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Le sport, une corvée ? Les conseils (validés par la science) pour ne pas se démotiver


Attention, les premières lignes de cet article ne doivent pas servir d’excuse pour rester avachi dans son canapé. Mais si vous détestez le sport, si vos résolutions à aller au moins une fois par semaine à la piscine, ou courir, ou faire du vélo, ne tiennent guère plus… d’une semaine, vous pouvez vous rassurer. Vous êtes normal. Humain. Le produit des quelques millions d’années qui nous ont façonnés, tout simplement. C’est ce que disent les biologistes de l’évolution, et notamment l’un des plus éminents, Daniel Lieberman, de l’université Harvard (Etats-Unis) : “Il n’y a jamais eu aucune pression de sélection pour nous faire aimer l’activité physique, explique-t-il. Nos ancêtres devaient parcourir de longues distances pour se nourrir, et il y avait probablement un avantage sélectif à savoir économiser son énergie.” Nous ne sommes pas paresseux : nous sommes des champions de l’optimisation, des virtuoses du moindre effort. Nuance.

Si cette tendance à minimiser les dépenses énergétiques a permis dans un lointain passé à notre espèce d’augmenter ses chances de survie, elle est devenue problématique dans nos sociétés modernes. Voitures, ascenseurs, escalators, trottinettes électriques, valises à roulettes, robots aspirateurs, livraisons à domicile… Nous avons déployé toutes les ressources de notre immense intelligence au service de ce que nous faisons le mieux, nous faciliter la vie. “Parce que nous savons malgré tout qu’il faut bouger pour rester en forme, nous avons alors inventé un concept qui aurait semblé incongru voilà encore une centaine d’années : faire de l’exercice. Même si nous culpabilisons ceux qui ne s’y conforment pas, la réalité est qu’il va à l’encontre de nos instincts”, poursuit le Pr Daniel Lieberman, qui a consacré un livre à la question, Exercised (Penguin, 2021, non traduit).

Les bénéfices du sport sur la santé ne sont pourtant plus à démontrer. Les dangers de l’inactivité non plus, qui nous tue à petit feu – selon l’Organisation mondiale de la santé, 3,2 millions de personnes meurent chaque année du manque d’activité physique. La bonne nouvelle, c’est que face à cette épidémie de sédentarité, les recherches en science de la motivation en général, et en psychologie appliquée à la motivation sportive en particulier, sont en plein développement. Leurs spécialistes peuvent désormais nous apporter des conseils efficaces, soutenus par des preuves scientifiques solides, pour nous aider à prendre le dessus sur nos réflexes archaïques et atteindre nos buts.

Prendre conscience de nos automatismes pour mieux les combattre

Car à l’évidence, savoir que le sport est bon pour nous ne suffit pas à nous décider à chausser nos baskets. “Les études montrent que les campagnes de promotion de l’activité physique sont efficaces, car elles donnent vraiment envie de s’y mettre. Mais ensuite, seule 1 personne sur 2 transforme son intention en action et peu poursuivent leurs efforts”, résume le psychologue du sport Boris Cheval, coauteur avec Matthieu Boisgontier du Syndrome du paresseux (Dunod, 2020). Logique : c’est d’abord la motivation dite “intrinsèque”, celle qui vient de nous, qui nous permet de tenir des objectifs sur le temps long, bien plus que la motivation “extrinsèque”.

Il n’empêche, si les exploits des sportifs aux Jeux olympiques vous ont donné envie de vous lancer, voici comment faire en sorte que cela ne reste pas qu’un feu de paille, voué à s’éteindre en même temps que la flamme des Jeux paralympiques… “Le premier pas vers l’activité physique consiste à prendre conscience de la force d’attraction sédentaire. La compréhension de l’existence de ces automatismes permet d’activer les ressources cognitives qui nous aident à leur résister”, insiste Boris Cheval. En clair, cela augmente les chances de prendre l’escalier plutôt que l’escalator.

Bien sûr, cette prise de conscience ne suffit pas non plus. Car à ce stade, une bataille féroce se joue entre différentes parties de notre cerveau : d’un côté, l’amygdale et le striatum, enfouis au cœur de notre encéphale, et de l’autre, le cortex préfrontal. L’impulsion contre les capacités d’autorégulation. “Les instincts ne vont pas disparaître, mais on peut apprendre à les réguler. Pour cela, il faut aussi savoir que nous avons évolué de sorte à être actif physiquement pour deux raisons, et seulement deux : quand c’est vraiment nécessaire, ou pour nous amuser”, résume Daniel Lieberman. Le secret, c’est donc de rendre l’activité physique plaisante, ou au moins de réussir à nous convaincre qu’elle l’est. A cette condition, l’exercice deviendra en lui-même une récompense, qui contrebalancera le coût de l’effort.

