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Electricité, la revanche de l’Ouest : comment la façade atlantique rattrape son retard


Il y a bien des avantages à vivre sur une péninsule. Les Bretons le savent mieux que quiconque, nul besoin de louer la splendeur de leur littoral balayé par les vagues et les vents. Mais “être au bout” a un prix. En matière d’électricité, la contrepartie est assez claire : la Bretagne possède un réseau moins bien interconnecté que d’autres régions. Lors des vagues de froid et des pics de consommation, elle est souvent l’une des plus vulnérables – donc sous surveillance. Sa production locale historiquement limitée l’a rendue dépendante de ses voisins. En 2022, elle a importé 66 % de son électricité consommée depuis la Normandie et les Pays de la Loire, selon le gestionnaire du réseau de transport électrique RTE. Cet isolement n’a pourtant rien d’inéluctable, puisque la Bretagne augmente chaque année ses capacités de production, dopées par l’essor des énergies renouvelables, et surtout de l’éolien.

La tendance n’est pas circonscrite au territoire breton. Avec la transition énergétique et les besoins de décarbonation, la géographie électrique française évolue, lentement mais sûrement. Côté production, c’est toute la façade ouest du pays qui “monte en puissance”, remarque Jean-Philippe Bonnet, directeur adjoint stratégie, prospective et évaluation chez RTE. Il y a l’impulsion de l’éolien – en mer ou en terre – dans les Hauts-de-France, en Normandie, en Bretagne et dans les Pays de la Loire. Peut-être bientôt celle des hydroliennes, ces éoliennes immergées qui utilisent les courants marins pour produire de l’électricité, dont la filière veut accélérer le développement. Et bien sûr les promesses du solaire en Nouvelle-Aquitaine, même si le méga-projet Horizeo porté par Engie et Neoen est encore loin d’être acté.

“On peut mettre en place un parc de production extraordinaire, ce sera vain si on n’a pas les câbles pour envoyer l’électricité là où elle est nécessaire”, relève Raphaël Caire, maître de conférences à l’Institut polytechnique et au laboratoire de génie électrique de Grenoble. Face à ce paysage changeant, RTE sait qu’il devra “significativement réévaluer” la structure de son réseau, surtout les “grands axes organisés en toile d’araignée dans le contexte du développement du parc électronucléaire”, des années 1970 à 1990. Dans son étude Futurs énergétiques 2050, le gestionnaire indique le besoin “de capacités d’acheminement dans le sens ouest-est plus importantes”, notamment dans les périodes venteuses. Même nécessité pour les échanges sud-nord, davantage sollicités lors des moments ensoleillés, selon les documents de la consultation publique préalable à la publication, prévue en fin d’année, de son nouveau schéma décennal de développement du réseau.

Ne pas copier l’exemple allemand

Sans investissements à la hauteur, les analyses préliminaires de RTE estiment que ces flux renforcés pourraient entraîner, à horizon 2040, “l’apparition d’importantes congestions […], en particulier sur des axes ouest-est”. C’est-à-dire le dépassement de la capacité maximale de transit de certaines lignes, obligeant à les alléger, avec des conséquences sur la production électrique et des surcoûts pour l’ensemble du système. Une situation – à ne pas copier – que vit déjà l’Allemagne, “confrontée à des problèmes récurrents entre le nord et le sud du pays, et qui coûte entre 3 et 4 milliards par an aux gestionnaires du réseau”, rappelle Jean-Philippe Bonnet.

“Intégrer de plus en plus d’énergies renouvelables variables et présentant des incertitudes quant à leur prévision de production est un réel challenge. Cela nécessite de transformer le réseau électrique en réseau électrique intelligent”, confirme Anne Blavette, chargée de recherche CNRS en génie électrique au laboratoire SATIE à l’Ecole normale supérieure de Rennes.

Dans cette équation, l’immobilisme n’a pas vraiment sa place. Car ces travaux sur le réseau sont souvent lourds et coûteux. “RTE doit faire les bonnes hypothèses”, prévient Raphaël Caire. Cet exercice de portrait-robot du système électrique à cinq voire dix ans n’est pas aisé : il faut intégrer une multitude de facteurs, comme l’augmentation des énergies renouvelables, l’évolution de la consommation en fonction des trajectoires de sobriété, la véritable ampleur de la relance du nucléaire… Sans oublier les interconnexions avec les pays voisins. Un colossal projet sous-marin, le Celtic interconnector, doit relier en 2027 les réseaux français et irlandais. Son point d’entrée dans l’Hexagone ? Le poste électrique de La Martyre, dans le Finistère. Une petite révolution. Pour la première fois, la Bretagne ne sera plus “en bout”, mais “au milieu”.




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