De la fin de la guerre d’Indochine à l’affaire du Watergate, jusqu’à la nomination d’Emmanuel Macron à Bercy, redécouvrez à travers nos archives les temps forts des étés de chaque décennie entre avancées diplomatiques, crises politiques et progrès scientifiques. Cette semaine, l’été 2004.
EPISODE 1 – Eté 54 : l’espoir Mendès France, la fin de la guerre d’Indochine, un coup d’Etat au Guatemala
EPISODE 2 – Eté 64 : la fin de la ségrégation raciale aux Etats-Unis, la naissance de l’ORTF, les premières photos de la Lune
EPISODE 3 – Eté 74 : le choc de la démission de Nixon, l’abaissement de la majorité et la lutte du Larzac
EPISODE 4 – Eté 84 :lamanif pour l’école libre, Fabius à Matignon, les JO de Los Angeles
EPISODE 5 – Eté 94 : la précampagne pour la présidentielle, le retour d’Arafat en Palestine, le décès de Kim Il-sung
Présidence de l’UMP ou Bercy : le dilemme de Sarkozy
A l’été 2004, la prochaine échéance présidentielle est déjà dans toutes les têtes. A droite, Nicolas Sarkozy ne cache pas sa volonté de conquérir la tête de l’UMP, fer de lance de la future campagne pour 2007. Jacques Chirac se résout à laisser la voie libre à son ministre de l’Economie mais prévient : “Un ministre ne peut pas être en même temps président du principal parti de la majorité.”
“L’un m’anime le coeur, l’autre retient mon bras.” Cid politique, Nicolas Sarkozy va passer un été cornélien : comment résoudre le dilemme imposé par le président, comment choisir entre la présidence de l’UMP et le ministère de l’Economie ? Car Jacques Chirac, en levant tout obstacle à l’accession de Sarkozy à la tête du parti majoritaire, lui a tendu un piège. Quel que soit son choix, le ministre ne pourra en faire porter la responsabilité à personne, pas même au président, qui n’a fait qu’édicter une règle de bon sens institutionnel en interdisant le cumul Bercy-UMP. Libre était le titre de l’ouvrage publié par Nicolas Sarkozy en 2001 : Chirac l’a pris au mot. Le pire ennemi de Sarkozy étant lui-même, il lui faut bien réfléchir avant de trancher, au tout début de septembre.
Mettre la main sur l’UMP comporte pour Sarkozy plusieurs avantages. Il aurait alors la maîtrise d’un appareil riche, malgré les vicissitudes électorales, de dizaines de milliers de militants et de nombreux cadres dévoués, véritable public captif pour le “Sarko Show”. Il contrôlerait surtout un budget annuel de près de 40 millions d’euros, dont 33 millions de dotation publique. L’UMP est aussi une machine à réfléchir, qui ne demande qu’à être réveillée et utilisée. Président de l’UMP, Sarkozy pourrait également sortir de sa logique de clan rapproché pour bâtir autour de lui une équipe de fidèles plus étoffée. Enfin, l’UMP serait une base idéale pour dialoguer avec l’UDF et repenser la “droite plurielle”, puisque le rêve du parti unique est défunt. “Pas de victoire possible à la présidentielle de 2007 sans contrôle de l’UMP”, résument ses proches. Certes, mais faut-il que Sarkozy contrôle l’UMP en personne, maintenant, au prix de sa présence gouvernementale ?
La forteresse de Bercy, pour de nombreux mois encore, offre bien des avantages : Sarkozy peut y déployer son activisme sur d’innombrables dossiers, plus variés qu’au ministère de l’Intérieur. Si la croissance revient durablement, il peut être l’homme qui fait baisser le chômage, après avoir été celui qui maîtrisa l’insécurité, complétant la panoplie de “Magic Sarko”. De plus, dans “ministre d’Etat”, il y a la moitié de chef d’Etat. Or Sarkozy a besoin d’étoffer sa carrure internationale pour être un présidentiable complet, tout comme il doit nourrir encore sa pensée sur les dossiers économiques et sociaux les plus complexes. Enfin, la faiblesse de Jean-Pierre Raffarin lui assure le monopole de l’avant-scène médiatique. Démissionner en novembre 2004, chantiers inachevés, ou partir dans le courant de l’année 2006, la tâche accomplie, pour prendre du recul, rencontrer les Français et préparer l’avenir : selon l’option retenue, la prime au bilan gouvernemental ne sera pas la même.”
L’Express du 2 août 2004
Vénézuela : référendum pour ou contre Hugo Chavez
Le 15 août 2004, les Vénézuéliens sont appelés à se prononcer sur l’éventuelle destitution de leur président Hugo Chavez. Le non l’emporte mais des doutes émergent sur l’honnêteté du scrutin.