Avant d’en arriver là, il faut donc commencer par maîtriser nos pulsions de sédentarité, et passer à l’action. Nous n’avons certes pas tous la même appétence pour l’inactivité, ni les mêmes capacités d’autorégulation, mais rien n’est figé. “Les scientifiques ont longtemps cru qu’on avait de la volonté, ou que l’on n’en avait pas. Et puis ils se sont rendu compte qu’ils s’étaient trompés”, rappelle Ayelet Fishbach, professeur de sciences comportementales à l’université de Chicago et autrice de Vous allez y arriver ! (Markus Haller, 2024). A l’origine de cette erreur, le fameux test du chamallow, inventé en 1975 par un psychologue américain, et censé montrer que certains enfants ont “naturellement” une volonté de fer (face à l’alternative de manger le chamallow tout de suite, ou d’attendre et d’en avoir un deuxième, ils attendent) et d’autres non (ils se précipitent sur la confiserie). Les données ont été réexaminées depuis, et il s’est avéré que les enfants qui n’attendaient pas faisaient en réalité moins confiance aux adultes et à leurs promesses, du fait d’expériences de vie plus difficiles.

La motivation, une question de stratégie

“L’essentiel, c’est d’avoir un état d’esprit dit ‘de changement’ : la conviction qu’en investissant du temps et des efforts, on peut progresser. Au contraire, si vous êtes persuadé de ne rien pouvoir changer, il n’y a aucune chance que vous soyez motivé à vous impliquer dans une activité”, souligne Grégoire Borst, directeur du Laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant (LaPsyDé, université Paris-Cité, CNRS). Cet état d’esprit favorable peut s’acquérir : différentes expériences menées aux Etats-Unis et en France ont montré que lorsque l’on explique que le cerveau est plastique, que rien n’est prédéterminé, les attitudes envers l’effort évoluent.

Maintenant que vous savez que vous n’êtes pas condamné à l’échec par un supposé manque de détermination, que faire ? D’abord, planifier. “La motivation n’est pas une question de volonté mais de stratégie”, martèle Ayelet Fishbach. Acheter un vélo d’appartement en espérant glisser des séances au fil de l’eau dans son emploi du temps reste le meilleur moyen d’en faire un portemanteau : il y aura toujours plus agréable ou plus urgent. Pour lutter contre le “manque de temps” et les tentations, les spécialistes conseillent d’établir un programme, de l’afficher, mais aussi de noter les plages d’activité dans son agenda, comme pour n’importe quel autre rendez-vous. “Cela paraît rébarbatif car on a l’impression de rogner sur sa liberté et l’être humain déteste ça, mais en réalité, cela réduit le stress lié à la prise de décision”, indique le Pr Guido Gendolla, psychologue et responsable du Geneva Motivation Lab, à l’université de Genève.

L’autre secret, c’est d’anticiper tout ce qui pourrait être bloquant et d’élaborer en amont des parades. C’est la technique du “si… alors…” développée par Peter Gollwitzer, professeur de psychologie à l’université de New York. Des exemples ? “S’il pleut et que je ne peux pas aller courir, alors je vais faire du renforcement musculaire chez moi”, “si on m’invite le soir où j’avais prévu d’aller à la piscine, alors je planifie tout de suite une autre séance”, “si je suis fatigué, alors je me rappelle que l’activité physique va me permettre de me sentir plus en forme”… Là aussi, l’anticipation allège l’effort cognitif nécessaire pour lutter contre notre tendance à l’inactivité.

Autres conseils, se fixer des objectifs à court terme, mesurer ses progrès, regarder les petits pas déjà accomplis plutôt que tout ce qu’il reste à faire, ne pas courir plusieurs lièvres à la fois. Mais l’essentiel reste donc de transformer l’effort en plaisir, sinon il est certain que les baskets retourneront vite au fond du placard. “La grande idée nouvelle, c’est d’utiliser les émotions comme moteur de la motivation. Jusqu’ici, elles étaient vues comme un grain de sable qui perturbe les rouages cognitifs, mais maintenant on comprend qu’elles peuvent aider à prendre les bonnes décisions. C’est un changement de paradigme”, souligne Boris Cheval.

