé un soir de novembre d’il y a dix ans, en prime-time sur TF1. François Hollande se déclare favorable à la candidature de Paris pour l’organisation des Jeux olympiques de 2024. Mais voilà tout le problème : Anne Hidalgo préférait organiser l’exposition universelle de 2025. “Et cette nouvelle, elle l’a apprise comme tout le monde, en direct à la télé”, se remémore un socialiste. A l’Hôtel de Ville, il faut le dire, les échecs successifs de Londres et de Rio de Janeiro ont laissé quelques traces : une nouvelle défaite serait mortelle en vue des prochaines municipales. Réfrénons les ardeurs d’un président en quête de popularité ! Mais ces JO… réfléchissons-y, tout de même. “Il lui a fallu un an pour s’imposer comme une alliée de premier plan, relate un proche. À Rio en 2016, elle est restée deux semaines, a fait le tour des délégations pour convaincre de la pertinence de sa candidature.”

Anne Hidalgo a finalement embrassé la cause avec la foi des convertis. Non sans remous, parfois, avec certains de ses interlocuteurs. La cérémonie d’ouverture sur la Seine pourrait présenter certains risques et Emmanuel Macron planche sur un plan B ? “Je travaille sur un plan A, je ne connais que le plan A”, rétorque l’édile. On doute des capacités des triathlètes à concourir dans le fleuve ? Anne Hidalgo, elle, n’a jamais eu de doutes, confie-t-elle après l’épreuve. Et promet même une Seine baignable d’ici à 2025. Ces JO 2024 sont “à l’image de sa vision de la capitale”, défendent ses proches. Deux semaines sont passées depuis le début des Jeux, et l’édile toise désormais ces anciens prophètes de malheur de tous poils. Un succès populaire, une tribune planétaire. Une prouesse organisationnelle, en bonne intelligence avec ses partenaires, qui, à l’instar du ministre de l’Interieur et du Préfet de Police de Paris, ont salué son travail. De quoi vous donner quelques idées pour 2026, Madame la maire ?

Valérie Pécresse, la facilitatrice

2015. La présentation officielle de la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024 n’aura précédé que d’une poignée de mois l’élection à la présidence du conseil régional d’Ile-de-France de Valérie Pécresse, reconduite à ce poste en 2021. “Dès son arrivée, elle s’est investie pour préparer et porter le dossier jour, soir et week-end”, se souvient un collaborateur. D’autant que sa fonction se double de la présidence d’Ile-de-France Mobilités, l’établissement public chargé de la gestion des transports franciliens. Or les transports se sont révélés une carte maîtresse pour l’équipe “Paris 2024”. “Le fait que les Jeux aient été imaginés dans la ville, avec des sites accessibles à 100 % en transports en commun, a été un facteur déterminant en notre faveur”, confie un proche de Valérie Pécresse.

A mesure que l’échéance des JO approchait, le rythme des réunions s’est intensifié. Mais pas question de rester dans sa tour d’ivoire de Saint-Ouen, où siège la Région. Orly, Roissy, Gare du Nord, Stade de France… La présidente s’est déplacée sur le terrain à maintes reprises pour s’assurer que la signalétique était lisible, l’information des voyageurs claire, la gestion des flux optimisée et la billettique opérationnelle, afin de réduire au maximum les files d’attente aux guichets. Valérie Pécresse est allée jusqu’à participer à la distribution de briquettes d’eau dans les couloirs du métro le 29 juillet, journée de forte chaleur. “Elle avait à cœur que la Région joue un rôle de facilitateur”, soutient son collaborateur, qui estime que Paris 2024 a de ce point de vue “mis la barre très haut pour les futures villes organisatrices”.

Deuxième financeur de l’événement planétaire derrière l’Etat français, “la région Ile-de-France est la grande gagnante des JO, et l’héritage pour ses habitants sera réel”, affirmait Valérie Pécresse à L’Express avant le début des festivités. Il aura fallu en passer par quelques polémiques, bien sûr. Le ticket à 4 euros n’a pas manqué de faire grincer. Les échanges avec Anne Hidalgo ont parfois été musclés, après des sorties pas très fair-play de la maire de Paris. “Nous avons tenu un discours de vérité, en chiffrant les investissements de la Région à 250 millions d’euros et autant à la charge des visiteurs, ce qui nécessitait une tarification spéciale pendant les JO, fait-on valoir en interne. Nous avons été critiqués de toutes parts, mais le projet était bien construit, et financé, il n’y a pas eu dérapage”.

Amélie Oudéa-Castéra, la résiliente

Sa présence n’avait rien d’une évidence. Ses déboires au ministère de l’Education ont failli lui coûter son poste de ministre des Sports et des Jeux olympiques en début d’année. La dissolution de l’Assemblée nationale aurait pu la balayer. C’est pourtant auréolée d’un titre de ministre démissionnaire qu’Amélie Oudéa-Castéra a représenté le gouvernement pendant deux semaines d’épreuves. L’aboutissement d’un long parcours d’obstacles.

