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Pourquoi Dieu n’a pas sauvé Donald Trump, par Gérald Bronner


Tout le monde a vu cette incroyable photo de Donald Trump, l’oreille ensanglantée et le poing levé en signe de résistance après qu’on lui a tiré dessus. L’image est saisissante et restera imprimée dans les mémoires. Sans surprise, cette tentative d’assassinat a suscité de nombreuses interprétations dont les inévitables théories du complot. Le terme “mise en scène” est même devenu l’une des tendances sur X aux Etats-Unis quelques minutes seulement après les tirs.

Comme toujours, sans avoir une théorie très claire, les complotistes ont cherché des “anomalies” qui révéleraient la vérité se cachant derrière l’apparence des événements. Ainsi, on s’est étonné des failles de la sécurité alors qu’on imagine sans mal un Donald Trump très menacé ; on a prétendu, à tort, qu’il n’y avait pas eu de mouvement de panique. On a pu aussi être intrigué par le profil atypique du tireur… Selon qu’on était de gauche ou de droite, on imaginait une mise en scène censée profiter à Trump ou, au contraire, une vraie tentative d’assassinat mais fomentée en réalité par la CIA et le “deep state” (Etat profond).

Ce sont les soutiens du candidat républicain et, finalement, Trump lui-même qui ont proposé l’interprétation la plus spectaculaire : ce serait Dieu en personne qui serait intervenu, non pour tenir le fusil, mais pour écarter la balle. C’est la version qui se popularise chez les partisans républicains dans les meetings et sur les réseaux sociaux et que Donald Trump reprend à son compte en déclarant sur Truth Social : “C’est Dieu seul qui a empêché l’inimaginable de se passer”. Vue de France, cette lecture de l’événement est exotique mais elle n’est pas si surprenante lorsqu’on se rappelle que les Etats-Unis restent un pays très religieux où l’on prête souvent serment sur la Bible et où la monnaie est frappée de cette déclaration : “In God we trust“.

Méthode apagogique

Il ne peut y avoir aucune preuve de l’intervention de Dieu dans cette affaire mais l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence. Raisonnons donc avec la méthode apagogique. Si Dieu était vraiment intervenu pour sauver Trump, pourquoi ne l’a-t-il pas fait plus tôt ? Pourquoi a-t-il fallu attendre qu’il y ait une victime innocente et deux blessés pour que sa main se déploie ? Il n’est pas crédible que le Dieu protestant, auquel Trump se réfère, qui est omniscient, n’ait été alerté du danger qu’à la dernière minute.

Poursuivons le raisonnement apagogique : s’Il a voulu sauver Trump c’est que, dans nombre d’autres cas, Il a préféré demeurer impassible. Ainsi, Il n’aurait donc pas daigné intervenir pour protéger John F. Kennedy en 1963 ou son frère Robert en 1968, pas plus qu’il ne le fit, la même année, pour épargner Martin Luther King qui était pourtant pasteur ? Et l’on chercherait en vain, parmi les innombrables assassinats politiques qui ont entaché l’histoire des humains en passant par Téti, le pharaon fondateur de la VIe dynastie, Ramsès III, Jules César poignardé 23 fois, Park Chung-hee, président de la Corée du Sud ou encore Yitzhak Rabin dont la disparition brutale en 1995 a des répercussions aujourd’hui encore sur le conflit israélo-palestinien… une logique divine. L’analyse des statistiques de ces assassinats politiques ne révèle rien d’autre que le chaos de l’histoire.

Les assassinats ratés contre Hitler

Il y a plus, si l’on voulait examiner l’argument de Donald Trump qui a senti le souffle de Dieu le protéger, alors il faudrait aussi prendre en compte tous ceux qui ont réchappé à un attentat. Dès lors, faudrait-il aussi admettre que Dieu voulut qu’Adolf Hitler survécut comme il le fit – dans des conditions parfois improbables – aux nombreuses tentatives d’assassinat qui le visèrent ?

Il n’y a pas besoin de trancher la question de l’existence de Dieu pour juger inconsistante l’hypothèse qu’il serait intervenu pour sauver Trump. En revanche, on peut trouver sociologiquement intéressant qu’une aura surnaturelle nimbe de plus en plus le parcours du populiste dont les partisans affirment à présent qu’il est porteur d’une mission plutôt que d’un programme. “Etre élu” peut être interprété de bien des façons, espérons, pour la démocratie américaine, que ses électeurs ne se tromperont pas de sens.

*Gérald Bronner est sociologue et professeur à La Sorbonne Université.




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