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Sabotage des gazoducs Nord Stream : le mandat d’arrêt qui relance l’enquête

C’est un rebondissement de plus dans la mystérieuse affaire du sabotage des gazoducs Nord Stream. Mercredi 14 août, trois médias allemands révèlent que l’enquête sur l’explosion en 2022 des pipelines de gaz russes en mer Baltique s’oriente vers une piste ukrainienne. Selon la chaîne de télévision publique ARD et les quotidiens Die Zeit et Süddeutsche Zeitung, la justice allemande a émis un mandat d’arrêt contre un plongeur ukrainien, soupçonné d’être impliqué avec deux autres de ses compatriotes.

Alors que la Suède et le Danemark avaient cessé leurs propres investigations au début de l’année, cet élément relance l’enquête sur ce sabotage, sur fonds de soupçons de complicité entre la Pologne et ce trio ukrainien.

Un trio de plongeurs sur un voilier allemand

L’affaire commence le 26 septembre 2022. Sept mois après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les gazoducs sous-marins russes Nord Stream 1 et 2, reliant la Russie à l’Allemagne et acheminant l’essentiel du gaz russe vers l’Europe, explosent à quelques heures d’intervalle au fond de la mer Baltique. Quatre énormes fuites de gaz font alors leur apparition à la surface, et l’enquête commence.

Le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2

Pour la justice allemande, le principal suspect, visé par le mandat d’arrêt révélé ce mercredi, serait un moniteur de plongée ukrainien habitant en Pologne. Un homme désigné par les médias allemands sous le nom de Volodymyr Z. afin de préserver son anonymat. L’homme est soupçonné par Berlin d’avoir été impliqué, avec deux autres plongeurs ukrainiens, Jevhen U. et Svitlana U.

Le trio aurait ainsi transporté sur place des explosifs à bord d’un voilier, l’Andromeda. La découverte de traces d’explosifs sur ce bateau avait déjà été révélée un an plus tôt : le journal allemand Süddeutsche Zeitung avait alors retracé le parcours de ce voilier, partant de Rostock en Allemagne sur la mer Baltique, avant de faire escale sur l’île danoise de Christiansø, à proximité des sites des explosions. Toujours selon l’enquête allemande, les suspects auraient alors plongé jusqu’aux gazoducs Nord Stream 1 et 2, situés à environ 70 à 80 mètres de profondeur, pour y placer les charges explosives. L’équipage aurait ensuite rejoint la Suède puis la Pologne, avant de rentrer de nuit à Rostock pour rendre l’Andromeda, sans même récupérer leur caution.

Polonais et Allemands se rejettent la faute

Malgré l’identification de ce plongeur ukrainien comme principal suspect, la justice allemande a échoué à obtenir son arrestation. Mercredi 14 août, le parquet polonais a pourtant confirmé auprès de l’AFP avoir reçu en juin un mandat d’arrêt européen lancé par le parquet fédéral d’Allemagne contre Volodymyr Z., vivant à l’époque près de Varsovie. En vertu des règles de l’entraide judiciaire européenne, les autorités polonaises avaient 60 jours pour réagir à la demande allemande et interpeller ce suspect.

Or, ce dernier a entre-temps quitté la Pologne début juillet pour rentrer en Ukraine, a indiqué la justice polonaise. Pour le bureau du procureur général, les autorités allemandes sont responsables de cette fuite : celles-ci n’auraient pas inscrit le suspect dans le registre des personnes recherchées, ce qui a permis à l’intéressé de partir, a précisé une porte-parole du parquet polonais à l’AFP. Brièvement joints au téléphone par différents médias allemands, Volodymyr Z. et Svitlana U. ont réfuté toute implication dans l’attentat. Selon le quotidien allemand Die Welt qui a contacté mercredi Svitlana U., cette dernière compte également se défendre juridiquement contre les affirmations de ces médias.

De son côté, le parquet fédéral allemand n’a pas souhaité faire de commentaire. Le porte-parole adjoint du gouvernement, Wolfgang Büchner, a toutefois répété mercredi la détermination de l’Etat allemand à mener l’enquête “sans distinction de personne et peu importe le résultat”, rapporte le journal Die Zeit. Pourtant, en interne, les autorités d’outre-Rhin s’étonnent du manque de coopération de la Pologne dans cette enquête, selon les médias allemands.

La responsabilité de Kiev reste floue

Ainsi, les autorités allemandes évoquent de possibles complicités dont aurait pu bénéficier le trio ukrainien dans ce pays. Une déclaration qui fait écho aux premières hypothèses formulées après le sabotage. En 2022, les regards s’étaient rapidement tournés vers l’Ukraine et ses alliés, alors que les gazoducs Nord Stream symbolisaient la dépendance de l’Europe au gaz russe et à la Russie, malgré son invasion de l’Ukraine.

Plus récemment, une enquête de la cellule d’investigation de Radio France avait révélé en mars que l’ex-chef de l’état-major ukrainien Valeri Zaloujny, devenu ambassadeur de l’Ukraine à Londres, était soupçonné d’être impliqué dans l’explosion. Toutefois, les trois médias allemands précisent ce mercredi qu’aucun élément à ce stade n’indique que le trio ukrainien ait agi sur ordre des autorités de leur pays : ni pour un service secret, ni pour l’armée.

Une analyse qui va dans le sens des premières pistes publiées en mars 2023 dans le New York Times, qui évoquait alors un “groupe pro ukrainien” tout en écartant l’implication du président ukrainien Volodymyr Zelensky, selon des informations consultées par le renseignement américain. “Je ne ferais jamais cela”, avait répondu trois mois plus tard le chef de l’Etat ukrainien, lors d’une interview au quotidien allemand Bild. Questionné par Die Zeit sur la nationalité ukrainienne des suspects, le porte-parole adjoint du gouvernement Wolfgang Büchner a ajouté que cela ne changeait rien au fait que la Russie menait une guerre d’agression contraire au droit international en Ukraine.




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