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Michel Barnier Premier ministre : à Bruxelles, la récente dérive du héros du Brexit a laissé des traces


Au total, Michel Barnier a passé 14 années de sa vie politique à Bruxelles. Un long séjour qui suffit à le rendre atypique au sein de la classe politique hexagonale. “Je sais que Michel Barnier a les intérêts de l’Europe et de la France à cœur, comme le démontre sa longue expérience”, écrit l’actuelle présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen dans un message de félicitations publié sur les réseaux sociaux.

C’est en tant que négociateur européen du Brexit (2016-2021) que le nouveau Premier ministre a connu son heure de gloire. Mais avant cela, il avait déjà occupé à deux reprises des postes de Commissaire européen. Après avoir géré la politique régionale de l’UE (1999-2004), il a pris en charge le dossier brûlant des services financiers entre 2010 et 2014, dans la foulée de la crise des subprimes.

Le “fléau de la City”

Durant ce second mandat, il a présenté plusieurs dizaines de textes législatifs destinés à réguler les secteurs bancaire et financier européens. Ses interlocuteurs de l’époque n’ont pas oublié le quasi légendaire tableau Excel en couleurs que le Savoyard emportait partout et qu’il dégainait régulièrement, notamment dans la salle de presse de la Commission européenne, lorsqu’il souhaitait présenter l’état d’avancement de ce travail de titan. À son départ, quasiment toutes les législations figuraient dans la colonne “adoptées”.

Les Britanniques, qui avaient peu apprécié les efforts pour mettre de l’ordre dans la finance européenne, ont ensuite vu revenir celui que leurs tabloïds avaient surnommé “le fléau de la City” comme leur interlocuteur principal après le référendum de 2016 sur la sortie de l’Union européenne. Michel Barnier préférait, lui, rappeler à chaque occasion qu’il avait voté pour la première fois de sa vie lors du référendum pour l’entrée du Royaume-Uni dans l’UE en 1972. Impavide, toujours courtois, il mènera la négociation à son terme avec succès, s’exprimant régulièrement dans un anglais toujours fortement teinté d’accent français. “The clock is ticking” – l’horloge tourne -, martelait-il distinctement à chaque conférence de presse, car les négociations n’avançaient pas assez vite à ses yeux.

Très bien entouré par une équipe d’experts techniques et de hauts fonctionnaires hors pair, il réussira le tour de force de maintenir contre vents et marées l’unité des 27 pays européens que Londres tentera régulièrement de saper. Un succès obtenu en voyageant sans cesse sur le continent et en informant constamment les diplomates et les politiques de l’état des discussions. Jamais on ne verra publiquement apparaître de failles dans le camp européen. “C’est un montagnard, il a le sens de l’ascension à pas lents mais à pas sûrs pour gagner le sommet. C’est la méthode Barnier, fédérer pour construire”, nous confiait à l’époque le député européen UMP Michel Dantin, savoyard comme lui.

Étoile pâlissante à Bruxelles

Ces 14 années passées dans les arcanes européens lui ont donné une expérience des longues discussions et conciliations pour arracher des accords entre des familles politiques différentes. “Il a la culture du compromis”, résume l’eurodéputée Horizon Nathalie Loiseau, qui a dirigé le groupe de contact du Parlement européen sur le Brexit. Le nouveau Premier ministre avait rêvé de devenir président de la Commission européenne en 2019, mais il n’avait pas reçu le soutien d’Emmanuel Macron, qui lui avait préféré l’allemande Ursula von der Leyen.

Ces dernières années, son étoile a d’ailleurs nettement pâli à Bruxelles. Les Européens se sont étranglés quand, en juillet 2021, candidat à la primaire LR pour la dernière élection présidentielle, il a plaidé en faveur d’un moratoire unilatéral sur l’immigration et la mise en place d’un “bouclier constitutionnel” qui permettrait à la France de s’exonérer du droit européen dans ce domaine. Choquée, la Commission européenne avait alors rappelé que la France devait respecter les Traités et la prééminence de la Cour européenne de justice. Mais l’extrême droite avait apprécié la proposition. Elle ne l’a sans doute pas oubliée.




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