Reconnue pour sa maîtrise des dossiers, la haute fonctionnaire a dû se frotter aux animaux politiques franciliens pendant deux ans. A commencer par la maire de Paris Anne Hidalgo, avec laquelle les relations furent compliquées. “Elle est crispée, elle pense que j’ai pris un peu trop de place, sans doute… Avec elle, c’est le contraire d’un truc fluide”, confiait en janvier celle qui se considère comme “la n° 10” de l’équipe dirigeante des Jeux olympiques. Parfois moquée pour son sens relatif de la communication, AOC est parvenue à “délivrer”, comme on dit en novlangue macroniste. Une miraculée ? Elle confesse plutôt un “sentiment de résilience” après les “épreuves” de l’hiver. “Je suis fière d’avoir contribué à ce résultat”, glisse-t-elle. Sera-t-elle en première ligne pour les Jeux paralympiques, prévus du 28 août au 8 septembre ? Seul Emmanuel Macron, maître des horloges, le sait.

Claude Onesta, le performeur

C’est monsieur “médailles”. A l’agence nationale du sport, Claude Onesta, double médaillé d’or olympique comme entraîneur des handballeurs français, occupe la fonction de manager de la haute performance depuis 2017. Afin de faire gagner les athlètes français, l’ancien sélectionneur a pris plusieurs décisions radicales. D’abord, assurer un revenu de 40 000 euros brut par an à tous les médaillables. Ensuite, faire appel, à des entraîneurs étrangers dans certaines disciplines clés, en natation ou en tir à l’arc. Enfin, ne pas prioriser certains sports comme avaient pu le faire les Britanniques en 2012, avec par exemple une razzia mémorable en cyclisme sur piste.

Onesta peut revendiquer des intuitions payantes, avec vingt fédérations médaillées, un total colossal, quand on mesure que l’Australie ou le Japon en ont seulement onze, la Grande-Bretagne, seize. Avec 64 médailles dont 16 en or, la France bat surtout ses deux records. L’objectif de terminer dans le top 5 des nations est lui aussi rempli in extremis (cinquième place), et les Bleus terminent les JO à deux médailles d’or de la troisième place. Soit rien. De très bon augure pour la suite.

A y regarder dans le détail, il existe cela dit une véritable marge de progression concernant le taux de médailles d’or : à Londres, les Britanniques en avaient réunies 29 ! Certaines disciplines, comme l’athlétisme, mais aussi l’aviron ou le cyclisme sur piste, autrefois pourvoyeuses de médailles, restent sinistrées. Et plusieurs succès, comme celui de Léon Marchand, parti s’entraîner aux Etats-Unis, doivent finalement peu aux structures françaises.

Jean Castex, le transporteur

Bras de chemise, gilet violet et main géante en mousse (la tenue des volontaires), Jean Castex a fait… du Jean Castex et le buzz sur les réseaux sociaux en participant début août à l’orientation des voyageurs dans les couloirs du métro. Pour l’ancien Premier ministre, c’est une façon de montrer que l’ensemble de la RATP qu’il préside désormais se trouve sur le pont. Souvent annoncée comme un maillon faible des JO, la régie autonome a répondu présent. “On a transporté tous les spectateurs dans les temps et en anticipant les flux”, se réjouit Jimmy Brun, son porte-parole. Symbole de cette réussite, la ligne 14 étendue (de l’aéroport d’Orly au sud à Saint-Denis Pleyel) a fonctionné comme un coucou (800 000 voyageurs par jour) permettant de délester la vétuste ligne 13, notamment en direction du Stade de France. Sur cette dernière fut d’ailleurs enregistré, le 27 juillet, le seul incident notable de ces JO avec un arrêt d’une heure trente, lié à une personne sur les voies.

Pour en arriver là, la RATP a mis les bouchées doubles, renforçant certaines lignes comme la 9 qui dessert Roland Garros, le Parc des Princes, le Trocadéro et le Champ-de-Mars en doublant le nombre de trains par rapport à l’été 2023 (50 conducteurs de plus). “En amont, on a fait beaucoup d‘efforts en multipliant les révisions préventives sur les plus vieilles rames et en augmentant le personnel d’astreinte dans les centres de dépannage”, ajoute Jimmy Brun. A coups de primes et de recrutements, ce sont près de 30 000 agents qui ont été mobilisés pour les Jeux. Sans oublier les intérimaires, les volontaires et les saisonniers (payés par la Région). Résultat, les 20 % de voyageurs supplémentaires par rapport à l’été 2023 ont été absorbés sans problème et dans de meilleures conditions. “Nous sommes au rendez-vous” assurait Castex le 4 août. Maintenant qu’elle a montré qu’elle pouvait fonctionner de façon optimale, et si la RATP restait au “rendez-vous” en septembre, pour la rentrée des Parisiens ?

