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Crise chez Volkswagen : “La transition vers l’électrique se déroule plus vite que prévu”


L’annonce a fait l’effet d’un cataclysme outre-Rhin. Pour la première fois de son existence, le puissant constructeur automobile Volkswagen envisage, par la voix de son patron Oliver Blume, de procéder à des fermetures d’usines en Allemagne. Le groupe n’écarte pas non plus de mettre fin à des accords historiques de protection de l’emploi dans le pays, qui courent jusqu’en 2029. De quoi ouvrir la voie à de possibles licenciements secs. Un choc à la hauteur du retentissant scandale du Dieselgate, dont le procès s’ouvre en ce début septembre.

Acculé, Volkswagen “doit maintenant agir de manière décisive”, a estimé Oliver Blume dans une note au ton alarmiste diffusée en interne le 2 septembre. Plombé par le recul de ses ventes en Chine – la vache à lait historique des constructeurs allemands –, la concurrence chinoise sur ses autres marchés et ses propres errances dans l’électrique, Volkswagen serait en quête de quatre à cinq milliards d’euros d’économies supplémentaires, selon la presse allemande. Et ce, alors que le groupe avait déjà négocié en fin d’année dernière un premier plan d’économies de dix milliards d’euros avec les représentants des salariés.

Installé à Berlin, l’analyste indépendant Matthias Schmidt estime que “des coupes doivent être effectuées” chez Volkswagen en raison de la sous-utilisation de ses usines. Un problème qui concerne selon lui l’ensemble de l’industrie automobile européenne.

L’Express : Volkswagen envisage de fermer des usines en Allemagne pour la première fois de son histoire. Le constructeur automobile se trouve-t-il dans une situation si difficile qu’il soit contraint d’en arriver à une telle extrémité ?

Matthias Schmidt : Cela reflète plutôt à mon avis le fait que Volkswagen n’en a pas assez fait par le passé. Entre un marché automobile qui n’a pas retrouvé ses niveaux d’avant-Covid en Europe de l’Ouest et de nouveaux entrants qui se battent pour avoir une part de ce qu’il reste de ce gâteau, l’ensemble des capacités de production européennes sont actuellement sous-utilisées.

Dans ce contexte, Stellantis a par exemple adopté une nouvelle approche consistant à produire des modèles du chinois Leapmotors dans ses usines polonaises. Mais Volkswagen m’a assuré ne pas être prêt à produire des véhicules pour ses partenaires chinois en Europe. Son outil de production ressemble donc aujourd’hui un peu aux aéroports pendant la période du Covid, avec des terminaux fermés ou à moitié vides. Cela étant, la bataille s’annonce rude pour Volkswagen, les syndicats ayant rendu difficile la suppression d’emplois par le passé.

Cette décision est-elle liée aux difficultés que rencontre Volkswagen sur le marché chinois ?

Il s’agit d’un problème européen. Tous les véhicules vendus en Chine sont produits localement. Les activités chinoises de Volkswagen ne concernent pas les usines allemandes. Le marché européen fonctionne tout simplement en deçà de ses capacités réelles et des coupes doivent être effectuées. Par ailleurs, Volkswagen a toujours eu l’intention de se préparer à la transition vers l’électrique en utilisant l’attrition naturelle pour réduire ses effectifs, c’est-à-dire en ne remplaçant pas les salariés qui partent à la retraite. Or, la transition se déroule plus vite que prévu, d’où cette annonce.

Les retards accumulés dans le lancement de nouveaux véhicules électriques, comme la version électrique de la Golf et le programme Trinity, expliquent-ils aussi la décision de Volkswagen ?

Pas du tout. Les ventes de voitures électriques représentent 16 % du marché du neuf en Europe de l’Ouest et stagnent cette année. Le fait que Volkswagen n’y ait pas été exposé l’a sans doute plutôt préservé jusqu’à présent. Un passage plus rapide à la voiture électrique, qui nécessite par nature moins de salariés à l’assemblage qu’une voiture thermique, aurait eu un impact plus important encore sur la main-d’œuvre.

Plus largement, les difficultés de Volkswagen dans la voiture électrique sont-elles le signe que le groupe a sous-estimé ce qu’il allait lui en coûter de produire des véhicules compétitifs ?

Je ne pense pas que Volkswagen soit en délicatesse à ce stade. Maintenant qu’il a surmonté les difficultés initiales, le groupe produit des modèles décents grâce à sa plateforme MEB [NDLR : il s’agit d’un ensemble de pièces qui forment les structures des véhicules]. Les modèles produits à partir de sa deuxième plateforme commencent aussi enfin à arriver malgré quelques bugs et trois années de retard.

Le principal problème pour des constructeurs comme Volkswagen tient au fait que la partie logicielle est prise en charge par des acteurs tiers. Or, chaque changement doit passer par ces équipementiers et compte tenu du nombre d’entreprises impliquées pour une seule voiture, la moindre demande peut vite prendre beaucoup de temps. A l’inverse, les constructeurs comme Tesla, Rivian et une bonne partie des acteurs chinois commencent de zéro. Dès le départ, ils se sont assurés de faire communiquer les différents types de langages informatiques à bord du véhicule et sont capables de les modifier eux-mêmes.

Le cas Volkswagen est-il symptomatique des maux de l’automobile allemande ? Le pays doit-il s’attendre à une réduction massive de l’empreinte industrielle des constructeurs et des équipementiers ?

Oui, l’Allemagne est très fortement exposée à la transition vers les véhicules électriques en raison du nombre élevé d’équipementiers allemands spécialisés dans les composants pour les moteurs thermiques comme Bosch, Continental ou ZF, pour n’en citer que quelques-uns. Cela explique l’agitation croissante autour de l’interdiction des voitures thermiques en 2035. Mais la clé réside cependant dans la transition et la requalification de la main-d’œuvre existante.

Quelles sont les conséquences pour le Mittelstand, ce vaste tissu d’entreprises qui a fait jusqu’à présent la force de l’Allemagne ?

Ce dont le Mittelstand a besoin, c’est d’un environnement stable. Oliver Blume a pointé du doigt le fait que l’Allemagne perd en compétitivité à l’échelle internationale. Le message était directement adressé à Berlin. L’Allemagne a besoin d’un approvisionnement en énergie plus compétitif, ce qui n’arrivera pas du jour au lendemain puisque le marché est engagé dans sa transition vers les renouvelables pour se défaire du gaz russe et du charbon. Une intégration européenne sur le front de l’énergie pourrait être utile à cet égard.

Par ailleurs, le Mittelstand a besoin de garanties de la part de Bruxelles et de Berlin sur la trajectoire de l’industrie automobile. Le fait de retarder l’abandon des moteurs thermiques les aidera peut-être à court terme. Mais à long terme, la décision les hantera d’autant plus que d’autres se seront spécialisés largement sur l’électrique d’ici là.




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