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Allemagne : la baisse de l’aide à l’Ukraine, victime d’un calcul électoraliste


Le ministre des Finances aurait pu passer un coup de fil. Mais le courant passe si mal entre les ministères de la coalition du chancelier Olaf Scholz (sociaux-démocrates, écologistes et libéraux), que le libéral Christian Lindner a préféré communiquer par écrit son appel à la discipline budgétaire. Adressé aux ministres de la Défense, un social-démocrate (SPD), et des Affaires étrangères, une écologiste, le courrier du “chantre de la rigueur” exigeait qu’on trouve des fonds nécessaires hors budget pour toute livraison d’équipements supplémentaires à l’Ukraine. Résultat, cette missive du 5 août s’est retrouvée dans la presse et a jeté une nouvelle fois le doute sur le soutien de l’Allemagne dans son soutien militaire à Kiev.

Le budget 2025 qui vient d’être bouclé vendredi 16 août, après des mois de pénibles négociations, ne prévoit pour l’instant que 4 milliards d’euros d’aides, deux fois moins qu’en 2024. Olaf Scholz, qui a toujours entretenu une position ambiguë sur l’Ukraine en soignant un profil de “chancelier de la paix”, s’est empressé de rassurer ses alliés internationaux. Seules les “sources de financement” changent, pas le niveau des aides, a-t-il assuré. Ce dernier s’en remet à l’exploitation des avoirs russes gelés par les Vingt-Sept, rendue possible par une décision de l’Union européenne (UE).

“L’Allemagne ne relâchera pas son soutien à l’Ukraine”, a promis Olaf Scholz le 21 août lors de sa visite dans l’ancienne république soviétique de Moldavie, voisine de l’Ukraine, sans apaiser les craintes occidentales. La réduction de l’aide par Berlin est “très inquiétante”, s’est alarmé le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrel, le 23 août.

Christian Lindner s’est lui-même senti obligé de faire marche arrière pour limiter les dégâts diplomatiques, se disant prêt à “examiner les aides supplémentaires au cas par cas”. Mais en jetant le trouble sur la solidarité de l’Allemagne, premier donateur d’armes après les Etats-Unis, le ministre des Finances manœuvre une nouvelle fois pour des raisons de politique intérieure. Les élections régionales du 1er septembre en Allemagne de l’Est s’annoncent catastrophiques pour le parti libéral qu’il préside, le FPD. Alors que l’extrême droite pourrait connaître un triomphe historique en remportant plus de 30 % des voix, les libéraux végéteront vraisemblablement autour des 2 %. Actuellement, ils n’apparaissent même plus dans les graphiques des sondages.

Des positions populistes qui décrédibilisent le gouvernement

Au gouvernement Scholz, les libéraux passent depuis toujours pour les empêcheurs de tourner en rond, sans cesse à la recherche de nouvelles provocations pour éviter de tomber dans l’oubli. Aux élections fédérales, qui ont lieu dans un an, ils sont menacés de disparaître définitivement du champ politique. Tout est donc bon pour attirer l’attention des électeurs indécis jusqu’à se rapprocher des idées défendues par l’extrême droite et la gauche populiste (près de la moitié de l’électorat à l’Est), comme l’arrêt des livraisons d’armes à Kiev. Baisse de l’allocation minimum de solidarité, retour des voitures dans les centres-villes, maintien de la vitesse illimitée sur les autoroutes, suppression du ministère de la coopération… Autant de positions populistes qui décrédibilisent tout le gouvernement.

A quelques semaines des élections américaines, qui pourraient sonner le retour de Donald Trump au pouvoir et la fin des aides de Washington à Kiev, ces nouvelles dissensions au sein du gouvernement Scholz font évidemment le jeu de Poutine. Sans l’Allemagne, Kiev handicape ses chances de succès militaire. “Il ne faut pas sacrifier le destin de l’Ukraine sur l’autel du frein à l’endettement”, a mis en garde Michael Roth, le président social-démocrate de la commission des Affaires étrangères du Bundestag, qui s’apprête à quitter la politique.

Dans cette ambiance de fin de règne, les écologistes donnent l’impression d’avoir capitulé. Ils évitent les disputes sur la place publique avec leurs collègues libéraux. Même sur les aides à l’Ukraine qu’ils défendent pourtant depuis le début de la guerre. Ces règlements de comptes par média interposé ont contribué à leur effondrement dans les sondages. Eux aussi devraient enregistrer un désastre électoral dimanche 1er septembre.

Il s’agit désormais pour eux de préparer leur rebond. Le président des Verts, Omid Nouripour, lorgne déjà les élections générales de 2025 pour en finir avec ce “gouvernement de transition”. Pour cela, les écologistes envisagent sérieusement une alliance avec les conservateurs de la CDU. Robert Habeck, le ministre de l’Economie, vraisemblable tête de liste des Verts dans un an, ne cache plus son exaspération face aux contorsions électoralistes du ministre des Finances. Lors d’une soirée avec la presse dans son ministère, il s’est même permis de dire tout haut le mal qu’il en pense : “Si j’étais élu un jour chancelier, je peux vous assurer que Christian Lindner ne serait pas ministre des Finances”.




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