Nicolas Ferrand, le bâtisseur

Le 1er mars 2024, Valérie Pécresse réunit 250 managers de la région Ile de France au Vélodrome de Saint-Quentin en Yvelines. Après plusieurs années de travaux d’investissements en mode “course contre la montre”, l’heure est à la mobilisation générale pour la réussite des JO. Invité de marque : Nicolas Ferrand, l’homme des chantiers des JO. Celui qui, la veille, a rendu les clés du Village des athlètes flambant neuf à Tony Estanguet. Un ingénieur bâtisseur, au tempérament bien trempé, et surtout, un vrai passionné : ce jour de mars, cet X Ponts, passé par le MIT à Boston, repéré en 2017 par Jean Castex, qui était à l’époque délégué interministériel aux Jeux olympiques, occupe la scène du Vélodrome avec une telle fougue qu’il manque de tomber derrière l’estrade en voulant montrer les différents équipements à l’écran. Qu’importe, son discours finit de convertir les responsables de la région en ambassadeurs des JO.

Cinq mois plus tard, alors que les JO s’achèvent dans la liesse, Nicolas Ferrand n’a pas perdu une miette de cette parenthèse enchantée grâce un emploi du temps quotidien divisé en trois parties. Le matin, chez lui, ou dans les bureaux de la Solideo, l’établissement public chargé de la livraison des ouvrages olympiques qu’il dirige depuis 2017. Puis en début d’après-midi, une tournée des sites olympiques, ceux-là mêmes qu’il a bâtis. Et le soir, il était le long des stades ou sur les bords des piscines, avec sa tenue orange de secouriste. Nicolas Ferrand n’en revient toujours pas. Bien sur des prouesses de son équipe : livrer à l’heure et en respectant les budgets les équipements requis, en faisant travailler pendant sept ans pas une trentaine de maîtres d’œuvre, les plus grands leaders de la construction française mais aussi des artisans, des fournisseurs de matériaux, soit au total plus de 30 000 personnes. Mais aussi de l’incroyable ferveur suscitée par les Jeux, depuis la cérémonie d’ouverture. Il n’oubliera pas ce vendredi 2 août, quand il est revenu visiter le village olympique. “J’ai vu un quartier baignant sous le soleil, entièrement utilisé par les athlètes, dans une atmosphère de calme et de sérénité, et dégageant une incroyable énergie”, sourit, ému, le quinquagénaire. La même émotion qu’il a ressentie, en assistant sur le bord de la piscine de la Défense à l’incroyable remontée de Léon Marchand lors de son 200 mètres papillon, avec l’or au bout de la ligne.

Depuis ce jour d’octobre 2017 où Nicolas Ferrand a emménagé dans une sous-pente de l’Hôtel Matignon, sans ordinateur et pendant deux mois sans salaire, jusqu’à la livraison des 70 ouvrages neufs ou rénovés, Nicolas Ferrand a mené une course de fond, remportée haut la main. Les délais tenus ? “On craignait qu’en cas de retard, les coûts explosent. On a donc établi un calendrier extrêmement rigoureux, en anticipant au maximum les éventuels délais ou modifications de programmes”. Alors que les JO viennent de s’achever, le travail de la Solideo n’est pas terminé : après les Paralympiques, il sera temps de passer à la phase “héritage”, en organisant au changement de fonction des sites. Une transformation pensée dès le départ. Ainsi, raconte Nicolas Ferrand, les premiers habitants du village olympique arriveront à l’été 2025, et ceux du village des médias dès la fin 2024. Quant au centre olympique aquatique, reconnaissable par sa belle structure en bois en face du Stade de France, il sera transformé en piscine publique l’an prochain. La vie après les Jeux va bientôt pouvoir commencer. Celle de Nicolas Ferrand aussi. Pour l’heure, il boucle la rédaction d’un cahier des recettes de ces chantiers qui ont coûté près de 4 milliards euros (dont 1,7 d’argent public). Le rapport, destiné à être mis en ligne, doit recenser toutes les innovations réalisées – technologiques, sociales, méthodologiques. “On ne prétend pas être allé au bout, on a aussi un regard critique sur les choses qui n’ont pas fonctionné mais nous avons ouvert un certain nombre de portes qui serviront à d’autres”. Parmi les petites déceptions, l’ingénieur Ferrand se souvient de ce pont en béton imprimé 3D, dont les prototypes n’ont pas donné satisfaction… Mais sur le fond, il conserve surtout une immense fierté des réalisations physiques pour ces JO et bien sûr du collectif constitué depuis l’automne 2017. A la mi-septembre, Nicolas Ferrand rejoindra le comité exécutif d’Orano, un acteur clef du nucléaire, pour piloter des chantiers encore plus vastes que ceux des anneaux olympiques et “stratégiques pour le pays”. Avec un cahier des charges précis : tenir les coûts et les délais. Du jamais vu dans le domaine du nucléaire. “Je suis enthousiaste, et j’ai le trac”, confie l’homme des Jeux de Paris.




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