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Trump – Harris : l’étrange influence de la cryptomonnaie sur les élections américaines


Lorsque Donald Trump monte sur scène à la Bitcoin Conference de Nashville fin juillet, il est accueilli comme une rock star par les cris des participants. Prenant le micro une fois achevée la chanson God Bless the USA, l’ancien président salue les “bitcoiners”, se félicitant d’être le “premier président au monde à assister à un évènement consacré au bitcoin”. Vantant le “miracle technologique qu’est le bitcoin” ou encore le “génie” des représentants de l’industrie, Donald Trump exprime également son souhait de faire des Etats-Unis la “capitale mondiale des cryptos”, de créer une “réserve stratégique de bitcoins”, ou encore de choisir des “personnalités qui aiment [cette] industrie” pour établir un cadre législatif. Chaque fois, la foule hurle de joie.

Le candidat républicain n’a pourtant pas toujours été tendre avec ce secteur. En 2019, il indiquait dans un tweet ne pas être “un fan du bitcoin ou des autres cryptomonnaies”, dont il jugeait la valeur “très volatile et basée sur du vent”. Il avait de plus décrié l’absence de réglementation dans l’industrie, accusée de “faciliter des comportements illicites, notamment le trafic de drogue et d’autres activités illégales”.

En quelques années, Donald Trump a effectué un revirement complet. En décembre 2022, il lançait ainsi une collection de NFT à son effigie, écoulée en quelques heures seulement pour 4,5 millions de dollars. En mai de cette année, le candidat est aussi devenu le premier à accepter les dons en cryptomonnaie pour sa campagne, levant 3 millions de dollars, avait révélé le Wall Street Journal.

Les nouveaux lobbies de la cryptomonnaie

Cet intérêt prononcé pour la cryptomonnaie n’est pas dû au hasard : le marché du bitcoin a dépassé les mille milliards de dollars. Surtout, l’industrie s’est transformée en quelques années en véritable lobby, impossible à ignorer à Washington. “Ce qui est frappant avec cette campagne, ce sont les sommes d’argent levées par le milieu, explique Nastasia Hadjadji, autrice du livre No Crypto. Comment Bitcoin a envouté la planète. Coinbase et de nombreuses entreprises ont donné à des Super Pacs [NDLR : comités d’action politique, organismes chargés de lever de l’argent pour des candidats] comme Fairshake, et si on observe les chiffres, l’industrie crypto a donné plus d’argent que de grands acteurs capitalistes, comme les pétroliers”.

Au total, 183 millions de dollars ont été réunis par l’industrie des cryptomonnaies dans la perspective des élections, d’après les chiffres de Follow The Crypto, un site développé par la chercheuse Molly White. L’industrie du gaz et pétrole n’aurait quant à elle donné “que” 8 millions, d’après OpenSecret, une ONG américaine traquant les dépenses des lobbies en politique.

A la différence de l’industrie du pétrole, qui a donné de manière prépondérante aux candidats républicains, les Pacs de l’industrie des cryptomonnaies “ont participé de manière transpartisane” aux campagnes, souligne Nastasia Hadjadji. Pour l’instant, 16,4 millions de dollars ont été versés à des candidats républicains, contre 13,9 millions pour des prétendants démocrates.

Car le secteur tente aussi de séduire le camp démocrate. Certes, Joe Biden a montré au long de son mandat une opposition franche aux cryptomonnaies, en mettant notamment son veto à un projet de loi qui aurait permis aux banques et institutions financières de garder des cryptomonnaies. Mais Kamala Harris est, elle, perçue comme plus ouverte sur le sujet. La candidate n’a pas ouvertement pris position en faveur des cryptos, mais la bonne image dont elle jouit vient en partie du fait qu’elle a travaillé avec de nombreux représentants de la Silicon Valley lorsqu’elle était procureure générale de Californie. Elle est d’ailleurs de plus en plus courtisée par les pontes du secteur.

“L’espoir des lobbyistes, c’est que la ligne dure de Biden envers les cryptomonnaies soit infléchie, et c’est pour cela qu’ils ont beaucoup donné, aussi bien aux démocrates qu’aux républicains”, analyse Nastasia Hadjadji. A plus long terme, l’industrie souhaiterait surtout qu’un cadre législatif clair soit établi, à l’image de ce qui s’est fait dans l’Union européenne avec le règlement Mica, analyse Faustine Fleuret, la présidente de l’Adan, l’association rassemblant les acteurs du Web3 en France. “Aux Etats-Unis, il n’y a pas de règles spécifiques, et c’est un frein au développement des entreprises, parce que la SEC [NDLR : l’organisme américain de contrôle des marchés] peut dire, du jour au lendemain, qu’elles doivent désormais suivre de nouvelles règles”, explique l’experte. L’Adan observe d’ailleurs que de plus en plus d’entreprises américaines viennent s’installer en Europe depuis un an et demi afin de profiter d’un cadre clair.

“Il y a une prise de conscience dans les milieux politiques et réglementaires de l’importance des cryptos pour les Etats-Unis”, observe Marie-Christine Bonzom, politologue et journaliste spécialiste des Etats-Unis. Que Pékin interdise leur utilisation en 2021 aurait poussé Donald Trump à s’y intéresser davantage. “Il a intérêt à contrer la Chine, y compris sur les sujets financiers, et sa position sur les cryptomonnaies reflète cela”.

Un joker pour faire basculer les “swing states” ?

En dehors du monde de l’économie, Donald Trump et Kamala Harris ont aussi intérêt à se positionner sur la cryptomonnaie pour des questions culturelles. Les actifs numériques sont désormais une part de la vie de plus en plus d’Américains : selon une étude de la banque centrale du pays, parue en mai 2024, 7 % des adultes ont déclaré détenir des cryptomonnaies.

“Ce n’est pas un sujet prédominant, mais c’est un sujet important : une élection américaine, ça ne se gagne pas qu’en cherchant le vote des démocrates ou des républicains. Cela se remporte aussi avec les indépendants et les indécis”, confie Marie-Christine Bonzom. Les cryptomonnaies peuvent aider les candidats à aller chercher des voix supplémentaires. C’est d’ailleurs ce que pointe aussi un article de l’OMFIF, un think tank lié au secteur bancaire américain. L’organisme juge que Kamala Harris ne peut “se permettre de laisser la crypto à Trump” et exhorte la candidate à “adopter une approche conciliante à l’égard de l’industrie des cryptomonnaies”. Il y aurait, selon lui, “peu à perdre, mais potentiellement beaucoup à gagner” pour les démocrates. C’est d’autant plus vrai dans les swing states, ces Etats qui naviguent entre camp républicain et démocrate entre deux élections, où le résultat se joue parfois à quelques milliers de votes.




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