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Vietnam : le miracle économique d’un pays communiste qui aime… le capitalisme


Jean-Luc Mélenchon aime rappeler que, dans sa jeunesse, il a soutenu les Vietnamiens (des “insoumis incroyables”) et “applaudi la défaite US” dans ce pays. Mais qui a entendu le leader de l’extrême gauche s’enthousiasmer sur la spectaculaire évolution économique du Vietnam depuis qu’il a embrassé l’économie de marché ? Sur trois décennies, cet Etat de près de 100 millions d’habitants bénéficie d’un taux de croissance annuel moyen de 7 %, surpassant ses voisins asiatiques. En 1990, avec un PIB de 98 dollars par habitant, le Vietnam était encore le pays le plus pauvre du monde, devant la Somalie et le Sierra Leone. Aujourd’hui, moins de 5 % des Vietnamiens vivent en situation d’extrême pauvreté (contre 80 % il y a trente ans).

Dans How nation escape poverty (Encounter Books), récemment paru en anglais, l’historien et sociologue allemand Rainer Zitelmann s’est penché sur les secrets de ce miracle vietnamien. Il rappelle d’abord à quel point l’économie planifiée socialiste et la collectivisation de l’agriculture ont mené à des désastres. En 1980, le Vietnam ne produisait que 14 millions de tonnes de riz, alors que le pays avait besoin de 16 millions pour répondre aux besoins élémentaires de sa population. Le régime communiste a dû introduire des rationnements et dépendait du Programme alimentaire mondial (PAM) comme de l’aide de l’Union soviétique et de “pays frères” de l’Europe de l’Est. En 1986, l’inflation atteignait 582 %. Le Vietnam avait alors un PIB par habitant inférieur de moitié à celui du Kenya.

Mais cette année-là, le VIe congrès du Parti communiste marque la victoire des réformistes et des pragmatiques. Reconnaissant ses errements, le régime lance alors des réformes drastiques, une libéralisation économique qui passera à la postérité sous le nom de “doi moi”, ou “renouveau”. L’économie de marché est autorisée, puis encouragée. Le Vietnam s’ouvre également au libre-échange et profite pleinement de la mondialisation. Les investissements étrangers directs ont bondi de 7,6 à 16,1 milliards de dollars entre 2009 et 2019. Aujourd’hui, afin d’être moins dépendantes de la Chine, de nombreuses entreprises préfèrent se délocaliser au Vietnam. Une évolution qui profite grandement à la population : en 1998, seuls 27 % des Vietnamiens appartenaient à la classe moyenne, contre 65 % en 2018.

Tourné vers l’avenir

Rainer Zitelmann met en avant un paradoxe : alors que le pays est encore officiellement marxiste, les Vietnamiens associent très largement le terme “capitalisme” à des notions positives, comme “progrès” (81 %), “innovation” (80 %), “une large gamme de produits” (77 %) ou “prospérité” (74 %). En matière de valeurs, la population, surtout les jeunes, se montre bien plus proche du Japon et des Etats-Unis que d’autres pays socialistes.

Peu de nations ont autant été frappées par les conflits sanglants au XXe siècle. Pourtant, contrairement au régime algérien par exemple, le Vietnam a vite su dépasser les rancœurs coloniales et les traumatismes du passé, alors même qu’il a subi la longue guerre d’Indochine de 1946 à 1954, suivie de celle du Vietnam de 1955 à 1975. Selon l’Asian Barometer, 85 % des Vietnamiens ont aujourd’hui une image positive des Américains, contre seulement 25 % des Chinois. Face à l’encombrant voisin chinois, le régime n’a d’ailleurs pas hésité à se rapprocher des Etats-Unis.

Un régime autoritaire

Cette libéralisation économique ne s’est pas accompagnée d’une libéralisation politique. Le Vietnam demeure un régime autoritaire avec parti unique. Nguyen Phu Trong, secrétaire général du Parti communiste vietnamien qui dirigeait le pays d’une main de fer, vient de mourir à l’âge de 80 ans. Selon l’indice de perception de la corruption de l’ONG Transparency International, le Vietnam ne se classait qu’au 87e rang sur 180 pays en 2021, même s’il a amélioré son score.

En début d’année, The Economist saluait les perspectives optimistes pour le pays, mais avertissait sur le besoin de réformes politiques : “Le Vietnam est passé de la grande pauvreté à une modeste prospérité en une seule génération. Mais il doit continuer à se réformer. Les vents géopolitiques peuvent changer. Ses rivaux peuvent devenir plus compétitifs. Le pays vieillit rapidement : sa population en âge de travailler pourrait diminuer après 2038. Et ses citoyens pourraient se lasser du parti au pouvoir si le niveau de vie ne continue pas à augmenter rapidement.” Le Vietnam a encore un long chemin devant lui pour rejoindre le Japon, la Corée du Sud ou Taïwan.




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