“La victoire de Hugo Chavez, le président du Venezuela, dimanche 15 août, à l’issue du référendum appelant à sa destitution, n’efface ni les doutes ni les divisions de la société vénézuélienne. Même si les observateurs et les gouvernements étrangers reconnaissent la validité du scrutin, l’opposition a quelques raisons de penser que la fraude est une sérieuse hypothèse. Ce n’est qu’avec les plus grandes réticences que Chavez s’est résigné à se soumettre à cette procédure constitutionnelle. […]
S’il s’avérait finalement que les doutes sur l’honnêteté du scrutin étaient infondés, resteraient alors les regrets, ceux des démocrates de voir triompher le populisme et le clientélisme, et ceux d’une opposition incapable de mobiliser les pauvres – pourtant les premières victimes de l’incurie économique de Chavez. Perdureraient aussi les divisions d’une société polarisée par la rhétorique de la confrontation du président. Lequel verra dans son nouveau succès électoral un mandat populaire pour approfondir sa “révolution bolivarienne”, c’est-à-dire le renforcement de son contrôle sur l’ensemble de l’appareil d’Etat. Ce que l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa avait nommé, jadis et en d’autres lieux, une “démocrature”.”
L’Express du 23 août 2004
Au plus près de Saturne
Après avoir parcouru plus de 3 milliards de kilomètres en sept ans, la sonde américano-européenne Cassini-Huygens doit se placer sur orbite autour de Saturne le 1er juillet 2004. L’Express livre les clés de cette “manoeuvre périlleuse”.
“A l’aube du jeudi 1er juillet, la sonde Cassini-Huygens tentera de se placer en orbite autour de Saturne. Une manoeuvre périlleuse qui l’amènera à effectuer deux passages successifs au travers de ses fameux anneaux. “Le risque de collision avec un débris existe, mais il ne serait pas fatal”, estime Jean-Pierre Lebreton, responsable scientifique de la mission à l’Agence spatiale européenne (ESA).
Conjointement financée dans les années 1980 par les Etats-Unis et l’Europe, Cassini-Huygens est le troisième plus gros poids lourd jamais envoyé dans l’espace : 6,7 mètres de hauteur, 4 mètres de largeur et 5,7 tonnes de “muscles” (18 instruments scientifiques). Un ensemble démesuré, dopé au plutonium, servi par 260 spécialistes, et qui a coûté la bagatelle de 3 milliards de dollars. Saturne vaut pareille folie tant son éloignement (1,275 milliard de kilomètres de la Terre) nous la rend mystérieuse. Jusqu’ici, seuls trois vaisseaux ont pu l’approcher (Pioneer 11, Voyager 1 et 2). “Cassini-Huygens sera donc son premier satellite artificiel, pour au moins quatre années”, s’enthousiasme Daniel Gautier, chercheur émérite au CNRS, qui fut l’un des principaux instigateurs de la mission. Celle-ci permettra de mieux connaître la composition interne de la planète, son champ magnétique si particulier, son atmosphère distendue ou encore les vents démentiels qui balaient sa surface (jusqu’à 1 800 kilomètres-heure).”
L’Express du 28 juin 2004
Millau : le viaduc de tous les records
Un chantier d’exception touche à sa fin. Après quatorze ans de préparation et trois ans de construction, l’ouvrage d’art aux airs de voilier, alliance du béton et de l’acier, est encours d’achèvement. Il sera inauguré par Jacques Chirac le 14 décembre 2004.
“Passe-muraille des derniers kilomètres aveyronnais ayant résisté à la Méridienne, cette A75 gratuite qui devrait, dès l’été 2005, relier d’une traite les 340 kilomètres séparant Clermont-Ferrand de Béziers, l’ouvrage millavois, hors normes, exerce un magnétisme. Comme s’il régnait autour de son maxichantier, mené tambour battant en trente-neuf mois, un microclimat.
“On en a bavé”, résume, lapidaire, Michel Virlogeux. Concepteur du pont de Normandie, ancien du ministère de l’Equipement, où il suivit, au sein du Service d’études techniques des routes et autoroutes (Setra), les études qui ont conduit au projet sur le causse, Virlogeux connaît le terrain : “Il a fallu un an d’études pour organiser le système de poussage, un vrai roman ! A côté, le pont de Normandie était une bluette.” “On pourrait en baver encore”, répond en écho Alain Desjardin. Ancien des campagnes du Larzac, ex-porte-parole régional des Verts, Desjardin est de ceux qui ont contesté le choix du tracé de l’A75 et, avec lui, de l’ouvrage retenu. Une opposition marginalisée, en dépit d’un projet alternatif suggérant un contournement de Millau plus à l’ouest, pour prendre en compte Roquefort et Saint-Affrique. […]
Passerelle épurée jetée entre Causse rouge et Larzac, ruban de bitume high-tech de 2 460 mètres de longueur, suspendu entre ciel et terre à 270 mètres au-dessus du Tarn, le viaduc de Millau rappelle que le franchissement de la vallée n’a rien eu d’un long fleuve tranquille, longue marche où les enjeux d’aménagement du territoire – désenclavement de l’espace Massif central, délestage des autoroutes saturées du sillon rhodanien – l’ont disputé, paraît-il, au plaisir d’esthète d’ingénieurs bâtisseurs. Les derniers 36 kilomètres conduisant au viaduc ne comptent pas moins d’une quarantaine d’ouvrages d’art !”
L’Express du 16 août 2004
La semaine prochaine, retrouvez l’été 2014 en archives.
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