Le silence de plomb, apanage des régimes autoritaires, vient de cesser d’exercer son insupportable pesanteur. Le peuple vénézuélien est vent debout face à celui qui tente de lui ravir sa voix. Nicolas Maduro a pourtant tout tenté pour conserver le pouvoir, au lendemain du 28 juillet. Déclaré vainqueur, avec 52 % des voix, par le Conseil national électoral – sans que ce dernier, à ce jour, n’est donné le détail des votes, le leader chaviste a ensuite intenté une procédure devant le Tribunal suprême de justice pour faire reconnaître sa victoire. Pourtant, l’opposition a publié les procès-verbaux par l’intermédiaire de ses scrutateurs. Edmundo González Urrutia, candidat de l’opposition, serait vainqueur avec 67 % des voix.
Conséquences de ces manigances – à chaque fois dénoncées par l’opposition – le peuple est descendu dans la rue. Ce à quoi le dictateur lui a opposé la Garde nationale bolivarienne – corps militaire chargé de faire respecter l’ordre public – causant la mort de 25 personnes et l’arrestation de 2 400 autres. En parallèle, Maduro s’en est remis à son arsenal législatif. En ce moment, le Parlement étudie une série de lois liberticides pour recouvrir, de nouveau, le ciel vénézuélien de cette même chappe de plomb insonore.
Mais avant que le Venezuela ne se mure de nouveau dans le silence, des cris de protestation ont traversé les frontières des voisins les plus proches. Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula, s’est emparé de la question le 15 août. A l’occasion d’un entretien donné à la radio locale brésilienne Rádio T, de l’Etat brésilien du Paraná, le chef d’Etat a déclaré que Maduro “pourrait […] convoquer et programmer des élections”. “Il [NDRL : Nicolas Maduro] sait qu’il doit une explication à la société brésilienne et au monde”, a-t-il rajouté tout en précisant qu’il ne reconnaissait “pas encore”, la victoire du président sortant.
Les voisins s’en mêlent
A l’instar de Lula, le président colombien tente lui aussi d’exercer une pression sur le dictateur vénézuélien. “Une solution politique pour le Venezuela qui apporte la paix et la prospérité à son peuple dépend de Nicolas Maduro”, a déclaré sur X, Gustavo Petro. Ce dernier reprend également la proposition de son homologue brésilien, en appelant à “de nouvelles élections libres”. Pour rappel, Bogota et Brasília entretiennent plutôt de bonnes relations avec Caracas. Un temps l’initiative des deux présidents d’Amérique latine a semblé être suivie par le président américain.
Joe Biden avait répondu “je le suis” à la question : “Etes-vous favorable à de nouvelles élections au Venezuela ?”, lors d’un court échange avec la presse. La Maison-Blanche a très vite rectifié le tir, jugeant “très claire” la victoire de l’opposition. Par l’intermédiaire de son porte-parole, elle a assuré que le président américain “évoquait la position absurde du [président] Maduro” qui n’est “pas honnête” sur le résultat du scrutin.
La perspective de nouvelles élections n’a pas été bien reçue par les membres de l’opposition vénézuélienne. “Proposer de ne pas tenir compte de ce qui s’est passé le 28 juillet est pour moi un manque de respect pour les Vénézuéliens […] la souveraineté populaire se respecte”, a déclaré María Corina Machado – leader de l’opposition – lors d’une conférence de presse virtuelle avec des médias chiliens et argentins, le 15 août. L’élection “a eu lieu et la société vénézuélienne s’est exprimée dans des conditions très défavorables. Il y a eu des fraudes et nous avons quand même réussi à gagner”, a-t-elle ajouté.
Des “élections libres”, une solution qui ne fait pas l’unanimité
Quant à la tenue de nouvelles élections, le Brésil – par l’intermédiaire du conseiller en affaires internationales de Lula – propose une présence forte d’observateurs internationaux. Il faudrait que ces élections fassent l’objet d’une “vérification importante, solide et robuste, mais cela impliquerait aussi une levée des sanctions” de l’Union européenne pour que ses observateurs soient invités sur place, a jugé Celso Amorim, qui avait été envoyé au Venezuela pour suivre le processus électoral.
Une proposition que soutient à sa manière Gustavo Petro, proposant la suppression de “toutes les sanctions économiques” qui visent Caracas. En avril, les Etats-Unis avaient rétabli des sanctions sur le gaz et le pétrole vénézuélien considérant que “le régime chaviste n’avait pas tenu toutes ses promesses quant à la tenue d’élections libres dans le pays”, rapporte El País – signes avant-coureurs de la crise actuelle.
Lors du scrutin, quatre observateurs étrangers – envoyés par l’Organisation des Nations unies – avaient été envoyés pour rendre compte du déroulé du processus électoral. Avant la publication de leur compte rendu préliminaire, Jorge Rodríguez – président de l’Assemblée nationale – les avait qualifiés “d’ordures”. Le 15 août, la chambre monocamérale a adopté la loi réglementant les ONG et les associations. Parmi les points du texte, l’obligation pour les ONG de notifier leurs “financements” et “donateurs, nationaux ou étrangers”, ou l’interdiction de “recevoir des contributions financières destinées à des organisations à but politique”.
Face à l’agitation que suscite à l’étranger la situation de son pays, Nicolas Maduro a déclaré : “Les conflits au Venezuela […] sont résolus entre Vénézuéliens, avec leurs institutions, avec leur loi, avec leur Constitution.” Le président n’a pas non plus voulu réagir aux déclarations de ses homologues : “Nous ne pratiquons pas la diplomatie du microphone. Chaque président sait, chaque Etat, chaque pays sait ce qu’il doit faire de ses affaires intérieures.”
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