Les tractations pour nommer un Premier ministre vont bon train. Elles rappellent à ceux qui l’avaient oublié que nos partis politiques sont plus à l’aise dans les postures idéologiques grandiloquentes empreintes de “jamais” et de “toujours” que dans l’art moins étincelant du compromis. “Ils préparent la présidentielle”, croient savoir certains observateurs. D’ici là, l’intérêt de la France et son besoin urgent de réformes attendront. Sauf si nous parvenons à convaincre nos gouvernants qu’il existe un projet de société puissant et consensuel qu’ils pourraient mettre en œuvre sans qu’aucun parti ne renie ses convictions, tant il les fait converger vers l’intérêt commun. Ce projet, c’est celui de produire en France. La France n’est pas un pays de compromis. Nos concitoyens ont le verbe haut et le snobisme tenace. On ne s’abaisse pas à discuter avec un adversaire, chez nous. Il est forcément infréquentable. Alors on l’excommunie.
Seuls de grands hommes, forgés par de terribles événements, parviennent à faire l’union. Leur poigne tranche les interminables disputes – ou débats participatifs – qui bloquent notre avancée. La France bondit alors, rattrapant d’un coup son retard, prenant même de l’avance. Jusqu’à ce qu’on se lasse de la mégalomanie réelle ou supposée de ces commandeurs, qu’on déboulonne leur statue, pour retomber dans le régime des partis. Chacun d’eux nous propose de faire l’union derrière lui, tout en prévenant bien haut qu’il ne tolérera aucun compromis. On “appliquera le programme. Tout le programme.”
Charles “providentiel” de Gaulle, concepteur de la Ve République, avait prévu cela. Parce qu’il avait vécu l’instabilité des républiques parlementaires, leur incapacité à s’adapter aux changements d’un monde en accélération. Son système garantissait que, même dans les moments de grande division, un courant prenne la majorité pour pouvoir gouverner sans tenir compte des disputes de partis. Il avait tout prévu. Sauf le front républicain.
De nombreux électeurs, sans aucun doute sincères, ont préféré priver l’Assemblée d’une majorité plutôt que de laisser un parti qui leur faisait peur arriver au pouvoir. Voilà donc nos députés obligés de composer. Pour des politiques qui savent que leur public est friand de discours engagés, de tirades à panache empreintes de radicalité, la soupe qui mijote dans la marmite de la coalition est insipide. Il va pourtant falloir la boire. Parce que trois ans sans gouvernement, c’est long.
La France a besoin de victoires
Il y a pourtant une voie. Les Jeux olympiques l’ont montré. Celle de la fierté et des exploits. La théorie du ruissellement, contestée en économie, fonctionne visiblement très bien pour la gloire. Ramenée par une poignée de champions, elle a couvert de joie et d’allégresse le peuple tout entier pendant plusieurs semaines. N’en déplaise à ceux qui ne voient en elles qu’une source d’inégalités qu’il faut gommer, la France a besoin de victoires. Elle n’accepte de s’unir que pour étonner le monde et n’avance dans le bon sens que si elle se sent admirée. Voilà pourquoi il nous faut des médailles, des cérémonies grandioses, des expositions universelles et des coupes du monde de football.
Mais ces événements sont rares. Et le sport ne peut pas, à lui seul, étancher notre soif. Il faut donc étendre nos sources de fierté à d’autres foyers d’excellence française. L’art en est un. L’entreprise industrielle aussi.
Certaines d’entre elles sont d’ailleurs championnes dans leur discipline. Des championnes qui ne se contentent pas d’accumuler des performances économiques. Elles déploient des trésors d’innovation et d’immenses efforts pour intégrer dans leurs métiers les défis de notre époque. Elles nous aident, quand elles produisent en France, à recouvrer la souveraineté dont nous avons besoin pour décarboner notre consommation, pour produire les richesses qui financeront nos solidarités. La souveraineté plaira à la droite, la solidarité au centre et à la gauche, la décarbonation à tous.
Célébrons les médailles de nos entreprises et de nos usines
Nos industries sont, comme les milliers de clubs de sport de notre territoire, un excellent moyen d’offrir des opportunités à ceux qui ne sont pas conscients de leur potentiel. Elles permettent l’ascension des uns, incluent les autres et unissent via leurs projets ceux que la politique ou la morale ont parfois divisés.
La cérémonie d’ouverture de Paris 2024 a montré le chemin. Car derrière ceux qu’elle a magnifiés, parce qu’ils réparent Notre-Dame, qu’ils ont conçu la vasque, qu’ils ont allié l’art à l’expertise mécanique pour donner vie à un cheval d’argent galopant sur le fleuve, ce sont tous nos entrepreneurs audacieux, nos ouvriers au savoir-faire rare, nos ingénieurs aux idées neuves qui ont été salués.
Les travailleurs de nos grands groupes, de nos agences publiques, de nos collectivités locales et de nos PME ont dépollué la Seine. Ceux des géants du luxe ont glissé la touche d’élégance qui fit des moments les plus creux du protocole olympique de si jolis instants.
Alors, quand les Jeux paralympiques auront apporté leur lot de médailles, n’oublions pas de célébrer celles que remportent nos entreprises, nos usines, nos talents industriels et créatifs. Que nos politiques prennent ensemble les mesures qui s’imposent pour rendre nos territoires d’industrie plus compétitifs. Qu’ils les écoutent, lèvent les obstacles qui les freinent et leur donnent les moyens de gagner. Prenant le relais des sportifs, ces champions industriels nous permettront d’entretenir la flamme de l’ambition française qu’ont rallumée les Jeux.
* Gilles Attaf, président d’Origine France garantie, et Laurent Moisson sont les cofondateurs des Forces Françaises de l’Industrie.
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