L’histoire semble se répéter inlassablement ces dernières semaines. Le matin, un nom potentiel de Premier ministre se voit révélé dans la presse comme le nouveau “profil idéal” pour Matignon. Le soir même, on apprend que sa candidature serait désormais torpillée, ou ne ferait plus l’affaire aux yeux de l’Elysée ou du reste de l’échiquier politique.
Alors que l’on approche désormais du cap des deux mois depuis le résultat des élections législatives, et des cinquante jours depuis la démission du gouvernement Attal, L’Express fait le tour des différents profils qui ont circulé pour Matignon au cours de ces longues dernières semaines.
Bernard Cazeneuve – Xavier Bertrand, les deux plus cités
Leurs noms circulent depuis le mois de juillet, mais semblent encore aujourd’hui être les deux pistes les plus concrètes. A gauche de l’échiquier politique, on retrouve l’option Bernard Cazeneuve. L’ancien Premier ministre a été reçu par Emmanuel Macron ce lundi à l’Elysée, après un week-end qui semblait l’envoyer tout droit à Matignon. Ancien socialiste, également respecté à droite, celui qui avait quitté le PS en 2022 après l’accord de la Nupes avec LFI aurait pu être une personnalité pouvant arracher des majorités, du moins aux yeux d’Emmanuel Macron. Une large partie du Nouveau Front populaire a prévenu : si son éventuel gouvernement ne s’inscrit pas dans leur programme, ils n’hésiteront pas à dégainer une motion de censure à son égard. Bernard Cazeneuve semble avoir lui-même fixé des lignes claires pour prendre la direction du gouvernement, notamment un retour sur la réforme des retraites, ligne rouge du chef de l’Etat. De quoi largement endiguer l’hypothèse, même si celle-ci n’était pas encore totalement enterrée ce mardi.
De l’autre côté politique, à droite, le nom de l’ancien ministre sarkozyste Xavier Bertrand revient également de façon insistante pour prendre la tête du gouvernement. Ce mardi matin, Le Parisien a révélé que l’Elysée avait eu une discussion avec les poids lourds de LR – Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau et Gérard Larcher – pour savoir si le parti Les Républicains soutiendrait une nomination du président des Hauts-de-France à Matignon, ce que ces derniers n’ont pas enterré. Mais alors que le patron du PS, Olivier Faure, tout comme le RN, ont assuré que leurs députés censureraient un éventuel gouvernement Bertrand, là aussi, les obstacles semblent difficilement surmontables.
A gauche et à droite, d’autres noms égrainés
Ces près de deux mois ont laissé le temps à de nombreux noms d’émerger, certains de disparaître, d’autres de rester en suspens. Il y a tout d’abord bien sûr eu l’hypothèse Lucie Castets. La candidate du Nouveau Front populaire avait été reçue à l’Elysée au premier jour des consultations d’Emmanuel Macron. Mais ce dernier a finalement refusé de la nommer à Matignon, assurant que la motion de censure à son égard était inévitable.
L’hypothèse d’un Premier ministre issu des rangs de la gauche “modérée”, plus éloigné du Nouveau Front populaire, semble également l’une des pistes priorisées par Emmanuel Macron. Une idée qui a mené au maire socialiste de Saint-Ouen, Karim Bouamrane, pas avare en critiques contre La France insoumise et Jean-Luc Mélenchon. Doté d’une certaine cote de popularité après les Jeux olympiques, chef d’entreprise et tenant d’une ligne ferme sur la sécurité, celui-ci avait finalement clarifié sa position en assurant que Lucie Castets “doit être nommée Première ministre”. Mais l’élu s’est tout de même dit prêt à être un Premier ministre de “compromis” si on venait à faire appel à lui. Dans un autre registre,Franceinfo a révélé ce mardi 3 septembre que Laurent Berger, l’ancien patron de la CFDT, avait également été sondé pour Matignon. Un refus ferme adressé par celui qui fut l’un des plus fervents combattants de la réforme des retraites de 2023.
A droite également, d’autres noms ont également été testés par Emmanuel Macron et l’Elysée, sans que les discussions ne semblent aller beaucoup plus loin. C’est notamment le cas de Michel Barnier et Jean-Louis Borloo, deux vétérans de la vie politique française, dont la nomination à Matignon serait aujourd’hui une grande surprise.
Des profils moins clivants ?
L’hypothèse a très vite été évoquée dès le résultat du deuxième tour des élections législatives : un profil plus technique, moins clivant à gauche comme à droite, pourrait-il être le seul choix viable et durable pour parvenir à gouverner dans cette Assemblée nationale si fracturée ? Dans ce sens, un nom est allé plus loin que tous les autres : Thierry Beaudet, le président du Cese. Ce lundi, cet inconnu du grand public semblait être devenu l’option numéro un pour Matignon. Avec plusieurs qualités plaidant en sa faveur : un homme issu de la société civile, plutôt de centre-gauche pour attirer des voix socialistes, tout en ayant l’expérience de la négociation et du consensus. Mais dès le lendemain, le ballon d’essai Thierry Beaudet semble s’être dégonflé, certains refusant de voir quelqu’un sans aucune expérience politique pour mener cette mission très périlleuse.
Avant lui, d’autres profils similaires avaient été testés par le chef de l’Etat. Le nom d’Eric Lombard, directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations, a agité l’Elysée, comme l’avait révélé L’Express. Ancien rocardien et conseiller ministériel de Michel Sapin, celui-ci était décrit comme “compatible avec la Macronie et apprécié par la gauche”. Sans pour autant aller plus loin pour l’instant.
Bis repetita pour Didier Migaud, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Député socialiste pendant près de 22 ans, ancien président de la commission des Finances à l’Assemblée, il avait notamment gagné une forme de respect à gauche comme à droite au sein de l’Assemblée nationale pour son acharnement pour le maintien des comptes publics. Une compétence loin d’être anecdotique dans la situation politique actuelle, où réussir à faire voter un budget d’ici la fin de l’année se rapproche de la mission impossible.
Parmi les autres profils égrainés au compte-goutte dans la presse, on retrouve également des dirigeants d’entreprise, comme le président du conseil d’administration de Renault, Jean-Dominique Senard, ou encore le directeur général de la Maïf, Pascal Demurger. On a également pu entendre le nom de l’ancien économiste en chef du FMI Olivier Blanchard, dans l’optique d’un gouvernement très technicien à l’italienne, ou encore celui du plus qu’expérimenté président de la Cour des comptes Pierre Moscovici. Même si l’un des scénarios reste encore qu’aucun de ces noms cités soit en réalité le choix d’Emmanuel Macron pour Matignon.
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