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Du “Comte de Monte Cristo” à “Fortune de France”, le retour du roman national


La première image est celle d’une exécution. Sur la place d’un village, deux hommes subissent un simulacre de procès. Ils n’ont qu’un tort et le paieront de leur vie : être protestants. La scène n’est pas tirée de La Reine Margot d’Alexandre Dumas, mais d’une autre fresque historique, qui a fait le bonheur des libraires en 1977. Etalée sur près de trente ans – le dernier tome est paru en 2003 – Fortune de France de Robert Merle a été vendue à six millions d’exemplaires. Dans cette gigantesque saga familiale, l’écrivain raconte la destinée de la famille Siorac, des nobliaux du Périgord noir, dans une France déchirée par les guerres de religion. Juste après les Jeux paralympiques, à la mi-septembre, France 2 diffuse son adaptation créée et réalisée par Christopher Thompson, déjà à la manœuvre de plusieurs téléfilms d’époque pour le service public.

Un épisode sanglant de l’Histoire, de l’émotion et beaucoup de patrimoine : les romans de cape et d’épée semblent être la nouvelle formule magique des producteurs français. Au cinéma, le récent succès des deux parties des Trois Mousquetaires (4,6 millions de spectateurs en cumulé) et surtout le raz-de-marée estival du Comte de Monte Cristo (plus de 7,3 millions d’entrées) ont montré l’appétit du public pour la fiction historique. “Qu’importe si ces adaptations peuvent parfois s’écarter de l’œuvre dont elles sont tirées : les scénaristes vont à la rencontre d’un public qui a le goût du spectaculaire et du souffle romanesque”, estime Gérard Gengembre, critique littéraire et professeur émérite de littérature française à l’université de Caen. Les fresques historiques sont tirées de romans de cape et d’épée, certes, mais permettent de voir l’histoire de France à travers les yeux des protagonistes. Dans Les Trois Mousquetaires, l’auteur observe les tensions politiques du règne de Louis XIII. Dans le Comte de Monte-Cristo, Dumas retrace les trahisons de la Restauration et du bonapartisme.

Faim d’histoire

Dans Fortune de France, le protestant Pierre de Siorac et son fils, Pierre-Emmanuel, traversent le massacre de la Saint-Barthélemy, le règne d’Henri III, le couronnement d’Henri IV. L’histoire de France mise en musique grâce au souffle de la fiction. “On oppose souvent deux types d’Histoire : celui des historiens et celui des romanciers et scénaristes, observe Robert Belot, professeur d’histoire contemporaine à l’université Jean-Monnet. Mais elles sont en réalité complémentaires. La fiction est un excellent moyen de s’approprier une histoire nationale.” Cent cinquante ans après la mort de Jules Michelet, père du roman national avec sa gigantesque Histoire de France, les scénaristes mettent à hauteur de contemporains les grands épisodes qui ont fait l’Hexagone.

Nos voisins d’outre-Manche y excellent pourtant depuis longtemps. Les Tudors, retraçant en 38 épisodes les frasques du roi Henri VIII, en sont un exemple. Plus récemment, Dans l’ombre des Tudors (ou Wolf Hall), adaptée de la trilogie romanesque de l’écrivaine Hilary Mantel, en est un autre. Mais en France, en dehors de quelques téléfilms réalisés par Josée Dayan – un fade remake en 2005 des Rois maudits de Maurice Druon, pour ne citer que lui -, qui se souvient de fresques historiques françaises portées avec succès à l’écran ? “Le public a pourtant faim du genre : l’audience d’émissions historiques comme Secrets d’Histoire l’atteste”, observe Gérard Gengembre, pour qui les Français sont lancés dans une “quête patrimoniale”. Dont les effets dépassent les écrans : depuis le début de l’été, Le Comte de Monte-Cristo a été réimprimé quatre fois. Fortune de France connaîtra-t-il un aussi beau destin ?




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