Eviter les efforts trop intenses

Appliqué à l’activité physique, cela signifie d’abord trouver une activité que l’on aime, quitte à en tester plusieurs. “Cela paraît une évidence, mais les études montrent que ce n’est pourtant pas ce que font la plupart des gens”, constate Ayelet Fishbach. Mieux vaut aussi limiter l’intensité de l’effort fourni : “Au-dessus d’un certain niveau, nous avons tous des émotions et des expériences affectives négatives, et cela s’avère très délétère sur l’envie de recommencer”, constate Boris Cheval. Ne pas hésiter non plus à démarrer très modestement. “On a tendance à se dire qu’on est nul si on ne respecte pas d’emblée les recommandations officielles [NDLR : trente minutes d’activité modérée par jour, cinq jours par semaine]. Mais ce tout-ou-rien peut décourager alors que cinq minutes d’abdos tous les matins, ce n’est pas très coûteux et cela peut devenir un rituel qui va ensuite permettre d’augmenter sa tolérance à l’effort”, souligne Gaëtan Cousin, docteur en psychologie et auteur de L’art d’en faire juste assez (Odile Jacob), à paraître le 4 septembre.

Car en réalité, chaque pas compte et il vaut mieux faire un peu que pas du tout, ne pas se montrer trop ambitieux plutôt qu’abandonner rapidement. Un principe conforté par les dernières études sur le volume d’activité minimal utile pour la santé. En 2022, des chercheurs américains ont ainsi montré qu’en augmentant de dix minutes par jour l’activité physique des Américains, il serait possible d’éviter environ 110 000 décès prématurés chaque année aux Etats-Unis.

Si votre jogging ou votre séance de natation restent malgré tout une corvée, il existe une astuce pour tromper votre cerveau et lui en laisser un bon souvenir quand même : la règle “pic-fin”, tirée des travaux de Daniel Kahneman, psychologue et Prix Nobel d’économie. Selon ce principe, nous gardons surtout en mémoire les sensations ressenties au moment le plus intense d’une activité ainsi que dans ses dernières minutes. Si celles-ci sont agréables, la tâche dans son ensemble semblera moins pénible. “Nous l’avons testé sur l’activité physique, et cela fonctionne, raconte Boris Cheval. Quand on descend en intensité au cours de la séance et que l’on termine tranquillement, la mémoire affective de l’expérience est améliorée, et les participants ont davantage l’intention de se réengager.”

Donner des conseils plutôt qu’en recevoir

L’arsenal disponible ne s’arrête pas là. On le sait, l’environnement joue : les activités en extérieur paraissent plus plaisantes, a fortiori dans la nature ou au bord de l’eau. La musique aide aussi, et des scientifiques ont trouvé comment en maximiser l’effet : en sélectionnant soi-même les chansons plutôt qu’en recourant à une liste prédéterminée, et en choisissant le rythme adapté à son activité. “Pour la course à pied, ce sera de 110 à 150 BPM, soit par exemple Run the World de Beyoncé, ou Cold Heart d’Elton John et Dua Lipa”, détaille Layan Fessler, doctorant au laboratoire Sport et environnement social de l’université Grenoble Alpes.

S’appuyer sur les autres aide aussi les animaux sociaux que nous sommes. En pratiquant à plusieurs (l’idéal), en misant sur le contrôle social (raconter à tout son entourage qu’on se met au sport…) ou, plus étonnant, en donnant des conseils. “Nos travaux montrent que face à une activité difficile, aider un proche qui se débat dans les mêmes difficultés s’avère plus motivant pour le ‘conseilleur’ que pour le ‘conseillé’”, raconte Ayelet Fishbach. Enfin, il ne faut jamais oublier de se féliciter d’avoir réussi à tenir son objectif. “Ne serait que se dire ‘je suis allé courir, c’est bien, bravo’ aide à s’engager”, insiste Gaëtan Cousin.

Au fil du temps, l’effort sera moins coûteux. Le corps, entraîné, y deviendra plus tolérant. Les hormones du plaisir, déclenchées par l’activité physique, arriveront à la rescousse. Mieux, plus on va être actif, plus on va muscler ses capacités cognitives… et donc sa capacité à s’autoréguler. Au point, même, de s’auto-immuniser contre la tentation de la sédentarité. Ayelet Fishbach a ainsi découvert que chez les individus qui arrivent à se maîtriser pour atteindre leurs objectifs, la perception d’une tentation (un gâteau, au hasard) réactive ces objectifs (se rappeler qu’on est au régime). Boris Cheval l’a aussi testé chez les sportifs : “Les tentations liées à la sédentarité, comme voir son canapé ou entendre le générique de sa série préférée, renforcent leur engagement en faveur de l’activité physique.” Pas encore convaincu ? Essayez…




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